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Guitariste gantois célébré pour ses collaborations avec Soulwax, Roland ou Daan notamment, Geoffrey Burton cultive sa signature guitaristique très personnelle, aventureuse qu'il a jusqu'ici mise au service d'autres artistes, lesquels apprécient sa touche originale et singulière. Avec Me Ta Podia, Geoffrey ose, après plus de 25 ans de carrière, un album instrumental, électronique, qui le voit repousser les limites de son instrument et de sa créativité pour un résultat organique, expérimental et parfois humoristique... Le titre de l'album signifie "à pied" en Grec. Est-ce à cause des pédales que vous utilisez ou en hommage à la musique crétoise de la famille Xylouris que vous écoutez? Évidemment, c'est parce que j'utilise pas mal les pieds lorsque je joue de la guitare, mais également parce qu'il s'agit d'un album très organique, les pieds sur terre, peu produit et donc très spontané. Vous composez de la musique pour le théâtre et le cinéma. Mais votre musique possède-t-elle son propre récit? Oui. Souvent quand je joue, j'ai l'impression de faire de la musique pour des films sans images. Et lorsque je réécoute ce que j'ai composé, j'imagine très facilement des historiettes, des dessins animés, de petits films. Comme si le récit imagé faisait irruption dans mon esprit à la suite de la bande-son. Certains morceaux s'intitulent I take my frogs for a walk ou Dance of the typewriters. L'humour c'est important? Essentiel. La musique expérimentale en manque souvent. Et, à mes yeux, l'humour valorise ce que l'on crée. J'ajoute qu'il est très compliqué de parvenir à quelque chose d'à la fois léger, sans que cela soit idiot. C'est ce que je tente de faire sans me prendre trop au sérieux. Jeune, étiez-vous plus proche de Jimi Hendrix ou de Ritchie Blackmore? Hendrix, je n'ai jamais écouté Blackmore. Difficile de ne pas passer par Hendrix. Je l'écoutais gamin, même avant de commencer la guitare. Si désormais je n'écoute plus beaucoup de guitaristes, mes références ont plutôt pour nom Robert Quine, Adrian Belew, Lou Reed, Caspar Brötzmann, Arto Lindsay... Vous êtes un antiguitare héros: l'inverse d'Eddy Van Halen qui vient de décéder? Certains guitaristes, un peu comme Hendrix, ont imposé une façon de jouer qui rend les guitaristes qui leur ont succédé presque obsolètes: Eddy Van Halen était de ceux-là dans son art du tapping, dont il restera la référence. J'ai un peu le même sentiment concernant Djano Reinhardt, que j'ai beaucoup écouté à une époque: j'ai cherché d'autres guitaristes dans la même mouvance, mais aucun d'eux ne m'a passionné comme Django, bien qu'il y en ait d'excellents. Vous cachez-vous derrière votre guitare? Non... Peut-être l'ai-je fait à une époque, jusqu'il n'y a pas longtemps, c'est-à-dire jusqu'à ce disque. Mais j'ai toujours été un musicien qui, lorsqu'il le pouvait, prenait sa place. Je n'aime pas l'exubérance, le démonstratif, mais j'apprécie les musiciens qui ont de la personnalité: et certains en ont une très marquée doublée d'une musicalité tout aussi importante, sans être exubérants pour autant. Mais vous êtes dans le collaboratif? C'est l'essence même de la musique... sinon c'est de la branlette! (il rit) Vous avez joué notamment avec Bashung, Iggy Pop, Rodolphe Burger, Arno, Soulwax, Roland...Cela requiert de votre part une grande capacité d'adaptation et également me semble-t-il une grande ouverture d'esprit à tous genres de musiques? Quelque part, Roland est un peu mon modèle: j'ai commencé à jouer avec Pieter-Jan De Smet, mais très vite, à 18 ans, j'ai aussi accompagné Roland: de sa fréquentation, j'ai appris à me démerder avec ce que je pouvais faire ou pas, à savoir comment se balader dans tous les styles, en proposant ce que j'étais capable de produire. Tous ces artistes, qu'aiment-ils chez vous? Faudrait leur demander... Je suppose que j'apporte quelque chose à leur musique. Mais j'avoue qu'il n'y pas eu trop de mauvais casting jusqu'ici. En tout cas, je suis vraiment heureux d'avoir franchi ce cap, celui de sortir mon propre album: en jouant avec tous ces artistes que j'apprécie, la musique que j'interprète n'est pas forcément celle que j'écoute. Cela n'a rien de négatif. Pour mon propre équilibre, il était important de sortir un album personnel, lequel dévoile les idées qui me traversent. Et maintenant que c'est fait, vous allez poursuivre? Bien sûr. Mais j'espère surtout que cette démarche ouvrira des portes vers des collaborations avec des artistes qui, sans ce travail personnel, ne penseraient pas à moi en écoutant tous les musiciens avec qui j'ai collaboré. Vous souhaiteriez vous associer avec des chanteurs qui expérimentent un peu plus comme vous: je pensais à des artistes comme Diamanda Galas... Ah oui, elle peut toujours m'appeler (rires). C'est en tout cas une chanteuse dont la démarche va dans cette direction. J'adorerais par exemple participer à un projet en compagnie de Laurie Anderson ou Ryuichi Sakamoto. Des artistes au parcours impressionnant dont j'aimerais bénéficier de l'expérience, tant qu'ils sont parmi nous: j'ai beaucoup à apprendre de leur part, au vu leur parcours. Et pourquoi pas, soyons fou, jouer avec ces deux-là en même temps! (rires)