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Chargé de cours à l'ULB, oncologue médical à l'Institut Bordet et Chair du Breast Cancer Group de l'EORTC, le Pr Michail Ignatiadis et deux autres experts américains dans le domaine des biopsies liquides, professeurs à l'Université de Standford, George W. Sledge Jr et Stefanie S. Jeffrey avec laquelle il a déjà collaboré dans le passé, ont répondu à un appel que leur avait adressé il y a deux ans d'ici l'éditeur de la prestigieuse revue Nature Reviews Clinical Oncology. Ce dernier voulait connaître les perspectives concernant la biopsie liquide au niveau mondial, mais principalement aux Etats-Unis et en Europe. " Historiquement, les études des cellules tumorales disséminées dans la moelle osseuse et des cellules tumorales circulantes dans le sang périphérique, à l'origine des métastases dans différents organes du corps, ont fourni des informations cruciales sur la biologie du cancer et le processus métastatique," explique Michail Ignatiadis . "Jusqu'il y a peu, l'analyse de ces prélèvements sanguins était uniquement utilisée dans le cadre de projets de recherche." " Plus récemment, les progrès dans la détection et la caractérisation de l'ADN tumoral circulant ont finalement permis l'introduction des tests de biopsie liquide dans la pratique clinique, pour les cancers métastatiques. Il est désormais possible, via une simple prise de sang, de détecter des anomalies génétiques liées à certains cancers, de suivre l'évolution de la maladie, d'évaluer facilement l'efficacité d'un traitement ou de guider le choix d'un nouveau traitement." " Ce nouvel outil de personnalisation de la prise en charge présente donc de nombreux avantages pour les médecins mais aussi pour les patients. La technique est peu invasive et moins risquée comparativement aux biopsies solides prélevées directement dans la tumeur, simple à mettre en place, et elle permet une analyse efficace en cas de lésions ou de tumeurs difficilement accessibles via une biopsie classique." Outre ce constat qu'ils ont pu établir après avoir procédé à une revue de la littérature scientifique sur le sujet, les trois experts ont relevé un écart conséquent entre les États-Unis et l'Europe en ce qui concerne l'intégration des biopsies liquides dans la routine clinique. " La FDA a déjà approuvé plusieurs tests monogéniques et, plus récemment, deux tests multigéniques permettant de détecter les altérations génétiques de l'ADN plasmatique acellulaire pour une utilisation comme diagnostics compagnons correspondant à des thérapies moléculaires spécifiques contre le cancer", souligne le Pr Ignatiadis. " Il y a des indications précises pour les cancers du poumon, de la prostate et du sein." " En Europe, quelques tests sont remboursés mais uniquement pour détecter une mutation sur un seul gène. Nous devons combler un certain retard mais je pense qu'on devrait y parvenir assez vite. En Belgique, dans le cadre du projet GeNeo, une petite cohorte de patients peut déjà bénéficier d'un test multigénique sur le plasma." Michail Ignatiadis considère que les approbations de la FDA marquent un point de basculement pour l'utilisation généralisée de la biopsie liquide en clinique, surtout chez les patients atteints d'un cancer métastasique à un stade avancé. " C'est un pas important pour la lutte contre le cancer et cela va changer la façon dont on pratique les tests en médecine. Je suis persuadé que dans les années qui viennent, les oncologues vont y recourir pour un nombre croissant de types de tumeur et de plus en plus de nouveaux médicaments. Afin que cela puisse se faire de manière intelligente et cohérente, il était donc intéressant d'avoir une vue d'ensemble claire sur les éléments à mettre en place et d'aborder, comme nous l'avons fait, des questions pratiques telles que les ressources humaines nécessaires, l'intégration des biopsies liquides dans le trajet de soins du patient, le mode de collaboration avec les laboratoires d'analyse, l'appareillage nécessaire, la gestion des données récoltées, la formation du personnel, etc." Le Pr Ignatiadis conclut en relevant deux aspects un peu plus futuristes que les trois chercheurs ont mis en avant dans leur article. " La prochaine frontière pour l'application clinique de la biopsie liquide sera probablement le traitement systémique des patients à haut risque de faire une rechute. Elle a en effet du potentiel pour détecter de façon plus précoce une récidive." " Le dépistage et le diagnostic du cancer sont d'autres applications futures potentielles. Actuellement, il y a des firmes aux États-Unis qui travaillent sur le développement de tests diagnostiques de telle sorte qu'il sera possible un jour d'utiliser une simple prise de sang, en même temps que les tests classiques de dépistage comme la mammographie ou la colonoscopie, pour détecter un cancer, quel qu'il soit, de manière beaucoup plus précoce." " Mais je tiens à préciser que pour l'instant, nous n'en sommes qu'au stade de la recherche et qu'en ce qui concerne la biopsie liquide, il n'y a donc actuellement rien qui soit disponible sur le marché pour détecter les cancers d'une façon précoce ou des récidives."