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Il ne fait aucun doute que la pandémie de Covid-19 a été une expérience terrible - pire que prévue pour beaucoup. Lorsque nous suivons la situation du Covid-19, nous avons tendance à nous concentrer sur les nombreux décès afin de quantifier sa gravité. Cependant, il est difficile de savoir exactement combien de décès sont réellement dus au Covid-19, et combien peuvent en fait être causés par des conditions de santé sous-jacentes, résulter de décisions visant à limiter les thérapies de survie, ou être associés à des pénuries essentielles d'infrastructures, de ressources ou de traitement. Néanmoins, la surmortalité importante en 2020 par rapport aux années précédentes, même les années où les taux de mortalité sont plus élevés en raison de graves épidémies de grippe, est incontestable. En Belgique, la surmortalité par rapport à 2019 était proche de 30 % sur la période de mars à mai, mais elle est maintenant revenue à des valeurs habituelles. Les mesures prises en Europe, notamment le confinement national et local, l'isolement des patients infectés et de leurs contacts, et la distanciation sociale, étaient inévitables et essentielles pour contrôler la propagation du virus. Des pays comme le Royaume-Uni ou la Suède ont payé le prix en tablant sur le développement d'une immunité collective. Nous savons maintenant qu'à peine plus de 10 % de la population possède des anticorps contre le Sras-Cov-2 et nous craignons que cette protection naturelle pourrait de toute façon ne pas durer longtemps. La question que tout le monde se pose est donc de savoir pendant combien de temps le virus va rester avec nous. Pour y répondre, nous devons voir comment la maladie évolue. Pour cela, il y a trois approches clés : 1. En évaluant le nombre de cas infectés ou la proportion de tests positifs parmi tous les tests effectués. Cependant, les implications d'un test positif d'amplification en chaîne par polymérase (PCR) chez un individu sain ne sont pas claires. En outre, l'augmentation du nombre de tests permettra d'identifier davantage de cas positifs, de sorte qu'il est difficile de faire des comparaisons dans le temps. 2. En comptant le nombre de décès liés au Covid. Toutefois, comme nous l'avons déjà rapporté dans le Lancet et ailleurs, cette mesure est également difficile à interpréter. Par exemple, une personne âgée vivant dans une maison de retraite qui meurt avec certains symptômes respiratoires (comme c'est souvent le cas en fin de vie), mais qui n'a pas été testée pour le Sras-Cov-2, doit-elle être incluse ou non dans les statistiques de mortalité due au coronavirus ? Ou une personne souffrant de problèmes cardiaques et ayant des antécédents d'infarctus du myocarde qui meurt quelques minutes après son admission à l'hôpital des suites d'un choc cardiogénique mais qui avait été testée positivement pour le Sars-Cov-2 à son arrivée - s'agit-il d'un décès cardiaque ou d'un décès dû au Covid-19 ? 3. En comptant le nombre d'admissions à l'hôpital, et en particulier les admissions en unité de soins intensifs (USI). C'est l'indice que j'ai personnellement le plus suivi (et pas seulement parce qu'il est bien sûr aussi au centre de mon intérêt professionnel) : après tout, lorsque nous avons été mis en confinement pour la première fois, la principale raison évoquée dans la plupart des pays était d'éviter de submerger nos USIs. En Belgique, nous n'avons pratiquement pas vu de patients Covid-19 dans nos USIs depuis trois mois maintenant et d'autres pays européens ont vécu une expérience similaire. Depuis quelques mois, nos vidéoconférences nationales organisées par le KCE sur l'avancement des essais thérapeutiques dans le Covid-19 en Belgique laissent apparaitre un mélange de soulagement en raison du petit nombre de cas graves dans nos USIs et d'inquiétude face aux difficultés de recrutement de malades dans les divers essais cliniques en cours qui n'ont pas encore inclus suffisamment de patients pour que des conclusions valables puissent être tirées. À la fin de ces réunions, les participants espèrent presque une deuxième vague pour que nous puissions terminer les études et ainsi aider les autres malades ! La recherche a également été entravée par l'histoire de l'hydroxychloroquine, certains refusant de participer à des essais randomisés parce qu'ils préféraient être certains de recevoir de l'hydroxychloroquine... mais c'est une autre histoire. En Belgique, nous n'avons pratiquement pas vu de patients Covid-19 dans nos USIs depuis trois mois maintenant. Une autre caractéristique intéressante est que, bien que le nombre total de cas augmente à nouveau en Europe, le nombre de cas graves reste relativement faible. Ceci ne peut être bien expliqué ni par les gestes barrière ni par le traitement ambulatoire que nous n'avons pas. Est-ce parce que de nombreux patients parmi les plus à risque ont déjà été atteints et sont décédés ? Ou bien qu'une certaine immunité a pu se développer dans la population ? Ou que le virus a muté en une forme légèrement moins grave ? L'histoire du Covid-19 n'est manifestement pas terminée, mais le nombre de cas graves et de décès a diminué sur tout le continent. Aux premiers stades de la pandémie, il était frustrant d'entendre certains dirigeants considérer que l'infection par le Sars-Cov-2 était comparable à une mauvaise grippe, car cela était clairement faux. Mais aujourd'hui, d'aucuns suggèrent que c'est peut-être devenu le cas... le pire est peut-être passé. Alors, pouvons-nous arrêter les mesures préventives, nous réjouir et revenir à la normale ? Evidemment pas, nous devons rester prudents, suivre les statistiques, et essayer de mieux comprendre comment la pandémie évolue. Nous devons continuer à essayer d'identifier des traitements efficaces et de développer des vaccins.