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Le Pr El Khoury est chef du Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique aux Cliniques universitaires Saint-Luc. "Mon nom de famille signifie le curé", confie ce médecin de confession maronite. "Une partie de mon coeur est belge mais l'autre reste libanaise", tient à rectifier avec humour le chirurgien. Pendant la guerre du Liban, le niveau scolaire (et hospitalier) avait conservé un très bon niveau. Lorsqu'il a 17 ans, avec des amis, il envoie des lettres de sollicitation en Suisse, en France et en Belgique. "Dans tous les pays francophones car nous parlions français à la maison." Nous sommes en 1977 et c'est la jeune université de l'UCL qui lui répond: "Je ne connaissais rien de la Belgique: quand je suis arrivé, c'était l'aventure totale." Avec quelque sous en poche prêtés par son père et un frère, il se fixe un objectif: "Je vais réussir à l'étranger et travailler pour que vous puissiez ne pas vous priver." Alors qu'on lui avait promis un service d'accueil et de logement, il a la mauvaise idée d'arriver un vendredi soir vêtu d'une chemise à manches courtes: "Tout était fermé", souligne-t-il dans un éclat de rire. En plus, il faisait "bleu belge" (il pleuvait à verse, ndlr). Une entrée compliquée qui "constitue d'excellents souvenirs". Livré à lui-même durant le week-end et sans aucun contact, il est pris de pitié par un couple belge, qui l'héberge. A l'UCL, le jeune Gebrine apprend vite et se distingue parmi les 700 élèves de sa promotion. Des professeurs lui proposent un job d'étudiant dans les laboratoires. Interne, il se passionne, comme beaucoup, pour tout ce qu'il voit mais la cardiologie semble être une évidence. Il revient sur cette époque où "tous nos professeurs étaient pour nous des personnalités" et décide de faire la chirurgie cardiaque. Nous sommes alors en 1988 et conjointement, son père se fait opérer du coeur au Liban, ce qui influence définitivement son choix. Il faut reconnaître que la chirurgie cardiaque connaît un âge d'or dans les années 90 et que "de véritables stars" voient le jour. Il termine sa chirurgie et le Pr Robert Dion lui conseille une formation supplémentaire. Alors que son envie initiale était de rentrer au pays, il décide de rester: "parce que je souhaite parfaire ma formation et que je rencontre mon épouse." Titulaire d'une bourse délivrée par la fondation Saint-Luc, il part à Toronto chez le professeur David puis chez Carpentier à Paris. Des personnes passionnées par la réparation valvulaire qui marqueront profondément sa carrière. Lorsqu'il rentre à Bruxelles, le Pr Dion l'encourage à mettre en route à l'hôpital ce qu'il a appris ailleurs: "Ce genre de décision, c'est la force d'un chef." Un choix qui fait mouche: "La réparation valvulaire est actuellement un des fleurons de Saint-Luc. Très vite, notre renommée a été mondiale." Il a pu en bénéficier lui-même. Devenu chef de service en 2004, il fait venir des assistants internationaux à Bruxelles et part aux quatre coins du monde pour opérer et partager son savoir. "Avec une vie comme la mienne, je n'ai pas eu beaucoup de place pour une passion", dit d'emblée le Pr El Khoury qui avoue néanmoins que son "grand truc", c'est la communication. "J'organise des congrès où j'apprends ce que j'ai appris." En 40 ans, il a constaté des évolutions exceptionnelles en pathologie cardiaque. Pour cette personne influente de la communauté maronite à Bruxelles, il est primordial de donner aux autres mais surtout "il est important de réussir quelle que soit son origine" et ceci sans être frustré de là d'où l'on vient: "On peut avoir plusieurs appartenances en une seule identité." Il faut aussi accepter d'être humble et fier d'avoir donné: " Il n'y a pas de contradiction entre humilité et fierté." Il remercie l'équipe qui l'entoure et soutient qu'il faut être généreux tout en insistant sur un point: "Tout ce que l'on fait doit être vu."Toute activité physique, pratiquée de façon régulière, a des bienfaits sur la santé et la condition physique. Les avantages pour l'organisme sont légion. La marche avec des bâtons est bénéfique pour le coeur et fait travailler plus de muscles que la marche classique. Pas étonnant que cet homme qui a franchi les montagnes, parcouru le monde et gravi les échelons, ait choisi ce sport lors de ses quelques moments de répit. Au moment de terminer ce portrait, les paroles d'un écrivain se rappellent à nous. Ce récit de vie n'est pas sans faire penser à Jean Racine qui, dans Les Plaideurs, conseillait à ses lecteurs: "De marcher de vertus en vertus."