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S'il est un pays de fleurs et de la tulipe bien sûr ce sont les Pays-Bas, qui célèbrent le musée de leur capitale administrative au travers d'une exposition intitulée In volle bloei qui rappelle l'importance économique et donc culturelle des fleurs dans l'histoire du pays. C'est en effet au 17e siècle peu après l'indépendance des Provinces-Unies que l'intérêt pour la botanique se développe, avec la découverte du Nouveau Monde, notamment à Anvers et dans les anciens Pays-Bas. Chronologique et baignée d'une pénombre fervente qui met en lumière justement les bouquets délicats présentés, l'exposition montre tout d'abord que le thème du bouquet de fleurs est déjà présente à la fin du 15e siècle et initiée par Hans Memling (peinture rehaussée au verso d'un portrait d'un homme priant où l'on aperçoit en arrière-fond des arbres en fleurs indice de la composition florale se trouvant sur l'autre face du panneau de bois) et Ludger Tom Ring. Mais c'est à la fin du 16e que le genre se développe notamment à Anvers et Bruxelles avec Bruegel, Savery, Boosschaert (anversois), et l'autre anversois émigré à La Haye Jacques de Gheyn qui fait d'ailleurs le portrait du botaniste hollandais Clusius dont on peut admirer les ouvrages. Jan Bruegel en 1605 inclut déjà dans son bouquet exotique des insectes, tandis que Roelant Savery, délicat peintre des animaux, s'il se révèle moins impressionnant dans sa dépiction des fleurs, introduit dans la niche qui accueille le bouquet deux lézards et un scarabée. Tandis que Vosmaer de Delft y glisse une souris, Bosschaert quant à lui, est encore un héritier de la Renaissance flamande qui dépeint un paysage bleuté à l'arrière de son portrait floral, typique de cette époque. Une femme, déjà, se distingue parmi ces pionniers, l'Anversoise Clara Peeters qui signe une Composition au panier et coupe d'étain bizarrement écrasée. À ces bouquets stricts des débuts du genre, l'on note après 1630, une sorte de libération des compositions qui deviennent plus naturelles, moins rigide notamment chez van der Ast, peintre zélandais dont les fleurs se disposent dans un vase chinois de l'époque Wan-Li: une rareté pour l'époque. Van Hulsbroek peint un bouquet de roses disposées de façon plus relâchées, toujours - comme dans toutes ces peintures, issues des collections du musée, d'autres collections hollandaises ou internationales -, en insistant sur la délicatesse et précision du détail. Van der Ast lui peint d'une façon magistralement épurée une unique tulipe blanche à liseret rouge, sorte de symbole de l'exposition, laquelle évoque également le crash des bulbes de tulipes en 1637 suite à la "tulipomanie": une fleur venue de Turquie et qui envahit peu à peu les bouquets des peintres des plats pays comme Bollongier et, notamment, des femmes comme Michaelina Wautier, la Bruxelloise, ou Marie Van Oosterwijck. Laquelle peint aussi un tournesol, symbole du bon chrétien se tournant vers Dieu. Ces compositions ont parfois des symboliques de memento mori, comme chez Davidz De Heem, sans doute le meilleur d'entre tous ces peintres de fleurs, qui peint un bouquet avec coquillage et crâne, histoire que le message soit bien compris. Au niveau scientifique, à côté des magnifiques Hortus Botanicus d'Amsterdam, ouvrages botaniques du début du 18e trônent des dessins et aquarelles, de grandes botanistes de l'époque que furent notamment Agnès Block et Marie Mérian artistes et scientifiques qui produisirent des portraits d'insectes et plantes magnifiques. Les soeurs Anna et Rachel Ruysch font de même, et peignent également entre autres des bouquets avec insectes et souris ravissants. Reste qu'elles souffrent un peu de la comparaison au regard à nouveau d'un Jan Davidz de Heem qui, outre la composition florale butinée par des papillons, inscrit dans sa peinture jusqu'au reflet de la lumière sur le vase en verre et dans les raisins. Toute la luxuriante du 17e siècle (et du Siècle d'or) s'y exprime faisant de l'ombre à une composition voisine d'Abraham Van Beyeren plus floue tremblée, alors que Dirck de Bray choisit lui, pour clore cette exposition petite certes aux cartels éclairants et à la brassée contrastée de toiles uniques, de dépeindre un bouquet en train de se faire.... Au milieu de cet exquis Keukenhof pictural, une composition en effet... originale. Difficile de visiter une exposition temporaire à la Mauritshuis, sans à nouveau jeter plus qu'un oeil à l'impressionnant collection permanente du musée: l'occasion de revoir les Rembrandt, dont le fameux autoportrait troublé et troublant en vieil homme, la fameuse Leçon de médecine du Docteur Tulp, les Vermeer dont l'iconique Jeune fille à la perle et d'autres moins connus dont le fabuleux Jardin d'Éden et chute de l'homme, oeuvre conjointe de Pierre Paul Rubens pour le couple formé par Adam et Eve et Jan Bruegel I pour le paysage et les animaux, tous fantastiques de réalisme.