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De "nouveau" ouvert l'Ultieme Hallucinatie, qui est de même style, reprend des couleurs, grâce à Pierre Langlois, cadre d'origine liégeoise travaillant dans le domaine par ailleurs des énergies renouvelables. Et de l'énergie renouvelable, il lui en a fallu face notamment aux circonstances, lui qui a décidé de redonner âme au lieu qui fut un café et restaurant mythique, des années 80 aux années 2000 avant de connaître une décennie d'errance et d'oubli. Le nouveau propriétaire qui a rouvert le lieu fin 2019 a dû, on devine pourquoi, très vite à nouveau fermer. Ce qui quelque part lui permit d'entreprendre les travaux nécessaires au niveau des installations techniques (cuisine, plomberie, ...) et de déposer des projets de rénovation dans les normes aux monuments et sites, ce qui hélas prend beaucoup de temps, et n'a pu encore se faire durant la période de repos forcée provoquée par la pandémie, mais les procédures suivent leur cours. Notre homme est en tout cas bien volontaire et véritablement amoureux du lieu, dont il convoque à plaisir les fantômes, notamment celui de Marie Pleyel (Moke, de son nom de jeune fille), virtuose du piano de père belge, beauté adulée par Berlioz, mais qui épousera Camille, le fils du célèbre facteur de piano. Cette dernière vécut dans la maison bien avant que Paul Hamesse ne réalise l'extension en style nouille (plutôt spaghetti droit le concernant). Alexandre Dumas, lui rendit notamment visite, dans le salon de musique qui existe toujours au-delà du jardin et d'un style en effet néo-classique (malgré les vitraux ajoutés par Hamesse) qu'on attribue à Poulaert (bien que la salle évoque le métropole de Chambond). Au niveau "nouveau", le nouvel hôte des lieux a redonné à la salle à manger et au salon, l'aspect et l'atmosphère que voulaient lui procurer les Cohn-Donnay lorsque ces riches propriétaires de grands magasins dessinés par Hamesse à Bruxelles, demandèrent à ce dernier de redessiner l'habitation. Celui-ci conçut un jardin d'hiver faisant la jonction entre le salon de musique et l'habitation où se trouve désormais le long bar: ce qui explique la présence d'une verrière colorée qui le surplombe. Hamesse dessina le mobilier, dont notamment une très belle et immense table de salon. Et le salon qui peut éventuellement servir de salle de séminaire comprend une galerie de bois dans une surprenante salle de déclamation. Le but de Monsieur Langlois est de rafraîchir et de rénover tout en conservant l'ensemble. Et pourquoi pas? réhabiliter les étages supérieurs qui eux n'ont pas résisté aux années 70, et en faire un jour des chambres d'hôtes. Mais dans l'immédiat, après avoir rénové magnifiquement les grandes caves à voussettes (qui servirent d'entrepôt de barriques pour la Maison de vin J.Vandenperre à la fin du 19e siècle), il compte à nouveau ressusciter la boîte de nuit, située encore un étage plus bas. Pierre Langlois ressuscite un autre souvenir en évoquant la salle du jeu d'échecs que l'on traverse en arrivant de l'entrée pour se rendre au restaurant, située sous l'extension réalisée dans le jardin au début des années 80 et donc face au long bar. Le jeu d'échec conçu lui aussi par l'architecte d'Art nouveau a vu s'affronter un soir Karpov et Kasparov, à l'occasion d'un tournoi organisé à Bruxelles. Et dans le jardin devenu salle de restaurant, c'est le fantôme de Henri van de Velde qui plane cette fois, puisque les vieilles banquettes en bois de train qui constituent les alcôves pouvant accueillir jusque six personnes sont l'oeuvre du fondateur du Bauhaus (et créateur du logo de la SNCB). Pas de "banquette" de veau au menu de ce resto, mais une farandole de spécialités belges que le propriétaire souhaite célébrer dans cette salle aux petits airs de peinture de Delvaux. Carbonades, vol-au-vent, boulets à la liégeoise (pour rester fidèles à ses origines) décorent la carte aux côtés de croquettes de crevettes et au fromage de Bruges, même s'il concède à l'époque actuelle (et donc au lard nouveau), le burger maison. Une cuisine qui s'avère goûteuse et généreuse, d'un prix raisonnable (18 euros Le vol-au-vent par exemple), suivie en desserts par les incunables de la gastronomie nationale, comme la dame blanche ou la crème brûlée. La carte des vins, même si elle est plutôt française (avec tout même des notes italiennes notamment un excellent Livelli des Pouilles au rapport qualité-prix remarquable (prix 30 euros), accueille des vins belges notamment les vins de Liège, d'excellente facture. Et même si ce lieu fut dédié un moment à la dive bouteille, les bières proposées ne sont évidemment que belges, avec au sommet de ce panthéon national, les trappistes tricolores, en ce y compris la fameuse Westvleteren, décrétée meilleure bière du monde ; laquelle selon les préceptes des moines ne peut se vendre dans l'horeca, ce qui n'empêche pas monsieur Langlois de la montrer et de, à l'instar de son joyau Art nouveau en plein re-nouveau, de l'offrir... au moins au regard.