En Belgique, le plasma est recueilli grâce à des dons bénévoles, alors qu'aux États-Unis ou en Allemagne par exemple, les donneurs sont rémunérés. Notre modèle non commercial est plus durable et moins cher, relate le ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke.
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Quatre institutions collectent le plasma en Belgique. La Croix-Rouge flamande est la plus importante, avec 70% des dons. Le plasma provient des dons de sang ou de plasma effectués dans un des centres. Un sous-traitant spécialisé se charge ensuite du fractionnement du plasma. Cela se fait par le biais d'un appel d'offres gouvernemental réglementé, explique le ministre Vandenbroucke. "Nous émettons un ordre de fractionnement du plasma, en fixant le prix auquel l'entreprise de traitement achète le plasma aux organismes de collecte. Nous laissons ensuite le marché jouer et choisissons l'entreprise qui peut fournir l'offre la moins chère à nos conditions, en tenant compte bien sûr des indispensables garanties de qualité.""Je pense que c'est un bon modèle. Les immunoglobulines sont acheminées vers les hôpitaux de la manière la moins onéreuse possible grâce à des appels d'offres concurrentiels, en toute sécurité pour les hôpitaux et les patients, tout en maintenant la solidarité bénévole qui sous-tend les dons de sang et de plasma en amont. Nous avons des raisons fondamentales de choisir un modèle où le plasma sanguin, mais aussi, par exemple, le lait maternel, est donné dans un acte de solidarité et non dans un but lucratif.""Des études montrent qu'en commercialisant le don de sang ou de plasma, on attire des personnes en état de précarité, des personnes dont l'existence n'est pas toujours stable et qui ne sont donc pas des donneurs toujours fiables. Puisque ces personnes gagnent de l'argent en faisant don de leur sang, il y a plus de risques qu'elles ne remplissent pas correctement le questionnaire de sélection afin de pouvoir malgré tout donner leur sang et percevoir l'indemnité. En revanche, les personnes qui font un don bénévole n'ont aucune raison de cacher qu'elles sont malades."Des études internationales confirment ce risque. Les États-Unis sont le principal fournisseur mondial de plasma issu de donneurs rémunérés. La plupart d'entre eux perçoivent entre 50 et 75 dollars par don et peuvent se prêter à celle-ci deux fois par semaine, soit 104 fois par an. Jusqu'à 10% du plasma issu des USA viendrait de Mexicains qui franchissent la frontière avec un visa touristique afin de faire don de leur sang. Cette pratique a été interdite en 2019. Le cas de la Lituanie est la parfaite illustration du risque accru d'infections en cas de dons commerciaux. Après avoir intégré l'UE, ce pays est passé d'un système commercial à un système bénévole. L'incidence des maladies transmissibles par voie de transfusion s'est avérée plus élevée en cas de dons rémunérés que de dons bénévoles. Outre ses dimensions sociales et médicales, ce système a également un aspect éthique, souligne Frank Vandenbroucke. "Jeune étudiant en sciences sociales, j'ai découvert le célèbre livre du sociologue anglais Richard Titmuss, "The Gift Relationship: From Human Blood to Social Policy". Titmuss y tient un fervent plaidoyer en faveur des dons bénévoles de sang, pour des raisons éthiques. Le volontariat entretient des relations sociales, alors que la commercialisation les désagrège."La Belgique s'en tient donc à ce modèle bénévole, pour le sang et le plasma comme pour le lait maternel - deux banques de lait maternel vont s'ouvrir cette année, à l'UZ Leuven et au CHU de Liège. En outre, lors des négociations de la fin de l'année dernière sur la nouvelle disposition européenne, le règlement SoHO (Substances of Human Origines), Vandenbroucke a également insisté pour y inscrire le principe de volontariat. Ce règlement SoHO établit un cadre européen pour toutes les substances d'origine humaine, remplaçant les anciennes directives européennes sur le sang de 2002, et sur les cellules et tissus de 2004. Il fixe notamment des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le