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Un traitement préventif contre la migraine peut être instauré pour différentes raisons, par exemple parce que les céphalées ont un impact majeur sur la qualité de vie - soit, plus concrètement, lorsque des douleurs invalidantes sont présentes au moins deux jours par mois en dépit d'un traitement optimal des crises. La mise en place d'un traitement préventif suppose toutefois que l'intéressé soit prêt à prendre des médicaments au quotidien. " Ceci explique pourquoi certains tolèrent parfois un nombre plus important de jours de céphalées invalidantes avant d'accepter un traitement préventif", précise le Pr Paemeleire. Une seconde indication est la surconsommation de traitements aigus. Certains patients ont en effet le sentiment que leurs douleurs sont adéquatement contrôlées, mais ne parviennent à ce résultat qu'au prix d'un recours trop fréquent aux médicaments destinés à soulager les crises. Dans ce cas de figure, un traitement préventif est la seule solution pour réduire le nombre de jours sous traitement aigu. Pour le paracétamol, l'aspirine et les AINS, on parle de surconsommation au-delà de 15 jours de traitement par mois ; pour tous les autres traitements aigus, ce seuil a été fixé à dix jours par mois. Enfin, il est utile de préciser ici qu'un traitement préventif est le seul remède possible aux migraines accompagnées d'une aura gênante, puisque celle-ci ne répond pas aux traitements aigus. L'éventail des options médicamenteuses pour la prévention des crises de migraine recouvre les bêtabloquants, l'amitriptyline, le topiramate, le candésartan, le valproate de sodium, la flunarizine et les anticorps monoclonaux inhibiteurs du CGRP. Cette liste concerne les migraines épisodiques (pour les migraines chroniques, voir cadre). En Belgique, deux bêtabloquants sont officiellement indiqués pour le traitement préventif de la migraine: le propranolol et le métoprolol. Si le recours à cette classe de médicaments dans cette indication est aujourd'hui bien entré dans les moeurs, c'est par contre beaucoup moins le cas pour d'autres molécules. " Un sondage réalisé par IPSOS Healthcare révèle que 95% des généralistes prescrivent des bêtabloquants comme premier traitement préventif", commente le Pr Paemeleire . "Les autres spécialités suivent loin derrière: à peine un tiers des médecins de famille prescrivent du topiramate ou de l'amitriptyline, moins d'un quart de la flunarizine." " Les généralistes sont pourtant parfaitement en mesure de prescrire du topiramate, comme l'autorisent les critères de remboursement après une tentative infructueuse avec un bêtabloquant. L'amitriptyline est fréquemment utilisée en Grande-Bretagne mais rencontre moins de succès chez nous, sans doute parce que son profil d'effets secondaires est un peu moins favorable." " En ce qui concerne le valproate de sodium, je tiens à faire preuve d'une certaine prudence. Ce médicament est en effet tératogène, alors que l'immense majorité des patients migraineux sont des femmes en âge de procréer. L'European Headache Federation et l'EMA soulignent par conséquent dans une publication que le valproate de sodium devrait être une option de dernier recours pour la prévention des migraines dans ce public spécifique. Précisons d'ailleurs qu'il est approuvé dans cette indication par la FDA, mais pas par l'EMA." " Une méta-analyse récente confirme l'efficacité de la flunarizine pour le traitement préventif de la migraine, qui est chez nous l'une de ses indications officielles. Le candésartan n'est pas officiellement indiqué dans ce contexte, mais ne cesse de gagner en popularité dans les centres de prise en charge des céphalées partout dans le monde. Une étude comparant le candésartan au propranolol et à un placebo a démontré sa non-infériorité par rapport au propranolol, et il présente en outre un profil d'effets secondaires favorable." " Du côté des inhibiteurs CGRP, nous ne disposons pas d'études comparatives démontrant une efficacité supérieure à celle des produits utilisés de longue date. Au-delà de leur profil d'effets secondaires favorable, leur principal mérite est d'élargir l'éventail des traitements préventifs. Un autre point positif est qu'ils nous permettent pour la première fois de disposer de médicaments développés d'emblée pour le traitement de la migraine - un processus qui s'est mis en marche lorsqu'on a pu démontrer, dans les années '90, que les crises de migraine s'accompagnent de la libération du neuropeptide CGRP, qui déclenche les symptômes. Les chercheurs sont donc vraiment partis de la base, des mécanismes de la maladie, pour développer ces traitements. De quoi expliquer clairement l'effet préventif des anticorps anti-CGRP contre la migraine, ce qui est nettement moins évident pour les traitements préventifs qui existaient déjà." Les bêtabloquants sont souvent mis en avant comme premier choix dans la prévention des crises de migraine, parce qu'il s'agit de médicaments bien documentés et peu coûteux. " En réalité, tous les traitements mentionnés plus haut sont toutefois à peu près équivalents en termes d'efficacité", précise le Pr Paemeleire. " Le choix sera donc surtout déterminé par le profil d'effets secondaires. Chez nombre de patients, on évitera par exemple les molécules qui s'accompagnent fréquemment d'une prise de poids (amitriptyline, valproate de sodium, flunarizine). La flunarizine peut parfois aussi provoquer des problèmes de dépression et sera donc le plus souvent écartée en présence d'antécédents de troubles de l'humeur." " Les comorbidités aussi ont leur importance. Le grand classique est ici l'hypertension artérielle, qui fera pencher la balance du côté des bêtabloquants et du candésartan. Chez les sujets épileptiques, on pensera en première instance à un antiépileptique, chez un patient dépressif, le choix se portera probablement sur l'amitriptyline." " Enfin, une série d'autres facteurs pourront s'avérer pertinents, comme par exemple le nombre de doses quotidiennes ou le prix. Il n'en est que plus important d'examiner avec le patient les avantages et inconvénients de plusieurs molécules afin de lui permettre d'exprimer ses préférences... et il serait donc intéressant que les généralistes soient mieux familiarisés avec plus d'une option préventive. En cas de doute, notre directive européenne est là pour leur rappeler comment initier les différents médicaments utilisés dans cette indication(1)."