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Le journal du Médecin: Quand pourrons-nous commencer les études cliniques nécessaires ? Dr Pierre van Damme: Comme pour tout vaccin, il est essentiel de procéder d'abord aux études précliniques sur animaux avant de tester sur les humains. A elle seule, cette phase prend énormément de temps. La bonne nouvelle concernant le Covid-19, c'est que les plateformes technologiques pour la plupart de ces potentiels vaccins ont déjà été testées, et ce tant précliniquement que cliniquement, dans le cadre de la recherche autour d'autres vaccins (contre l'Ebola, le zika, le HIV, la tuberculose et la grippe). Cela signifie qu'une masse de données seront déjà disponibles au moment des études précliniques sur la sécurité de ces plateformes et que les scientifiques pourront se concentrer sur la spécificité de l'antigène. Un gain de temps potentiel donc. Lors d'une première série de tests précliniques, on analysera la sécurité et l'immunogénicité. En d'autres mots, on s'assurera de la formation d'anticorps et de la stimulation de certaines cellules du système immunitaire. Au cours d'une deuxième phase de la recherche préclinique, il faudra procéder à l'étude challenge, au cours de laquelle des animaux vaccinées et non vaccinés sont exposés au virus, afin de déterminer s'ils sont immunisés au non. Cela donnera une première appréciation de l'efficacité du vaccin, en tout cas sur les animaux de laboratoire. Dans leur ensemble, ces études précliniques prendront bien cinq à six mois. Quand pourrons-nous débuter les tests sur les humains ? Avant de lancer l'étude de phase 1, il faut introduire une demande d'étude clinique aux autorités de régulation (l'AFMPS en Belgique) et au comité d'éthique. Ce dossier comprend entre autres toutes les données précliniques et portant sur la qualité du vaccin. L'approbation prend normalement quelques semaines, mais vu l'urgence et grâce à une procédure Covid-19, on devrait pouvoir y arriver en quatre jours. Dans l'étude de phase 1, nous allons donc analyser la sécurité et la réponse immunitaire auprès d'un petit groupe d'adultes sains. Plusieurs doses pourront éventuellement déjà être testées. Dans la phase 2, le vaccin sera testé sur une population plus importante, dont des personnes fragiles, pour qui le vaccin est essentiel. Il s'agit surtout des personnes âgées et des groupes à risques. Concernant la réponse immunitaire, nous vérifierons surtout que des anticorps neutralisants soient effectivement activés. L'avantage, c'est que nous avions déjà réalisé pas mal de recherches au moment de l'épidémie de SARS. Nous avons donc déjà une idée des anticorps que nous allons réveiller. Une autre étape avant la mise sur le marché ? Comme tous les nouveaux vaccins, il faut s'assurer de l'efficacité et de la limitation des effets secondaires. Ces derniers doivent être du même ordre que ceux liés aux vaccins existants. La méthode habituelle consiste dès lors, à l'issue de la phase 2, à procéder à une étude de phase 3, afin de vérifier que le vaccin protège effectivement le plus grand nombre contre la maladie. Il s'agit d'études de très grande ampleur, portant sur des milliers de participants. Elles peuvent prendre deux à trois ans. Il existe cependant des moyens d'accélérer cette procédure en cas d'urgence. L'OMS dispose d'une Emergency Use Assessment and Listing procedure (EUAL), qui permet, dans un contexte d'urgence pour la santé publique, d'administrer le vaccin sur base d'un ensemble minimal de données sur la qualité, la sécurité et l'efficacité. Les conditions sont très strictes et la vaccination ne peut avoir lieu à grande échelle que dans les pays où l'urgence est la plus criante. Cet EUAL avait déjà été utilisé par le passé pour le vaccin contre l'Ebola. L'Agence européenne des médicaments (EMA), prévoit une procédure permettant une autorisation conditionnelle en cas de besoin médical urgent. Celle-ci a déjà été activée pour les vaccins contre le virus pandémique de la grippe en 2009. En fonction du développement futur de la pandémie du Covid-19, un vaccin pourrait dès lors voir le jour plus rapidement. Une autre piste permettrait également une autorisation avant la fin de l'étude de phase 3. Nous discutons actuellement des critères auxquels devrait satisfaire cette étude human challenge, une fois les résultats de la phase 1 connus. Par le passé, de telles recherches ont déjà eu lieu, entre autres pour la grippe, le choléra et la malaria. Elles soulèvent certes de nombreuses questions éthiques, car elles impliquent que l'on soumette délibérément des personnes saines à un virus dangereux. Toutefois, si l'on dispose d'une antiviral par exemple ou d'une souche du Covid-19 affaiblie, une telle étude pourrait tout de même être réalisée sur un petit groupe de jeunes adultes sains. En cas d'efficacité avérée, cette " formule " pourrait permettre d'accélérer l'approbation du vaccin. Un vaccin dans les 12 à 18 mois ? Possible ? C'est effectivement une possibilité. A la fin du troisième ou du quatrième quadrimestre, nous pourrons entamer les études de phase 1. Quelques mois plus tard, nous aurons les résultats pour plusieurs candidats vaccins. En fonction de la gravité de la situation épidémiologique à ce moment-là, et en concertation avec l'OMS et les autorités compétentes, la procédure d'urgence pourra être activée. Il est crucial que de nombreuses recherches aient lieu en même temps. Seuls quelques candidats subsisteront au final et nous en aurons bien besoin, car il faudra alors le produire pour toute la population de cette planète.