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Selon le Pr Bondue, "la LCB vise à mettre en place des campagnes destinées à diminuer l'impact global de ces maladies dans notre société. Nous avons un rôle important à jouer notamment envers la médecine de première ligne, les pharmaciens, le public et le monde politique, et nous souhaitons également développer une aide destinée aux patients". Le journal du Médecin: Xavier De Cuyper, qu'est-ce qui vous a amené au conseil d'administration de la Ligue? Xavier De Cuyper: C'est quelques mois après mon accession à la retraite qui a suivi 18 années passées à la tête de l'Agence des médicaments que j'ai été approché par la LCB, et il est certain que la prévention des maladies CV doit être soutenue au vu de leur importance comme cause majeure de mortalité. Je pense pouvoir aider la Ligue, notamment sur le plan de l'information et de la communication, tout particulièrement avec la participation des patients et de leurs organisations. Il y a certainement de quoi faire, par exemple lorsqu'on voit ce qui existe sur le plan de l'apprentissage du massage cardiaque ou de l'utilisation des défibrillateurs dans des pays nordiques comme le Danemark. La structure politique de notre pays peut rendre les choses plus complexes mais pas irréalisables pour autant, en collaborant avec l'ensemble des partenaires concernés pour obtenir un effet de levier important. À court terme, outre une meilleure coordination avec les associations de patients, il serait bien de voir le prochain accord gouvernemental contenir un plan global pour les maladies CV. Je pense qu'on doit aussi collaborer avec les autres niveaux de pouvoir, et innover dans la coordination entre ces niveaux. Les besoins de sensibilisation du grand public aux risques cardiovasculaires sont-ils encore importants? Pr Antoine Bondue: En effet. Et à ce titre, les patients sont des témoins cruciaux de ce qu'il peut arriver en termes de maladie CV, et ils sont donc d'importants leviers potentiels pour les actions que la Ligue peut mener. D'autant plus que les maladies CV sont par excellence des maladies liées à des facteurs de risque qui sont modulables en plus d'être détectables. Les stratégies d'information et de prévention peuvent donc être réellement efficaces, et la Ligue souhaite renforcer l'apport potentiel des patients dans cette démarche, car ils peuvent être des témoins privilégiés d'un échec de la prévention. À notre avis, c'est indissociable des politiques de santé visant à la prévention. Nous aimerions donc que chacun apprenne à identifier ses propres facteurs de risque, pour les prendre en charge à temps. Ceci dit, actuellement, nous disposons de très peu d'informations notamment sur la prévalence des différents facteurs de risque en Belgique. La Ligue souhaiterait avoir accès à plus de données santé. Comment en collecter plus? XDC: Nous sommes a priori bien outillés pour cela, avec le KCE et Sciensano notamment, mais ce n'est pas toujours bien coordonné. Et malheureusement, les demandes sont tellement nombreuses, par exemple vis-à-vis du gouvernement fédéral et du KCE, que cela peut prendre des années pour se concrétiser dans les différents domaines à étudier. C'est un défi à relever. AB: Les données existent, y compris au niveau des sociétés scientifiques, mais elles semblent insuffisamment structurées pour être bien communicables. Il s'agit d'un de nos points faibles en Belgique, et qu'il faudra améliorer en décloisonnant les différentes instances qui s'occupent de la santé. Quid de la possibilité d'agir au niveau régional, voire local? AB: Officiellement, la politique de prévention est devenue du ressort des Régions. Mais en réalité, elle peut relever de tous les niveaux car il est également possible de mener des actions de proximité, au niveau local, comme une campagne de dépistage dans son quartier. La réussite impose cependant, comme dit précédemment, la collaboration de tous les niveaux de pouvoir, avec un État fédéral qui donne des instructions claires. Actuellement, l'hétérogénéité des politiques de prévention entre les Régions fait qu'au final, il n'y a pas de politique de prévention efficace. En tant que médecin, je vois un vide manifeste en termes d'actions. XDC: Je suis tout à fait d'accord avec ce constat, mais il ne faut pas se décourager. C'est un combat de longue haleine que de mettre tout le monde autour d'une table. Il existe entre autres une opposition presque stupide entre les différents niveaux de pouvoir, quels qu'ils soient, sans parler des différences Nord-Sud qu'on se plaît à rappeler régulièrement. Mais un certain momentum est actuellement en place, avec un alignement ressenti pour travailler sur la prévention. Ce souhait affirmé comme objectif majeur par les gouvernements qui se mettent en place est positif, et il faudra rapidement trouver les moyens pour le réaliser dans un délai d'environ cinq à dix ans. N'y a-t-il pas également des lacunes à combler en matière de formation, comme la réanimation cardio-pulmonaire (RCP)? En France par exemple, elle est récemment devenue obligatoire tous les quatre ans pour l'ensemble des professionnels en contact avec des patients, médecins y compris... AB: C'est effectivement un bon exemple de politique de santé globale, et qui inclut la formation médicale continue. On constate que la politique de prévention et de prise en charge immédiate des arrêts cardiaques est beaucoup plus développée dans d'autres pays. Une telle formation régulière et obligatoire à la RCP peut dérouter a priori, mais je pense qu'il s'agit d'un standard de qualité qui pourrait être implémenté également chez nous. À titre d'autre exemple, certains pays ont mis en place un système permettant d'envoyer des défibrillateurs par drone à l'endroit d'un arrêt cardiaque. À l'occasion de la Semaine 2024 du coeur, qui s'est tenue fin septembre, la Ligue a d'ailleurs lancé une action visant à promouvoir la RCP, avec l'aide du comédien Pablo Andres dont plusieurs proches ont souffert de problèmes cardiaques importants. À l'avenir, nous évoquerons aussi (parfois comme rappels, car il faut toujours répéter les informations) les tueurs silencieux, qui restent nombreux. Je pense notamment à l'HTA, au diabète, à l'hypercholestérolémie et à la fibrillation auriculaire, qui sont clairement sous-diagnostiqués. Ainsi que les malformations congénitales? AB: Elles aussi sont globalement négligées, surtout chez l'adulte. Il arrive souvent qu'un enfant atteint et opéré soit en quelque sorte considéré comme guéri, alors que des complications peuvent survenir à l'âge adulte. Or, il est fréquent que ces patients ne consultent que lors de la survenue de telles complications (notamment rythmiques), d'insuffisance cardiaque ou pire. C'est un groupe de patients dont on ne parle pas assez souvent, alors qu'il est en train de grandir.