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Premièrement, un taux de LDL-cholestérol < 55 mg/dl est à présent recommandé pour les patients à très haut risque, voire < 40mg/dl en cas de nouvel événement cardiovasculaire endéans les deux ans chez ces mêmes patients. Ensuite, exit les différence entre prévention primaire et secondaire concernant les seuils à atteindre et les stratégies thérapeutiques. Enfin, quand le couple statines/ézétimibe montre ses limites pour atteindre ces nouveaux objectifs, l'ajout des nouveaux inhibiteurs du PCSK9 est à présent recommandé et non plus simplement suggéré comme auparavant.Les dernières recommandations émises par l'ESC dataient de 2016 mais, depuis, bien de l'eau a coulé sous les ponts ou, plus exactement, de nombreuses études cliniques randomisées d'envergure ont été publiées apportant la preuve qu'au plus bas était le taux de LDL-cholestérol atteint, au plus le risque de voir survenir un événement cardiovasculaire était faible. De plus, le fait que, lors de ces études, les investigateurs n'ont jamais observé d'effet de courbe en J est rassurant sur le plan de la sécurité et laisse supposer qu'il est possible de réduire le taux du LDL-cholestérol sans fixer de limites basses. Ce dernier point est cependant soumis à caution et ne sera définitivement confirmé que par un suivi des patients sur un très long laps de temps.Premier changement majeur observé, l'absence désormais de différenciation entre prévention primaire et secondaire ce qui n'est que pure logique. En effet, on dispose à présent de la preuve que c'est le niveau de LDL-cholestérol qui régit le risque cardiovasculaire encouru par le patient. Certes, les patients en prévention secondaire sont à très haut risque puisqu'ils ont déjà présenté un événement cardiovasculaire et ne sont pas à l'abri d'un nouvel épisode sur le même territoire vasculaire ou sur un autre mais les patients en prévention primaire encourent, in fine, un risque tout aussi élevé s'ils présentent plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire. Il fallait donc que les recommandations soient identiques dès lors que le seuil de risque était identique. De plus, les données cliniques actuelles montrent que les bénéfices apportés par les statines ne diffèrent pas qu'elles soient prescrites en prévention primaire ou secondaire. Notons cependant un exception à cette règle. Elle concerne les patients âgés. Alors que les recommandations concernant le recours aux statines dans cette tranche d'âge élevé ont été renforcées (nous le verrons par après), elles sont cependant moins strictes pour la prévention primaire chez les patients de plus de 75 ans.Passons à présent à l'essentiel de ces nouvelles recommandations, soit les taux seuils en LDL-cholestérol à atteindre pour espérer une protection la meilleure possible du risque cardiovasculaire.1. Patients à très haut risque (risque demortalité cardiovasculaire à 10 ans> 10%) : il est recommandé de réduire de50% le taux initial en LDL-cholestérol eTd'atteindre un seuil de LDL-cholestérol < 55mg/dl.2. Patients à très haut risque cardiovasculaire ayant présenté un second événement cardiovasculaire endéans les deux ans que ce soit dans le même territoire vasculaire ou dans un autre et ce, malgré une stratégie optimale par statines : l'objectif est ici un abaissement du taux en LDL-cholestérol en dessous des 40mg/dl.3. Patients à haut risque (risque de mortalité cardiovasculaire à 10 ans compris entre 5% et 10%) : ici aussi il est recommandé de réduire de 50% le taux initial de LDL-cholestérol ET de passer sous la barre des 70mg/dl en LDL-cholestérol.4. Patients à risque cardiovasculaire modéré (risque de mortalité cardiovasculaire à 10 ans compris entre 1% et 5%) : ici l'objectif est unique avec un seuil qui doit être inférieur à 100mg/dl de LDL-cholestérol.5. Patients à faible risque cardiovasculaire (risque de mortalité cardiovasculaire < 1%) : l'objectif est ici de parvenir à unabaissement du taux en LDL-cholestérolsous la barre des 116mg/dl.Notons que la différence entre le " ET " des nouvelles recommandations et le " OU " des anciennes guidelines peut sembler un changement subtile mais il peut faire une grande différence pour certains patients en terme de baisse du risque cardiovasculaire. Prenons un patient à très haut risque dont le taux initial de LDL-cholestérol est de 80mg/dl, ce qui est à peine plus élevé que le taux de 55mg/dl recommandé. Et bien, dans ce cas, parvenir au seuil de 55mg/dl ne suffit pas. Il faut aussi que le taux initial soit réduit de 50% donc, au final, ce patient devra en fait atteindre un taux de 40mg/dl en LDL-cholestérol pour espérer la meilleure protection cardiovasculaire. Prenons à présent le cas du même patient mais avec un LDL initial à 200mg/dl. Ici, atteindre 100mg/dl (-50%) n'est pas suffisant, il faut remplir la seconde exigence, soit un taux final de LDL < 55mg/dl.Sans entrer ici dans le détail pour chaque catégorie de patient, détails qui peuvent être consultés en ligne sur le site de l'ESC, on peut résumer comme suit l'actualisation des stratégies de prise en charge des