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Tout jeune, Sandro intègre l'atelier de Lippo Lippi, y déploie très vite son génie et sa technique extraordinaire. Et, dès cette entame, copiant les madones du maître, fait montre d'un caractère affirmé dans son trait: comparées a deux Vierges à l'Enfant de Lippi, ses peintures paraissent moins figées, moins idéalisées, moins divines, plus humaines. Il reviendra à cette peinture religieuse à la maturité dans La Madone au livre, qui, en effet, la voit entourée d'un magnifique livre d'heures précisément détaillé, d'un coffret et d'un coussin rouge au liseré d'or. Boticelli gagne là en sophistication et souci plus encore du détail. Très vite immensément populaire, ce maître du Quattrocento crée un atelier où l'une des thématiques chéries des clients est la peinture d'Histoire qu'il produit à foison pour répondre à la commande: La bataille de Pydna, constituée de deux tableaux tout en longueur rectangulaires évoque Uccello ; elle provient de l'atelier de Verrocchio et signé du même, de Pollaiolo, de Botticelli et du jeune... Léonard de Vinci. Dans son atelier, Sandro travaille notamment avec Filippino Lippi, fils de Lippo, que son élève a recueilli après la mort de son maître: le plus doué de ces collaborateurs avec qui il signe un récit en trois temps (trois tableaux), qu'il invente et évoque l'épisode biblique de Judith à Béthulle ; autre oeuvre à quatre mains, Le jugement de Paris dont le rendu parait un peu aride et sec. Orfèvre de formation, le style de Botticelli a d'ailleurs conservé un caractère linéaire: il se révèle designer, répliquant ses motifs sur une chasuble religieuse, un dessin préparatoire de broderie ou dans les portes du palais ducal d'Urbino. Favori des puissants Médicis, Botticelli réalise une petite dizaine de portraits qui tranchent par leur sobriété, leur dépouillement, la plasticité sculpturale du rendu, notamment dans le portrait du prince Julien de Médicis ou du poète guerrier Tarcaniota, tous deux la lèvre gonflée de morgue et le visage illuminé de charisme. On découvre également deux fantastiques dessins préparatoires de L'enfer de Dante sortis exceptionnellement de la Biblioteca Vaticana. D'autres oeuvres sont venues de plus loin, des États-Unis notamment. Hélas, pas de Naissance de Vénus, irrémédiablement accrochée au Musée des Offices de Florence: celles dites de Turin et Berlin sont soi-disant "pudiques" mais irradient surtout de sensualités. Ce sont des allégories de figures féminines, comme la belle Simonetta Vespucci dont Botticelli fut platoniquement amoureux: le peintre en réalisa le portrait quelques années après sa disparition. Vasari écrit à propos de ce génie: " Sandro dessinait à la perfection. Aussi, plus tard, les artistes firent-ils l'impossible pour se procurer ses dessins". Mais l'artiste excelle aussi dans l'art du tondo, ces peintures religieuses rondes qu'il "produit" à la demande, réplique en version réduite, notamment dans le cas de La vierge du magnificat. Symbole de son succès à l'heure de la maturité, les demandes pour les retables qui permettent aux artistes de faire montre de tous leurs arts et donc leur publicité, notamment dans le cas du Couronnement de la vierge prévue pour Volterra. Florence est sous l'emprise de Savonarole à la fin du 15e siècle, et Botticelli ne reste pas insensible à ses prophéties et sermons: son art perd de sa fluidité, de sa modernité, semble revenir aux canons du passé ( Vierge et un aréopage de saints), notamment dans Judith tendant la tête d'Olopherne ; son style semble annoncer le maladif Cosme Tura. L'artiste vieillit et, comme lui, ses personnages se tassent ou se courbent, notamment dans le cas de deux Vierges à l'Enfant. A sa mort, en 1510, les assistants de Botticelli tentent de continuer à faire vivre l'atelier du maître: pas une réussite, à voir le rendu grossier de La fuite en Égypte. À fuir en effet...