stockage et la transformation des tissus et des cellules (y compris les cellules souches), des gamètes et des embryons, du lait maternel et, par conséquent, du sang, des composants sanguins et de leurs dérivés. Au terme des négociations, menées sous la présidence espagnole, un accord a été conclu entre les États membres et le parlement européen, explique Frank Vandenbroucke: "Une bataille politique très importante a été menée, notamment par la Belgique, pour y inscrire le principe selon lequel le don de substances d'origine humaine n'est pas rémunéré, moyennant un compromis avec les États membres qui indemnisent actuellement leurs donneurs. Cette compensation reste possible, mais doit être limitée et strictement définie par les États membres. La communication sur les dons ne peut pas non plus mentionner de compensation." Les textes du nouveau règlement SoHO sont en cours de traduction et vont être soumis au parlement européen. L'objectif est de les publier avant les élections européennes de juin. Une période de transition de trois ans est prévue, compte tenu de l'ampleur de l'impact de cette mesure. Le modèle belge fonctionne bien mais il faut en garantir la pérennité, insiste Vandenbroucke. "Les activités des organisations à but non lucratif qui collectent le plasma doivent rester financièrement possibles. Nous devons reconnaître que la collecte et la livraison de plasma est en fait une activité déficitaire. Nous avons donc accordé un subside supplémentaire à ces organisations dans la formulation du budget 2024. Ce subside est inscrit dans la loi programme du 22 décembre 2023. Le montant alloué aux quatre institutions s'élève à 6 millions d'euros en 2024 et à 4,7 millions d'euros en 2025."Contrairement au sang, le plasma ne peut pas être donné dans des centres mobiles. Il doit être prélevé dans des centres fixes. La Croix-Rouge flamande en a 14. À titre de comparaison, en 2023, elle a organisé 2.600 collectes mobiles, en collaboration avec 230 sections locales. Le ministre n'est toutefois pas favorable au soutien financier de centres supplémentaires. "En plus du subside alloué aux dons de plasma, nous offrons déjà un soutien structurel à ces institutions. Par contre, nous évaluons l'indemnité que l'adjudicataire du contrat de fractionnement verse à ces organisations. Ce montant est déterminé par un arrêté royal. Actuellement, l'indemnité s'élève à 100 euros pour la plasmaphérèse et à 90 euros par litre de plasma sanguin résiduel. Nous voulons adapter ce prix lors du prochain contrat public, en 2025, mais je ne peux pas encore communiquer de montant." Le volume de plasma récolté en Belgique n'assure pas notre autosuffisance. Une trajectoire de croissance de 5% a été légalement établie. Elle est atteinte, mais nous devons faire davantage d'efforts. "Les organismes qui récoltent le sang et le plasma, parmi lesquels la Croix-Rouge flamande, parviennent de justesse à respecter leurs obligations à l'égard de CSL Behring et il y a manifestement un problème au niveau européen", poursuit Frank Vandenbroucke. "Pourtant, beaucoup de donneurs potentiels n'ont jamais fait don de leur sang ou de leur plasma. La Belgique et l'Europe doivent donc s'efforcer d'augmenter le nombre de donneurs bénévoles. Je soutiens donc avec enthousiasme et conviction des actions comme "Bloedserieus", une récolte menée dans les villes estudiantines flamandes. Je me suis rendu au campus de Leuven, où les étudiants se présentaient pour faire don de leur sang dans une ambiance très conviviale. Cela illustre une fois de plus la pertinence du livre "The Gift Relationship" de Titmuss.""C'est peut-être un petit détail, mais il va nous aider à augmenter notre degré d'autosuffisance: le 6 mars, un arrêté royal a été approuvé. Désormais, le prélèvement maximal autorisé de plasmaphérèse s'élève à 765 millilitres par séance, au lieu de 650. Cette demande, qui émanait de la Croix-Rouge flamande, est conforme à toutes les normes de qualité et de sécurité. Il s'agit d'une mesure simple, qui accroît l'efficacité du processus et notre auto-approvisionnement."