Le fait que les maladies rénales chez l'enfant soient généralement d'origine génétique n'est pas nouveau. Mais ce n'est que depuis quelques années que l'on sait que l'insuffisance rénale chronique chez l'adulte est également souvent d'origine génétique. Qu'est-ce que cela signifie pour les soins prodigués à ces patients?
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Àl'UZ Gent, des concertations multidisciplinaires entre généticiens cliniques, néphrologues et néphropédiatres sont organisées depuis peu. "En unissant nos forces, nous trouvons souvent une explication à ce que l'on appelait autrefois une 'insuffisance rénale chronique d'étiologie incertaine'", déclare le Dr Tim Van Damme. Néphrologue au Centre de génétique médicale, il suit de près les évolutions dans les diagnostics génétiques. Ceux-ci continuent d'apparaître à un rythme rapide: récemment, l'équipe a ajouté une centaine de gènes nouvellement décrits à son panel de tests pour les maladies rénales. Mais quels sont exactement les patients que nous devrions référer pour de tels tests génétiques? [1]"Les tests génétiques sont indiqués pour tous les patients souffrant d'insuffisance rénale chronique pour laquelle les diagnostics habituels ne fournissent pas d'explication claire (comme l'hypertension, le diabète ou une maladie auto-immune)", explique le Dr Van Damme. "En particulier chez les patients ayant des antécédents familiaux d'insuffisance rénale, nous trouvons souvent des 'défauts' génétiques. Il en va de même pour les patients présentant une pathologie syndromique. Mais même dans les autres cas, il est important de rechercher des causes génétiques et des facteurs de risque."Quelle en est la raison précise? "Dans un premier temps, il peut être très utile pour le patient lui-même de trouver une cause, de poser un diagnostic", explique le spécialiste. "Si nous parvenons à découvrir l'étiologie, cela peut permettre d'éviter d'autres examens risqués, comme une biopsie rénale, et cela nous donne également des informations sur le pronostic de la maladie rénale. Dans certains cas, le diagnostic peut orienter le plan de traitement. Les tests génétiques nous permettent également de mieux évaluer le risque familial de maladie rénale. Certains membres de la famille sont-ils exposés à un risque de maladie rénale? Et pour les personnes qui veulent (encore) avoir des enfants: y a-t-il une place pour les tests génétiques prénataux ou les tests génétiques préimplantatoires?"Une remarque importante, selon le Dr Van Damme: "Lorsque les tests génétiques reviennent négatifs, cela ne signifie pas nécessairement que la maladie rénale n'est pas d'origine génétique. Il se peut que le gène de la maladie ne soit pas encore connu, que le défaut se situe sur une partie du génome difficile à analyser ou qu'il se trouve dans l'ADN mitochondrial et non dans l'ADN nucléaire. Il arrive aussi que l'on signale une variante génétique dont la signification clinique n'est pas claire: on ne peut alors affirmer avec certitude si elle explique ou non la maladie rénale, et ce type de variante nécessite un examen clinique plus approfondi. En d'autres termes, il y a de nombreuses raisons possibles pour lesquelles les tests génétiques reviennent négatifs chez une personne qui a une maladie génétique, ou que nous soupçonnons fortement. Leur interprétation est alors différente de celle des tests sanguins standard."De manière générale, un cinquième des patients présentent une cause génétique d'insuffisance rénale chronique. Chez les enfants, ce pourcentage est beaucoup plus élevé. Très souvent, le diagnostic ne changera rien ou presque au suivi du patient. "Les patients viennent dans un centre spécialisé pour des tests génétiques dans l'espoir de trouver des réponses à des questions cruciales, mais leur néphrologue traitant reprend ensuite les soins. Aucun dossier médical n'est définitivement transféré chez nous", relève le néphrologue. Il arrive que le résultat génétique ait quand même une incidence sur le traitement. "Lorsqu'un syndrome néphrotique est génétique, la réponse thérapeutique aux corticostéroïdes et aux immunosuppresseurs est très faible. Dans ce cas, il est préférable de ne pas administrer ces médicaments, car ils entraînent de nombreux effets secondaires", explique le Dr Van Damme. "Par contre, dans le cas du syndrome hémolytique et urémique atypique, l'anticorps monoclonal éculizumab présente une valeur thérapeutique ajoutée. L'une des conditions de remboursement de ce traitement est un test génétique positif. Et dans certains cas, sur la base des tests génétiques, nous recommanderons des examens complémentaires tels qu'une échocardiographie, ou un contrôle de la vision ou de l'audition."Tim Van Damme insiste aussi sur l'importance d'une collaboration étroite entre tous les prestataires de soins concernés, afin de parvenir au bon diagnostic et à la bonne approche. "En ce qui concerne les maladies rares en particulier, les réseaux qui se développent - aux niveaux régional, national, mais aussi européen - sont essentiels. Nous avons besoin les uns des autres et nous ne devons pas avoir peur de référer les patients pour des avis complémentaires."Les maladies rénales d'origine génétique ne sont d'ailleurs pas forcément rares. Le syndrome d'Alport, caractérisé par un défaut du collagène de type IV, a longtemps été considéré comme une maladie rare, liée au chromosome X, qui ne touchait que les garçons et les hommes. Aujourd'hui, nous savons toutefois qu'il existe des formes récessives et dominantes. "Environ quatre personnes sur mille sont atteintes d'une forme dominante de la maladie d'Alport. Ce n'est donc pas si rare. Il s'agit de personnes présentant une hématurie de longue durée, qui peuvent développer une insuffisance rénale à un âge avancé et qu'il est préférable de faire suivre annuellement par un néphrologue", ajoute encore le Dr Van Damme.