...

A la base de cette nouvelle étude, une question qui demeure controversée : faut-il oui ou non que les cellules cancéreuses perdent leurs caractéristiques épithéliales (adhésion) pour se détacher de leurs voisines, et qu'elles acquièrent des propriétés mésenchymateuses (migration) pour quitter la tumeur primaire et former des métastases, cause principale de mortalité des patients atteints de cancer ?" C'est un thème récurrent pour lequel il n'y a pas beaucoup de données solides qui permettent de trancher la question dans un sens ou dans l'autre ", avance le Pr Cédric Blanpain, chercheur Welbio et responsable du laboratoire " Cellules Souches et Cancer " à la faculté de médecine de l'Université libre de Bruxelles. " Il reste beaucoup à découvrir sur la manière dont les métastases parviennent à quitter la tumeur initiale et à se répandre dans le reste du corps. "On sait que pour arriver à métastaser, les cellules cancéreuses doivent quitter la tumeur primaire, envahir leur micro environnement, circuler dans la circulation sanguine ou lymphatique, atteindre des organes distants et, enfin, y établir une tumeur secondaire.Les événements moléculaires et cellulaires précis responsables de cette " cascade " d'événements ne sont pas encore entièrement compris mais la transition épithélio-mésenchymateuse ( epithelial-mesenchymal transition ou EMT) est suspectée de jouer un rôle important." Nous avons utilisé deux modèles murins très similaires de carcinomes épidermoïdes de la peau mais distincts dans la mesure où un présentait une EMT spontanée durant la tumorigenèse et l'autre pas. Dans le modèle EMT, nous avons retrouvé une grande incidence de métastases. En revanche, dans l'autre modèle, celui sans EMT, l'incidence de métastases était très faible. Ce résultat appuie le fait que les cellules tumorales initiant le processus métastatique subissent bel et bien une EMT. "L'équipe de Cédric Blanpain a aussi observé que la majorité des métastases présentent peu de signes d'EMT, ce qui indique que le processus inverse, MET ( mesenchymatous-epithelial transition), a lieu sur le site des métastases et qu'il est également important pour la croissance de ces dernières. C'est un peu comme si les cellules cancéreuses changeaient deux fois de costume.Un autre point de controverse est soulevé par le Pr Blanpain. Jusqu'à présent, les cellules tumorales circulantes, une des premières étapes de la fameuse cascade métastasique, sont détectées sur base de l'expression de marqueurs épithéliaux comme Epcam, la référence actuelle. Ces marqueurs sont utilisés en clinique pour évaluer le nombre de cellules tumorales circulantes et prédire le risque de métastases et la réponse aux traitements." Mais le modèle murin expérimental que nous avons utilisé dans notre étude pour pister les cellules cancéreuses se base, lui, sur de l'expression d'une protéine fluorescente, ce qui ne peut pas se faire chez l'être humain. Cela nous a permis de déterminer la présence de cellules tumorales circulantes indépendamment de l'expression des marqueurs connus et de découvrir que ces cellules sont toujours associées aux métastases, alors que 80% d'entre elles étaient Epcam-négatives. Cette découverte suggère que les cellules tumorales circulantes passent par une EMT pour former les métastases et que l'Epcam n'est pas un marqueur optimal pour les détecter. Il va falloir trouver autre chose. "" Pour mieux surveiller la présence de ces cellules tumorales circulantes dans le sang des patients atteints de cancer, de nouvelles méthodes utilisant des marqueurs qui reconnaissent les cellules tumorales circulantes présentant une EMT sont par conséquent nécessaires ", ajoute Tatiana Revenco, la première auteure de l'étude.Et ce n'est pas tout. Au vu des résultats de l'étude, le Pr Blanpain lance un appel à la prudence quant au recours à un traitement anti-EMT pour bloquer les métastases. " C'est en effet une arme à double tranchant. Sachant qu'il faut de l'EMT pour que les cellules quittent la tumeur mais qu'il convient ensuite que le processus inverse, MET, soit déclenché pour que les métastases puissent grandir sur le site de la tumeur secondaire, un traitement anti-EMT pourrait peut-être favoriser la colonisation des sites métastatiques. "Autrement dit, il faudrait trouver un médicament qui tout à la fois bloquerait l'EMT pour empêcher la dissémination métastatique initiale depuis la tumeur primaire, et qui ne faciliterait pas la croissance de métastases dans les organes distants. Un objectif sur lequel Cédric Blanpain et son équipe entendent bien se focaliser...