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Le tableau clinique varie suivant la localisation - haute ou basse - du blocage dans l'intestin. En cas d'occlusion haute, il sera dominé par des nausées et vomissements. "L'occlusion s'accompagne d'une augmentation de la pression intraluminale et provoque ainsi une inflammation, qui déclenche à son tour une sécrétion surabondante de liquide. C'est ce qui explique le volume parfois très important des vomissements", précise le Pr De Nys. "En cas d'occlusion basse, le premier symptôme sera habituellement une douleur colique, généralement violente, accompagnée d'une distension de l'abdomen." On n'observe dans ce second cas de figure ni flatulences ni évacuation de selles et ce n'est que dans un second temps que se manifestent des nausées et vomissements, généralement fécaloïdes (alors qu'ils sont habituellement clairs en présence d'une occlusion haute). Le tableau clinique est souvent révélateur du diagnostic. Celui-ci sera confirmé par une radiographie de l'abdomen en position debout et couchée, qui visualisera généralement - lorsqu'il est effectivement question d'une occlusion abdominale - des niveaux hydro-aériques caractéristiques dans les anses distendues de l'intestin grêle. Si le médecin suspecte que l'obstruction se limite à un seul niveau et est opérable, il pourra demander une radiographie avec agent de contraste oral. Une tomographie abdominale pourra fournir de plus amples informations si nécessaire. Elle peut également apporter des repères en vue de la pose d'une sonde de gastrostomie. Le choix du traitement reposera sur différents facteurs. L'état général du patient (score de performance, état nutritionnel) est un premier critère important, mais la cause de l'occlusion doit également être prise en compte: le problème se situe-t-il à un seul niveau (p.ex. en cas de cancer du côlon) ou à plusieurs (comme souvent en présence de métastases péritonéales)? Le patient est-il encore candidat à une intervention chirurgicale ou à un autre traitement, p.ex. au moyen d'anticorps monoclonaux, d'inhibiteurs de la tyrosine kinase ou d'un agent de chimiothérapie? Dans l'affirmative, il conviendra d'adopter une approche plus agressive que chez un malade qui a épuisé toutes les possibilités thérapeutiques de l'oncologie. "Même au stade palliatif, les possibilités actuelles de la médecine permettent parfois d'offrir à des patients atteints d'un cancer du sein ou de l'ovaire métastasé des mois voire des années de vie supplémentaires", souligne Katelijne De Nys. Chez les sujets jeunes dont l'occlusion est limitée à un seul niveau, on pourra envisager une chirurgie palliative. La pose d'un stent est également une possibilité pour remédier à une sténose rectale. Tous les patients bénéficieront toutefois en premier lieu du placement d'une sonde nasogastrique afin d'évacuer les fluides excédentaires, soit dans l'attente de l'un des traitements étiologiques susmentionnés, soit à titre définitif pour améliorer leur confort. Lorsque le pronostic est suffisamment bon, on procèdera parfois ensuite à la pose d'une gastrostomie de drainage. Au cours de la première phase du traitement symptomatique, on s'efforcera d'améliorer le confort du patient par une série de mesures pharmacologiques, qui pourront éventuellement être poursuivies par la suite en fonction des besoins. Le traitement repose sur quatre composantes - antalgiques, antiémétiques, anti-inflammatoires et antisécrétoires - qui ciblent chacune l'un des principaux symptômes, précise le Pr De Nys. Les antalgiques. "On donnera la préférence au chlorhydrate de morphine administré par voie intraveineuse ou sous-cutanée", précise la spécialiste. "À un stade plus avancé, lorsque le dosage est bien établi, on pourra éventuellement passer à un patch transdermique."Les antiémétiques. Une première classe, apparentée aux neuroleptiques/antipsychotiques, recouvre notamment l'alizapride, la