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Comme de nombreux États, la Belgique soumet à l'impôt successoral l'universalité des biens appartenant à une personne qui au jour de son décès, était un habitant du royaume. Ce critère de taxation du patrimoine mondial peut évidemment créer de nombreux cas de double imposition, puisque la Belgique taxe les actifs du défunt qui se situent à l'étranger, alors même que ces actifs ont potentiellement déjà subi une taxation dans le pays où ils sont situés. La seule disposition de droit belge permettant de limiter cette double imposition est l'article 17 du code des droits de succession (aujourd'hui régionalisé), qui permet de déduire dans une certaine mesure l'impôt successoral payé en Belgique, l'impôt déjà payé à l'étranger sur les immeubles de la succession. Cette règle ne s'appliquant qu'aux biens immobiliers, elle permet au fisc de procéder à une potentielle seconde imposition des biens mobiliers situés à l'étranger. Cette règle ne permet pas non plus de bénéficier d'une disposition fiscale étrangère favorable, puisque les contribuables seront immanquablement rattrapés par la législation fiscale belge. Enfin, l'article 17 peut créer des situations plus complexes dans lesquelles une législation étrangère accorde, elle-même, une réduction d'impôt à concurrence de l'impôt dû en Belgique. La Belgique a néanmoins conclu des conventions préventives de la double imposition spécifique en matière de droits de succession. Ces instruments internationaux sont assez rares puisqu'il n'existe à ce jour que deux conventions qui lient la Belgique avec la France d'une part, et la Suède, d'autre part. Ces conventions règlent le pouvoir d'imposition des États qui les signent et ont pour objectif de limiter le risque de double imposition du patrimoine transmis lors du décès. En dehors de ces deux instruments, il demeure une discrimination majeure entre les biens immobiliers et les biens mobiliers, puisque la transmission des premiers peut bénéficier d'une réduction d'impôt en Belgique alors que la transmission des seconds entraînera potentiellement une imposition dans l'État de leur situation et en Belgique, au domicile du défunt. La Cour constitutionnelle a mis fin a ce traitement différencié qu'elle qualifie de discriminatoire le 3 juin 2021 et a décidé qu'il " n'apparaît pas que la différence de traitement qui découle de l'article 17 du Code des droits de succession, selon que l'impôt de succession porte sur des biens immobiliers ou mobiliers, repose sur un critère de distinction pertinent". La Cour a donc invalidé cette disposition du Code fiscal. Le gouvernement flamand a indiqué qu'il se conformera à l'arrêt rendu par la Cour constitutionnelle et modifiera sa législation prochainement. Les gouvernements wallon et bruxellois (qui n'étaient pas visés par cette procédure), devront naturellement emboîter le pas à leur voisine du nord. L'arrêt de la Cour constitutionnelle est indubitablement une belle avancée dans la lutte contre la double imposition internationale et corrige raisonnablement une situation intolérable qui existait depuis de nombreuses années. Il faudra évidemment que les trois régions adaptent leurs codes fiscaux respectifs pour que cette situation prenne fin définitivement. Dans l'attente, il demeurera indispensable de contester l'impôt enrôlé en violation de cet arrêt si jamais vous en êtes victime.