Albert Counet est président du Conseil d'administration de la Ligue Huntington francophone belge. Présent sur de nombreux fronts, il a profité de la tribune que lui offrait la Plateforme de première ligne wallonne (PPLW) pour aborder la problématique des soins intégrés appliqués aux maladies rares.
...
La PPLW organisait, le 14 septembre dernier, une journée d'échanges dont l'objectif était d'améliorer la communication entre les lignes de soins. L'intégration des soins fait partie de la réponse, et ne peut se faire sans le patient, central. C'est dans cette dynamique qu'est intervenu Albert Counet. "Je suis un homme ordinaire", se présente l'homme âgé de 79 ans. "Jusqu'à l'âge de 57 ans, j'ai vécu la vie facile et plutôt gratifiante de quelqu'un qui n'avait pas de problème, et donc, qui ignorait tout ce qui se passait autour de lui." C'est alors que tout a changé. "En 2002, mon fils a été diagnostiqué, après dix ans d'errance thérapeutique, porteur de la mutation Huntington. Dans la foulée, j'ai moi-même été diagnostiqué comme étant porteur asymptomatique - je le suis toujours. Mon fils, lui, n'a pas eu cette chance, car son stade était déjà avancé."Depuis lors, Albert Counet est devenu activiste. "Partout où je vais, où je peux, je parle, je sensibilise à cette problématique particulière.""La Belgique compte 11.600.000 habitants. Il y a environ trois millions de malades chroniques, dont un million est en besoin de soins complexes, multidisciplinaires. Il y a entre 600.000 et 800.000 personnes atteintes d'une maladie rare. Et pourtant, nous vivons dans un pays où il n'y a pas de plan maladies rares", regrette Albert Counet. "Il n'y a pas de cadastre unique des maladies, pas de registre des malades, pas de quantification et donc pas de budget. Pour l'instant, on met des rustines sur des jambes de bois. C'est déjà beaucoup mieux que rien. Mais ce n'est pas un plan."Il existe bien un plan interfédéral pour des soins intégrés depuis novembre 2023. Pour rappel, ce plan vise, comme son nom l'indique, à atteindre une approche de soins plus intégrés et se destine aux patients qui nécessitent différents types d'aide et de soins. Le patient se situe au centre: dans ce modèle, il a la possibilité de prendre en charge ses soins, tout en étant encadré par un réseau professionnel multidisciplinaire. La volonté de l'Inami: que chaque acteur impliqué dans la prise en charge d'un patient collabore au sein d'une équipe multidisciplinaire. "Nous y adhérons sans réserve, bien que nous ayons des commentaires", explique Albert Counet. "La Belgique est un pays fracturé. L'essentiel est de savoir aujourd'hui comment ce plan se mettra en place dans les bassins de vie."Le plan comporte des aspects positifs et négatifs concernant les maladies rares, estime Albert Counet. "L'aspect positif, c'est l'inclusion, l'empowerment, la participation des patients. C'est l'intégration des soins complexes. Encore faut-il que cela se fasse du berceau au cercueil."Le plan prévoit, en outre, l'accompagnement des patients par des case managers généralistes. "C'est une bonne chose de prendre le patient par la main, mais le côté généraliste est pour nous problématique. Prenez un bassin de vie de 100.000 personnes. Il y a 30.000 patients chroniques, 10.000 patients en besoin de soins multidisciplinaires complexes, dix patients atteints de la maladie d'Huntington et quatre patients en besoin de soins complexes multidisciplinaires. Comment voulez-vous avoir l'expertise nécessaire dans un bassin de 100.000 personnes pour traiter de façon adéquate quatre personnes? Ce n'est pas possible. Il faut donc envisager d'autres solutions."Parmi les solutions, le projet pilote de l'Inami lancé en juillet 2023 autour de quatre maladies (Parkinson, la sclérose en plaque (SEP), la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et Huntington), où les associations de patients endossent le rôle de case manager pour une maladie spécifique. "L'Inami teste cette possibilité pendant trois ans. Un case manager, c'est quoi? Ce n'est pas un soignant. C'est un acteur pivot, un accompagnateur de vie, un référent de proximité qui est spécialisé dans une pathologie. Il peut aider à la mise en place d'un trajet de soins parce qu'il connaît telle ou telle pathologie. Il peut créer un réseau autour d'une personne malade le plus tôt possible. Il peut informer les familles sur la pathologie, informer les soignants, l'environnement, les administrations, accompagner le patient dans ses difficultés."Pour arriver à accomplir ces objectifs, la Ligue Huntington a déterminé des groupes cibles: les patients et leur famille sont la cible principale. C'est à eux qu'il faut s'adresser en premier. Deuxième groupe cible: les hôpitaux de référence Huntington. Troisième groupe cible: les hôpitaux qui n'ont pas de référence Huntington. Quatrième et dernier groupe cible: le personnel soignant au sens large. "De nombreux professionnels de soins sont confrontés à des malades Huntington. Pour les atteindre, il faut cependant qu'il y ait un seul interlocuteur. La mise en place des OLS (les organisations locales de santé, le fameux niveau méso de Proxisanté, NdlR) pourrait faciliter la prise de contact", analyse Albert Counet. "C'est un projet important car s'il réussit, il ouvre la porte à la généralisation de ce système qui pourra bénéficier à l'ensemble des maladies rares", conclut le président de l'association.