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Ce livre serait-il comparable à un match de foot où Tom et Louise personnifieraient deux équipes dont les joueurs sont les arguments et reproches, dans une rencontre dont le résultat final serait un nul : cinq partout ? (Il rit)... On peut l'envisager de la sorte. En tout cas, je suis heureux de savoir qu'il y aurait beaucoup de buts ! Et pas un affreux zéro-zéro, ce qui en dirait long sur la qualité du livre. Auriez-vous un conseil musical pour ce livre ? Une musique à la fois piquante, sarcastique et britannique : sans doute un disque de Pulp. Et si le contexte avait été américain : Steely Dan. En rédigeant ce roman, pensiez-vous à la série télévisée qu'il allait devenir ? En fait, ce projet a débuté comme un story-board d'une série télévisée. Mon éditeur a ensuite pensé que cela ferait un bon livre. J'ai donc d'abord eu l'idée de concevoir une série de dix épisodes de dix minutes. Stephen Frears qui l'a réalisée serait-il une version cinématographique de Nick Hornby ? Je lui dirais ! J'adore Stephen, et de nombreux aspects de son travail m'inspire : le fait notamment qu'il ne fait montre d'aucune prétention et ne laisse pas son ego venir parasiter le script ou la réalisation. Il est très peu tapageur : impossible de découvrir l'âme de Stephen Frears au travers de son art du cinéma. Des critiques de cinéma ont essayé de définir sa façon de filmer, sans résultat : Stephen n'imprime pas sa signature sur l'oeuvre, mais la sert plutôt et la magnifie. Dans le cas de State of the union (ndla : un bien meilleur titre que le titre français), il a parfaitement réussi, en évitant que ces dialogues ne deviennent ennuyeux. Bien que l'action se déroule dans un même pub où Louise et Tom se donnent rendez-vous chaque semaine avant leur séance de thérapie de couple, Frears a fait en sorte de filmer les scènes et le lieu différemment : le spectateur n'a pas le sentiment d'une simple répétition et d'une accumulation de séquences. Bien que ce ne soit le personnage principal, le pub justement tient un rôle essentiel dans l'histoire... Il est très naturel pour des Anglais de toute classe et origine de choisir un pub pour se rencontrer. L'alcool est sans doute un élément plus important de la vie en Grande-Bretagne que dans d'autres pays. Je sais que l'Amérique a aussi un problème d'alcool, c'est un peu universel, mais si vous avez rendez-vous avec quelqu'un aux États-Unis, ce ne sera pas au pub. Et puis les habitants de New York ou Los Angeles ne boivent jamais durant la journée. C'est davantage inscrit dans notre culture. Vos livres décrivent souvent des personnes dépressives voire en dépression : les hommes qui y sont décrits sont-ils tous une partie de vous, ou certains le sont-ils plus que d'autres ? Certains me ressemblent plus que d'autres. Mais les sentiments de mélancolie et de désespoir ne me sont pas propres. Beaucoup d'hommes ressentent la même chose : ce sentiment de ne pas contrôler leur vie comme ils le voudraient. Nous ne sommes pas très forts dans ce domaine. La comparaison avec les femmes est intéressante, lesquelles sont beaucoup plus dans le contrôle. Les hommes sont sans doute nés avec les mêmes avantages, mais ont dû les gaspiller en route ! Dans la société dans laquelle nous vivons désormais, n'est-il pas plus compliqué pour un homme de trouver sa place, qui semble désormais moins évidente ? Évidemment, c'était plus clair et moins ambigu auparavant, mais il serait dangereux d'affirmer que c'est plus difficile : nous sommes toujours avantagés en termes de salaires et d'opportunités par exemple. Pour un homme réfléchi, c'est certainement plus compliqué. Vous évoquiez la mélancolie : vos livres seraient-il plus mélancoliques que nostalgiques ? Je ne me sens pas particulièrement nostalgique, tendant plutôt à la mélancolie. Certains personnages de mes livres sont nostalgiques, mais je ne le suis que par moments, et comme tout le monde : je préférerais que l'on soit l'an passé à la même époque qu'aujourd'hui, vu tout ce qui se passe... Cela veut-il dire que vous n'êtes pas nostalgique de la période pré-Brexit, Brexit qui tient un rôle déterminant dans l'histoire de ce couple ? Oui. Nous vivons une époque épouvantable. Nous faisons face à des populistes de droite complètement dingues qui nous gouvernent et opèrent des choix à court terme ridicules. On voyait le Brexit arrivé de loin, et je ne voudrais par revenir à l'époque où il était entrain d'advenir : les gens en avaient ras le bol. Nous avons besoin d'en finir et de construire autre chose en dehors, mais pas avec les personnes au pouvoir actuellement. Donc, à vos yeux, le Brexit était inévitable ? C'était un combat constant au sein du parti conservateur : Plus les tories restent au pouvoir, plus cette lutte devient intense : ce qui est le cas depuis dix ans. Chez les travaillistes, la remise en question de la participation au projet européen ne fut jamais une préoccupation essentielle. À droite, cette question était constamment en souffrance... Ce livre aurait-il pu s'intituler "Cinquante nuances de mariage" ? Bien sûr ! Le mariage a beaucoup de nuances et de phases également. Aucun mariage ne reste ce qu'il était à l'origine. Lorsque j'écrivais ce script ou ce livre, je comparais le mariage à un enfant qui évolue en grandissant. La musique est-elle le meilleur remède ? Dans mon cas, certainement. J'ai remarqué pendant le confinement que la chose qui me manquait le plus était la musique live, contrairement au football. La musique est restée incorporée en moi avec la même intensité que lorsque j'avais 14 ans et, dans ce domaine, j'ai toujours beaucoup de choses à investiguer, à découvrir. Je fais d'ailleurs partie d'un projet musical. Elle m'est essentielle... au sens où elle fait partie de mon essence. Mais si la musique fait partie des jours d'écriture, je n'en écoute jamais en rédigeant. Nick Hornby : Un mariage en dix actes (La cosmopolite/Sotck)