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La Villa Cosquer Méditerranée a les pieds dans l'eau, celle du bassin qui accueille cette architecture aux allures de flamant rose de l'étang de Berre tout proche, semblant se tenir sur un seul pilier. Ouvert en 2013, l'année où la Cité phocéenne porta le titre de "Capitale culturelle européenne", le bâtiment qui aurait dû accueillir un centre de conférences et de séminaires plébiscité, était depuis resté aussi vide qu'une grotte (voir ci-dessous). Par "chance", celle située à l'entrée sous-marine (c'est-à-dire uniquement accessible en plongeant), qui se trouve dans les fameuses calanques de calcaire voisines et propices aux cavités, ne pouvait se dévoiler au grand public sans risquer une destruction précoce, au grand dam de son découvreur, Henri Cosquer. En 1985, cet ancien plongeur professionnel qui avait fondé un club de plongée découvrit, en s'immergeant dans l'onde depuis son petit bateau le... Cro-Magnon (son aventure est contée dans un film de dix minutes qui ponctue la visite), une anfractuosité dans la roche. Il s'y prit à cinq fois avant d'émerger, au bout d'un boyau de plus de 100 mètres, dans une cathédrale sous terre, non encore recouverte par les eaux, et dont les "vitraux" seront complètement "mis à jour" par ses soins six ans plus tard. Ces eaux se situaient 120 mètres plus bas lors de la dernière période glacière, il y a plus de 30.000 ans. Ce qui explique qu'à l'époque les Gravettiens - et plus tard les Epigravettiens qui vivaient dans une Provence qui ressemblait plutôt à l'Islande d'aujourd'hui - la visitèrent, en firent un lieu sacré où venir graver leurs doigts dans la roche, dessiner ou peindre les animaux qu'ils chassaient. Le bâtiment de 1.700 mètres carrés, voisin du Mucem, accueille depuis une semaine une reproduction quasi à l'identique des 2.000 mètres carrés de la grotte, réalisée en modélisation 3D par l'architecte marseillaise Corinne Vezzoni sous le regard attentif d'un Henri Cosquer qui exprima dès le départ son désir de montrer au plus grand nombre "les dessins et oeuvres d'art de ce que j'appelle nos grands-parents, puisqu'il s'agit d'Homo sapiens", comme nous le confiait le découvreur aujourd'hui âgé de 75 ans. Et en effet, c'est un émerveillement que de prendre cet ascenseur simulant une plongée sous-marine de 37 mètres, et temporelle de 33.000 ans. Le visiteur embarque dans une sorte de module sur roues pour château hanté de fête foraine, un peu la voiture des Flinstones si l'on veut, armé d'un casque au son duquel on lui raconte et indique les divers chefs-d'oeuvre pariétaux qui ornent encore la grotte. Ornent encore, car la fin naturelle de la période glaciaire, il y a 10.000 ans, a englouti une partie de cette immense cavité, tombée depuis lors dans l'oubli du temps et protégée par les eaux qui les gardaient en mémoire. La reproduction de ce site à l'écart de ceux d'Ardèche ou du Périgord, est impressionnante de précision, déjà dans la première salle dite cathédrale justement, peuplée de concrétions impressionnantes: stalagmites, stalactites, parfois inachevées et joliment renommées "lustres", suspendues au-dessus d'une petite mare d'eau. Mais, plus encore, l'on découvre les oeuvres exécutées à différentes périodes et durant 14.000 ans par la main de l'homme. Une main qui s'imprime par pochoir sur les parois (on en compte 69). Comme à Lascaux ou à Chauvet (avec laquelle Cosquer ne peut rivaliser malgré tout en termes de quantité et qualité), ce sont les chevaux au nombre de 84 qui dominent un bestiaire foisonnant de 225 dessins peints au charbon de bois ou gravés, devant les bouquetins (34) et les cerfs géants (des megalocéros) au nombre de 15. Mais c'est une tête de grand bison noir, et celle d'un lion dans une moindre mesure, qui impressionne le plus par le réalisme de son dessin et son expressivité. Uniques au monde (pariétal), trois dessins de phoques auxquels s'ajoute celui de trois grands pingouins, race aujourd'hui disparue: une scène qui montre le combat entre deux mâles sous les yeux de la femelle, enjeu de leur lutte. Les symboles sexuels humains et surtout féminins peuplent également la grotte, une constance dans tous les sites rupestres. Un centre d'interprétation s'ouvre en deuxième partie sur un théâtre optique, sorte de diorama high-tech qui donne à voir les environs de l'entrée de la grotte et ses habitants à l'époque glacière. Les 11 espèces les plus représentées dans les dessins de la grotte sont ensuite reproduites grandeur nature et de façon très réaliste, qu'il s'agisse du grand bison préhistorique, du lion des cavernes - qui n'avait pas de crinière -, de la saïga, une antilope des steppes en voie de disparition aujourd'hui, du megalocéros... et bien sûr de l'homme, entouré d'objets et parures, pour la plupart des fac-similés. Le parcours se termine sur une explication illustrée du phénomène de la montée des eaux, naturelle dans le cas de la fin de la dernière période glacière, beaucoup moins dans le cas de celle d'aujourd'hui puisque provoquée par l'homme, et qui condamne à terme les merveilles (heureusement répliquées ici) produites par ce même Homo sapiens - du fait de l'élévation de la Méditerranée de 80 centimètres en un siècle -, à une disparition prochaine et inéluctable. Bref, l'homme reste un loup... de mer pour l'homme.