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"L a décennie à venir sera-t-elle celle de l'hydrogène?": tel est le titre de l'étude publiée la semaine dernière par le gestionnaire d'actifs M&G Investments. Ce n'est pas la première du genre et ce ne sera pas la dernière! Car ce gaz, le plus simple et le plus léger, fait depuis peu l'objet de nombreuses études et d'ambitieux projets. Il tient ainsi une place de choix dans le Pacte vert pour l'Europe. La Commission européenne estime qu'il pourrait couvrir un quart des besoins mondiaux en énergie d'ici 2050 et elle attend 470 milliards d'investissements en Europe d'ici là. Un gros souci néanmoins: produire de l'hydrogène coûte très cher. Du moins cet hydrogène vert, qu'on peut qualifier de propre et qui seul répond au défi de l'abaissement des émissions de CO2. D'énormes avancées technologiques restent donc nécessaires. Cette énergie n'est dès lors pas pour tout de suite et, surtout, elle ne pourra pas répondre à tous les usages. Que représente véritablement l'hydrogène? Cet élément noté H n'est pas rare, c'est le moins qu'on puisse en dire: il constitue pas moins des trois quarts de l'univers. Pas vraiment étonnant quand on songe à l'eau qui couvre la terre, mais aussi aux étoiles, au premier rang desquelles le soleil: leur éclat est produit par fusion de l'hydrogène. Super-abondant donc, mais pas disponible tel quel. Il faut l'extraire soit de l'eau, soit de combustibles fossiles. "Produire de l'hydrogène utilise de l'énergie. On parlera donc de vecteur d'énergie, comme l'électricité, et non pas d'énergie primaire comme le pétrole, le charbon, le gaz naturel ou certaines énergies renouvelables", souligne le français Air Liquide, un des principaux producteurs mondiaux de gaz industriels, en compagnie du groupe allemand Linde et des américains Air Products et Praxair. La production mondiale d'hydrogène est de l'ordre de 60 millions de tonnes par an, à destination de divers usages industriels tels que la désulfurisation du pétrole, mais surtout la fabrication d'ammoniac (en étant associé à l'azote), base de nombreux engrais. Cet hydrogène est principalement gris, nom qui lui est donné lorsqu'il est produit au départ de combustibles fossiles. Surtout du pétrole et plus encore du gaz naturel, qui sont composés presque exclusivement de carbone et d'hydrogène. On parle plus accessoirement d'hydrogène brun s'il est extrait du charbon. L'hydrogène gris devient toutefois bleu si sa production est complétée par la capture du carbone ainsi dégagé. Ce processus fait l'objet d'importantes recherches. C'est toutefois clairement l'hydrogène vert qui est considéré comme énergie d'avenir, celui tiré de l'eau par électrolyse au moyen d'énergies renouvelables. Alors que son marché potentiel se monte aujourd'hui à deux gigawatts (GW) environ à l'échelle mondiale, l'Union vise à elle seule 40 GW à l'horizon 2030. Problème: à six euros le kilo, l'hydrogène vert est aujourd'hui quatre fois plus cher que l'hydrogène gris. Le coût de l'énergie photovoltaïque a toutefois déjà chuté de 80% en une décennie et celle de l'éolienne off-shore de 89%, de sorte que tous les espoirs sont permis pour un proche avenir! Il faut ajouter que la production d'hydrogène vert est aussi considérée comme une manière de ne pas perdre les surplus d'énergie renouvelable quand la production dépasse la demande. En de telles circonstances, que l'on espère beaucoup plus nombreuses à l'avenir, le prix de revient serait par définition fort bas... Globalement, l'hydrogène vert devrait remplacer les énergies fossiles pour les usages ne pouvant guère être électrifiés. Deux axes principaux: l'industrie lourde (acier, ciment, etc.) et les transports pondéreux. En raison tant de leur coût que de leur poids, les batteries ne conviennent pas aux camions, ni aux avions et navires. Ni aujourd'hui ni dans un proche avenir, conviennent les scientifiques. Dans ces applications, l'hydrogène n'est pas utilisé en tant que carburant direct. Il alimente une pile à combustible qui, à son tour, alimente le moteur électrique du véhicule. C'est plus compliqué et plus coûteux qu'une alimentation par batterie. Pas étonnant que les constructeurs automobiles misent sur les véhicules électriques et non à hydrogène. Même si Toyota et Hyundai proposent chacun un modèle: les Mirai et Nexo. La plupart y croient d'autant moins que, de l'eau de départ à la propulsion du moteur, la déperdition d'énergie est estimée à quelque 80% pour l'hydrogène, contre 30% environ pour la batterie. L'hydrogène serait donc la solution de transport décarboné "par défaut", quand la batterie n'est pas possible. Le secteur de l'hydrogène vert n'en est qu'à ses balbutiements et, dans une étude parue au début du mois, la banque suisse Lombard Odier observe que "cette technologie reste embryonnaire et coûteuse, et aucun vainqueur ne se profile dans la course pour sa mise en oeuvre à large l'échelle". Autrement dit, investir dans ce secteur, c'est encore risquer de se tromper. Mais c'est aussi entrevoir une superbe plus-value si l'on a discerné les vainqueurs. On peut choisir des valeurs sûres, comme le groupe espagnol Iberdrola, déjà numéro un mondial des énergies renouvelables. Il projette d'investir 150 millions dans la plus grande usine d'hydrogène vert du monde. Un projet accompagné de deux milliards de soutiens publics... Peu de risques, mais la réussite de sa percée dans l'hydrogène ne ferait pas une grande différence. Il en va de même pour Air Liquide et ses confrères. On peut, à l'inverse, jeter son dévolu sur des entreprises plus pionnières et surtout plus ciblées. Le français McPhy par exemple, qui fabrique des électrolyseurs. L'action a toutefois flambé de 5 à 30 euros en moins d'un an. Sa capitalisation représente plus de 50 fois son chiffre d'affaires, alors qu'elle n'est pas encore sortie du rouge... Situation analogue pour son confrère britannique ITM Power ; en dépit de sa chute récente, l'action a triplé en un an et a été multipliée par 20 en un peu plus de deux ans. Le cours du canadien Ballard, fabricant de piles à combustible, vient au contraire de chuter de moitié, mais il reste multiplié par six en deux ans. Bond analogue pour le britannique Ceres Power, actif sur le même créneau. Scénario assez semblable pour les autres acteurs de la filière. Est-il trop tard pour investir dans les pionniers de l'hydrogène? Probablement pas. Certes, l'entrée était beaucoup moins chère voilà deux ans. Par contre, la flambée de l'an dernier a subi un sérieux retour de manivelle et le secteur est aujourd'hui 20% moins cher environ. Mais il est déjà en train de rebondir sérieusement, signe que les investisseurs y croient! Compte tenu de la volatilité des actions individuelles, mieux vaut miser sur l'hydrogène par le biais d'un fonds plus globalement axé sur les énergies vertes, la transition énergétique, etc. Tels le Climate Impact de BNP Paribas ou le Climate Change de KBC, ainsi que de nombreux autres.