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Si 80% des maladies rares ont une origine génétique, prédire qu'un variant dans le génome d'un patient est la cause d'une maladie reste une tâche complexe pour les cliniciens. Mais quand il s'agit de prédire si une combinaison de variants dans des gènes différents est pathogène et induit une maladie rare, cela devient exponentiellement plus difficile. C'est cependant une étape nécessaire pour améliorer les diagnostics génétiques des maladies rares. Et elle vient d'être franchie.En collaboration avec le Pr Guillaume Smits, directeur du Centre de génétique humaine de l'ULB, une équipe de jeunes chercheurs belges, emmenée par Tom Lenaerts, professeur à l'ULB et la VUB et directeur de l'Institut Interuniversitaire ULB-VUB de Bioinformatique de Bruxelles (IB2), a mis au point une méthode d'intelligence artificielle qui permet de prédire plus finement la " pathogénicité " d'une combinaison de variants identifiés dans une paire de gène. 1Baptisé VarCoPP, acronyme de Variant Combinations Pathogenicity Predictor, le nouvel outil est fascinant." A partir d'une analyse informatique, l'algorithme est à la fois capable d'identifier les causes génétiques potentielles de maladies rares d'une manière tout à fait nouvelle. Alors qu'on ne pouvait prédire l'impact de variants isolés par le passé, on peut maintenant prédire l'impact de combinaisons de nombreuses variations génétiques, " explique le Pr Tom Lenaerts." Pour mettre au point l'algorithme VarCoPP, nous avons travaillé sur une base de données élaborée depuis 2015 par notre propre institut. Appelée DiDA, pour Digenic Diseases Database, elle porte sur 54 maladies orphelines à l'origine desquelles on trouve au moins une combinaison de variants identifiés dans une paire de gènes. Au total 258 combinaisons digéniques ont été identifiées. Il s'agit de données dites positives. Mais pour élaborer un prédicteur, il faut également des données dites négatives, à savoir des combinaisons de variants qui ne sont pas associées à la maladie. Pour cela, nous avons utilisé la base de données internationale 1000 Genomes Project. "Les chercheurs belges ont ensuite testé leur outil sur 23 autres combinaisons pathogènes liées à dix maladies que le prédicateur ne connaissait pas, pour valider la qualité du prédicateur." Le prédicteur a correctement identifié 20 de ces nouveaux cas, soit près de 90% ", indique Tom Lenaerts. " Etant donné le nombre important de combinaisons pouvant mener à une maladie, pour aider les médecins à déterminer celles sur lesquelles ils doivent se focaliser, nous avons ajouté des intervalles de confiance. En l'occurrence, les prédictions sont fiables entre 95 et 99%. Quand nous avons testé les 23 cas, nous avons constaté que 15 combinaisons tombaient dans l'intervalle le plus haut, celui de 99%, et 20 dans l'intervalle de 95%. "Par ailleurs, afin de fournir un nouvel outil d'aide au diagnostic pour les médecins et les cliniciens, une nouvelle plateforme utilisant VarCoPP, et baptisée ORVAL, est désormais disponible en ligne.2" VarCoPP pourrait ainsi étudier et fournir des suggestions de combinaisons diagnostiques pour toute maladie pour laquelle des gènes causaux sont inconnus ou connus comme, par exemple, les centaines de gènes de l'autisme ou de l'épilepsie ou encore les 20 gènes du syndrome malformatif de Bardet-Biedl, une pathologie rare où les combinaisons de variants sont très présentes, " poursuit le Pr Lenaerts." ORVAL ajoute aux prédictions des informations biologiques qui peuvent être intéressantes. En effet, si on a vu que la plupart des maladies rares dépendent de combinaisons de variants dans des paires de gènes, on constate aussi que c'est parce qu'il y a des interactions entre les gènes au sein de la cellule qu'elles se déclenchent. "Signalons encore que cette avancée s'inscrit dans un vaste mouvement international où l'intelligence artificielle vient épauler les médecins dans leurs diagnostics, l'élaboration de traitements personnalisés ou encore le pronostic de guérison de leurs patients.Pour l'instant les concepteurs VarCoPP sont en train de présenter leur outil à différentes équipes qui sont focalisées sur certaines maladies rares." Par exemple, je travaille avec gens de l'hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola qui cherchent à déterminer les causes des maladies neurodéveloppementales. Ils ont des patients pour lesquels ils ne parviennent pas à établir un diagnostic car ils ignorent la cause de la maladie. Jusqu'à maintenant, en utilisant des prédicateurs monogéniques, ils pouvaient établir un diagnostic pour 40% de leurs patients. On va voir s'il est possible grâce à notre outil de monter à 50%, voire même 60%. In fine, notre objectif est de rendre plus robustes le prédicateur et la plateforme de manière à améliorer le diagnostic des maladies rares... "