dompéridone et le métoclopramide. "C'est un choix envisageable, mais il faudra garder à l'esprit l'effet gastroprocinétique de ces produits et en particulier du métoclopramide", souligne le Pr De Nys. "L'effet gastroprocinétique peut présenter un avantage s'il permet de lever en partie l'obstruction... mais si celle-ci est trop grave, il risque au contraire d'accentuer les coliques et les vomissements. Mieux vaut donc éviter cette classe de médicaments chez les patients confrontés d'emblée à des douleurs coliques violentes.""Les vrais neuroleptiques comme l'halopéridol sont une autre piste qui mérite certainement d'être envisagée. Ils agissent sur les récepteurs D2, comme les antiémétiques mentionnés plus haut, mais n'ont pas d'effet gastroprocinétique. D'après la littérature disponible, ils représentent le choix le plus judicieux chez les patients victimes d'une occlusion intestinale. Pour combattre les nausées et vomissements, l'halopéridol sera idéalement débuté à la dose de 1 à 2 mg jusqu'à 3 fois par jour.""En ce qui concerne le recours aux antagonistes des récepteurs 5HT3 ou sétrons, il est assez controversé dans la littérature: certaines sources rapportent un effet très positif sur les nausées provoquées par une occlusion intestinale, d'autres pas du tout. D'après les auteurs qui affirment que les sétrons fonctionnent dans cette indication, le granisétron serait la molécule la plus performante au sein de cette classe. Personnellement, je recommanderais donc de garder cette possibilité à l'esprit au cas où les nausées ne seraient pas suffisamment soulagées par d'autres traitements."Les anti-inflammatoires. Tous les patients qui souffrent d'une occlusion intestinale maligne devraient bénéficier d'un traitement par corticoïdes afin de combattre l'inflammation secondaire. Ces médicaments possèdent aussi dans ce contexte un certain effet antiémétique, dont les mécanismes restent toutefois mal établis. "La dexaméthasone est beaucoup utilisée dans ce contexte, à des doses de 5 à 10 mg/jour administrées par voie sous-cutanée", précise le Pr De Nys. "Lorsque les nausées et/ou les douleurs abdominales sont très marquées, on n'hésitera pas à entamer d'emblée le traitement à la dose de 10 mg." Les AINS sont généralement à éviter dans cette indication en raison du risque d'ulcère de la muqueuse. Les antisécrétoires. Une première étape consistera à administrer des anticholinergiques comme la butylhyoscine, qui possèdent un effet non seulement antisécrétoire mais aussi spasmolytique et antiémétique. "Si le médecin constate qu'ils ne suffisent pas à maîtriser les symptômes en association avec un antalgique, un antiémétique et un corticoïde, il devra toutefois rapidement y ajouter de l'octréotide si l'occlusion n'est pas opérable", clarifie Katelijne De Nys. "L'octréotide est un analogue de la somatostatine, une hormone endogène - et, comme elle, il inhibe l'irrigation sanguine de l'intestin, ainsi que la sécrétion d'hormones digestives (sérotonine, gastrine, etc.) et de peptides vasodilatateurs, ce qui permet de limiter les quantités de liquide produites par l'estomac, la vésicule biliaire, le pancréas et l'intestin. Le lanréotide en est une variante à action plus prolongée. Si l'octréotide (administré jusqu'à 3x/jour) livre un effet bénéfique chez un patient dont l'espérance de vie est encore de deux semaines ou plus, on pourra éventuellement passer au lanréotide (administré 1x/jour ; dans ce scénario, son coût est aussi plus avantageux que celui de l'octréotide 3x/jour)."Enfin, il est utile de préciser que l'alizapride, l'octréotide, la morphine et la butylhyoscine peuvent être combinés dans le pousse-seringue pour administration sous-cutanée. On retiendra par ailleurs que l'administration de fluides ou d'aliments peut aggraver les vomissements en phase terminale et on veillera également à être attentif aux soins de bouche. Un entretien du Dr Michèle Langendries