dyslipémies : initiation toujours par les statines et ce jusqu'aux doses maximales recommandées (ou tolérées). Si le patient ne parvient pas aux normes requises avec cette première stratégie, il est alors recommandé d'y adjoindre de l'ézétimibe. Si malgré cette double thérapie, l'objectif n'est pas atteint, il est à présent recommandé d'adjoindre un inhibiteur du PCSK9. Selon les rapporteurs de ces recommandations, on estime que la vaste majorité des patients parvient aux objectifs avec une double thérapie laquelle est peu coûteuse car disponible sous forme de génériques (ou le sera rapidement) ce qui fait que l'adjonction d'un traitement plus coûteux comme les inhibiteurs du PCSK9 ne concernera qu'une petite proportion de patients exception faite des patients atteints d'hypercholestérolémie familiale avec un risque cardiovasculaire élevé ou très élevé mais ces patients sont en nombre restreints.Chez les patients à haut risque vasculaire présentant une élévation des triglycérides entre 135 et 500mg/dl qui ne répondent pas suffisamment à une stratégie thérapeutique centrée sur les statines prescrites à dose maximale, on peut considérer comme intéressant d'adjoindre au traitement des acides gras polyinsaturés à longue chaîne (oméga-3). Pour les patients à très haut risque cardiovasculaire et présentant un taux de triglycérides supérieur à 230mg/dl, il est à présent recommandé de prescrire des statines ce qui constitue une nouvelle évolution par rapport aux recommandations de 2016 où les statines étaient simplement suggérées comme un traitement possible.Si la survenue d'effets secondaires musculaires graves (myopathies ou rhabdomyolyse) demeure exceptionnelle au décours d'un traitement par statines, il n'est pas rare que les praticiens soient confrontés à des plaintes de type musculaire sous forme de douleurs, de crampes, de difficultés à la marche, de perte de force, etc. Plus que d'effets secondaires, il s'agit plutôt de formes d'intolérance aux statines qui peuvent facilement et simplement être corrigées, soit en changeant de statine, soit en diminuant les doses (quitte à associer alors avec ézétimibe) ceci afin d'éviter des arrêts intempestifs d'une thérapie efficace.Une autre recommandation intéressante concerne le traitement par statines chez des femmes diabétiques de type 1 en âge de procréer et qui émettent un désir de grossesse ou qui ne prennent pas de moyens contraceptifs sous forme régulière. Ici, on conseille de ne pas prescrire de statines en cas de grossesse programmée. Il n'existe pas de preuve formelle que les statines induisent des malformations durant la période délicate du premier trimestre de grossesse mais, comme on manque cruellement d'études sur le sujet (ce qui est aussi vrai pour bien d'autres classes thérapeutiques), la prudence recommande l'abstention de ce traitement durant la grossesse ainsi qu'une information éclairée lors d'un dialogue singulier avec la patiente et son conjoint.L'imagerie médicale fait son entrée par la grande porte à l'occasion de ces recommandations 2019 surtout pour aider à mieux cerner et définir le profile de risque réel des patients classés à risque faible ou moyen selon leur risque de mortalité à dix ans qui ne prend pas en compte l'étendue des plaques d'athéromatose dans les différents lits vasculaires. Ainsi, l'évaluation du score calcique par CT-scan et la visualisation et le suivi des plaques d'athérosclérose par echodoppler du cou et des membres inférieurs apporte des informations complémentaires quant au risque réel de ces patients. Chez un patient à risque faible, la mise en évidence d'un score calcique particulièrement élevé peut le transformer en patient à risque élevé ou très élevé nécessitant la mise en place d'un traitement agressif adéquat. Par contre, un patient à risque moyen n'atteignant pas les cibles recommandées via des interventions sur le mode de vie et donc le score calcique est négligeable pourrait, après discussion, ne pas se révéler un candidat valable pour une intensification du traitement et un passage aux statines.Les nouvelles guidelines recommandent aussi un dosage unique de la lipoA dans le cadre de l'évaluation la plus complète possible du risque cardiovasculaire surtout chez les patients à risque modéré. Ce dosage n'est à réaliser qu'une seule fois car le taux en lipoA est génétiquement déterminé et reste stable au cours d'une vie. Son lien avec les maladies cardiovasculaires fait que la découverte d'un taux anormalement élevé entraîne une classification du patient comme à très haut risque équivalent à celui des sujets atteints d'une hypercholestérolémie familiale. Enfin, sur le plan thérapeutique, si les statines et l'ézétimibe sont peu ou pas actifs, les inhibiteurs du PCSK9 constituent par contre un traitement prometteur. Enfin, rappelons ici l'importance du dosage de l'ApoB, surtout chez les patients porteurs d'une hypertriglycéridémie, d'un diabète ainsi que chez les patients obèses ou présentant un taux bas LDL. Chez ces groupes, il peut remplacer le LDL pour le dépistage, la classification du risque et la prise de décision thérapeutique.