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Un jeune garçon vient voir son grand-père mourant, lequel devant les talents de dessinateur de son seul petit-fils lui confie le dessin réaliste de la figure d'un homme mort. Coincé dans le... mortel après-midi d'un appartement aux allures de mausolée, l'adolescent se laisse par son aïeul conter l'histoire de cette oeuvre encadrée. Son origine est à trouver dans la retirada, cette fuite éperdue de milliers d'Espagnols républicains, surtout des Catalans, traversant les Pyrénées pour échapper à la vindicte des troupes franquistes, sorties vainqueurs de la guerre civile espagnole: des socialistes, anarchistes, communistes, défenseurs d'un gouvernement espagnol légitime - car démocratiquement élu, que les puissances démocratiques européennes, et surtout une France à ce moment pourtant de gauche elle aussi, ont laissé tombé: tout profit pour le général putschiste et ses troupes mauresques. Les Espagnols recueillis ou plutôt cueillis en France, sont parqués dans des véritables camps de concentration (à Gurs notamment, près de Gaillac, ou non loin de Perpignan) dans des conditions atroces, sans médecin ni eau potable, humiliés par des policiers français souvent cruels et racistes. Des camps qui serviront de camps de "transit" à d' autres quelque mois plus tard... Parmi les réfugiés, Joseph, Catalan dessinateur de presse, qui immortalise la vie dans ces bagnes. Ces dessins sont ressuscités, mieux ils prennent vie grâce à Aurel qui s'est emparé de ce sujet, gardant le côté joliment figé de l'animation pour la partie souvenirs. Victimes de la gale, du scorbut, du typhus et de la famine, les prisonniers tentent de survivre pour les plus résistants, parfois aidés par un villageois ou, plus tard, un membre du personnel soignant. C'est le cas de Josep - dont les bonnes âmes se concentrent pour les besoins de ce film d'animation dans le personnage fictif du gendarme français Serge (sans doute en hommage au révolutionnaire belge Victor Serge), qui finit par échapper plus tard à la Gestapo, se réfugie au Mexique ou il devient l'amant de Frida Kahlo. Toute cette aventure, surtout l'internement en France, est raconté avec beaucoup de retenue et de sobriété par Aurel, lui aussi dessinateur de presse, qui choisit un mode quelque peu expressionniste, un peu à la Otto Dix mais avec des tons chauds, pour évoquer cette période, l'époque actuelle étant décrite de façon résolument plus contemporaine et ronde dans le dessin et la technique. Sublimé par les voix de Sergi Lopez et Valérie Lemercier notamment, cette production franco-belgo-espagnole a méritoirement raflé le César du meilleur film d'animation cette année. Une oeuvre qui rétablit une vérité souvent oubliée, et un épisode honteux de l'histoire de France contemporaine: preuve qu'un bon dessin (animé) vaut mieux qu'un long discours...