"Plus de 32 millions de personnes vivent avec le diabète dans l'UE. C'est l'un des plus grands défis sanitaires actuels et il continuera de croître si nous ne prenons pas des mesures concrètes." Tel est le cri lancé par une série d'associations actives dans la lutte contre le diabète [1].
...
Réunis à l'initiative de l'eurodéputé roumain Nica Dan, membre de la Commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie, les représentants de la JDRF (Juvenile Diabetes Research Foundation), IHI (Innovative Health Initiative), EASD (European Association for the Study of Diabetes), EIC (European Innovative Council), IDF Europe et de l'ISPAD (International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes) ont mis en lumière la recherche et les projets actuellement en cours en Europe, rendus possible grâce à la coopération des structures de financement publiques et privées et des associations de patients. Tous ont souligné la nécessité d'investir dans la recherche et les technologies de pointe pour trouver un remède au diabète (sans se concentrer uniquement sur les complications) et améliorer la vie des diabétiques. Leur mot d'ordre est simple: il faut maintenir et développer la collaboration européenne en matière de recherche sur le diabète. Jeannette Soderberg a expliqué comment l'action d'une association comme la JDRF donne un coup d'accélérateur au parcours des thérapies dans le pipeline, son objectif étant d'offrir aux diabétiques de type 1 (DT1) des moyens plus efficaces et plus novateurs pour gérer leur maladie (jusqu'à ce que des traitements curatifs soient trouvés) et de créer un écosystème concurrentiel qui favorise l'innovation continue. Il en va ainsi de son projet de pancréas artificiel qui a considérablement accéléré les progrès en réunissant chercheurs, organismes gouvernementaux, partenaires de l'industrie et mécènes. La JDRF soutient également le développement des thérapies par cellules souches (notamment par bioprinting 3D et ne nécessitant pas d'immunosuppression). Elle s'est aussi fortement impliquée dans la mise au point du Tzield (teplizumab-mzwv), un anticorps anti-CD3 et premier médicament indiqué pour retarder l'apparition du DT1 clinique (ou de stade 3) chez l'adulte et celui de stade 2 chez l'enfant à partir de huit ans. Cette première thérapie visant les personnes à risque de développer un DT1 suggère également qu'il est temps de procéder à un dépistage plus large. C'est précisément l'objet du projet EDENT1FI, coordonné par la Pr Chantal Mathieu (KUL), présidente de l'EASD et vice-présidente de l'EUDF: "Le dépistage précoce du diabète de type 2 est accepté, les médecins de première ligne savent qu'après 45 ans, il faut faire une glycémie à jeun, et chez les plus de 18 ans quand il y a des facteurs de risque. Dans le diabète de type 1, on sait que la maladie démarre des mois, des années avant le premier épisode d'hyperglycémie. Or, le dépistage précoce (stades non hyperglycémiques) peut se faire en mesurant des anticorps dans le sang. Dans le projet EDENT1FI, qui vient d'être approuvé (démarrage fin 2023), on va faire le dépistage chez des jeunes enfants (2 à 6 ans) par glycémie capillaire." "EDENT1FI sera mené en Allemagne parce qu'ils ont une tradition de dépistage, au Royaume-Uni parce qu'ils ont déjà commencé ce dépistage, en Italie parce qu'ils viennent de l'inscrire dans la loi et aussi au Portugal, en Tchéquie et en Pologne. On ne le fait pas en Belgique parce qu'on pense que les pédiatres et endocrinologues ne sont pas prêts (par rapport à d'autres pays). Probablement que dans deux-trois ans, ce dépistage sera aussi organisé chez nous, mais la Belgique (KUL, VUB, ULB, UAnvers) participe bien aux essais cliniques de traitement." Pourquoi lancer ce grand projet européen maintenant? "D'abord parce qu'on sait que chez les enfants qui ont plusieurs types d'anticorps, le risque de DT1 est supérieur à 80%. Or, on peut éviter l'acidocétose en éduquant les patients et les parents. Ensuite, parce que les traitements arrivent et que l'Europe veut s'y préparer." La Pr Mathieu coordonne également le projet international INNODIA qui vise à faire progresser la compréhension du diabète de type 1 et à combler le manque d'outils et de technologies permettant aux cliniciens de prédire, d'évaluer et de prévenir l'apparition et la progression de la maladie. Les connaissances et les outils générés par le projet ont aidé les chercheurs d'INNODIA et de son projet jumeau INNODIA HARVEST à optimiser la conception d'essais cliniques. Grâce à ce réseau, trois essais cliniques sont menés sur des médicaments potentiels destinés à prédire, ralentir et arrêter la maladie. En 2020, les essais ont débuté chez des enfants, des adolescents et des adultes âgés de 5 à 45 ans chez qui un DT1 a été diagnostiqué au cours des six dernières semaines. L'IHI est impliquée dans plusieurs projets portant sur différents aspects du spectre du diabète, couvrant le type 1 (par exemple, INNODIA), le type 2 et au-delà. Certains projets étudient les causes sous-jacentes de la maladie et les processus internes qui conduisent à la destruction des cellules bêta du pancréas, d'autres visent à mieux comprendre son évolution. Enfin, de nombreux projets se concentrent sur la détection, la prévention et le traitement des complications associées au diabète. "L'objectif est d'améliorer la production de données et d'informations nécessaires à la mise au point de traitements innovants, le travail des chercheurs modifie déjà la manière dont nous prévoyons et mesurons l'évolution du diabète. La recherche est la pierre angulaire d'une meilleure réussite, nous devons collaborer", conclut Hugh Laverty, directeur de l'IHI. La Dr Kate Gajewska, de l'ISPAD et Diabetes Ireland, est venue partager son expérience de patiente DT1 qu'elle met aujourd'hui au service de la lutte contre cette affection. Elle a notamment mis en avant la faible utilisation des technologies par de nombreux diabétiques, alors qu'elles permettent réellement d'améliorer leur quotidien, comme elle a pu en témoigner. Selon elle, plusieurs facteurs l'expliquent: le prix et le remboursement qui diffèrent selon les pays, la nécessité d'être formé à leur utilisation, le manque de recommandations nationales. "Mais la barrière la plus importante est la façon dont les personnels de santé en font la promotion. S'ils ne connaissent pas bien le diabète et les technologies, ils ne sont pas toujours convaincus de leur utilité et ne peuvent donc pas expliquer leur plus-value aux patients. Le diabète a donc besoin d'un meilleur accès aux soins et technologies, de recherches, de financements, des forces vives (médecins, chercheurs, politiques, pharmaciens...), de collaboration, et d'une vision, d'une stratégie et d'espoir!", insiste-t-elle.