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Le CD a beau s'intituler Suddenly, cinq ans c'est tout de même beaucoup pour produire un nouvel album ? C'est vrai, mais je ne termine jamais un album si je n'en suis pas totalement satisfait. Cela prend le temps que cela prend, et le processus peut se comparer à l'effet boule de neige : je " rédige " beaucoup de brouillons... et c'est de pire en pire, d'album en album. Ayant déjà composé pas mal de musique dans ma carrière, je ne suis plus travaillé par l'urgence. Quel est l'impact de votre vie privée sur votre musique ? Dans le cas de cet album, toute l'inspiration vient de ma situation personnelle durant ces cinq dernières années. J'enregistre dans la cave de notre petite maison londonienne. Nous avons eu un enfant durant ce lustre et étant désormais quarantenaire, les parents de mon épouse comme les miens ont logiquement connus des problèmes de santé lié à leur âge : on s'en occupe désormais autant que de nos enfants. C'est aussi la raison pour laquelle cet album a pris autant de temps. Vous pratiquez de la low-fi électronique ? Comparé au son qui prévaut en musique pop électronique de nos jours, brillante et glacée, je préfère faire sonner ma musique de façon plus nostalgique, de la doter d'une personnalité : ma voix se pose mieux dans ce genre d'environnement musical. Vous êtes docteur en mathématiques. Quelle est l'influence des maths sur votre musique ? Il n'y a pas de lien direct, car tout ce que je produis musicalement est intuitif, basé sur les émotions, et n'a rien d'analytique. Mais si l'on parle de la recherche mathématique, comme dans le cas de la musique, ce qui m'attire, c'est de jouer avec les concepts abstraits. Pourtant, il existe un lien entre musique et mathématiques ? Oui, mais pas dans la manière dont je conçois la musique ; je préfère ignorer cette facette et m'en remettre à mon intuition. Cependant, en recherche mathématique également, l'intuition est un élément important... En effet. Vous possédez une structure au sein de laquelle vous improvisez. Vous intégrez les définitions et les constructions et ensuite vous jonglez avec celles-ci, histoire de voir comme elles s'imbriquent ou se relient entre elles. C'est de la sorte que je vois ma relation à la musique, dont j'ai étudié la théorie étant adolescent. Je ne l'utilise plus consciemment aujourd'hui... et pourtant tout est là ! Je composerais de la musique tout à fait autre, si je ne l'avais pas étudiée. Mais à un niveau créatif, ce n'est pas des aspects auxquelles vous souhaitez réfléchir : c'est plutôt d'un endroit émotionnellement intuitif issu du fonds de connaissances classiques et jazz que je possède. Steely Dan fut-il une influence pour vous ? C'est trop propre et précis à mes yeux. J'ai plutôt gravité autour du rock psychédélique, notamment Pink Floyd dont j'étais un grand fan plus jeune et dont je connais tous les disques par coeur. Aujourd'hui, ce serait plutôt Aphrodite's Child, le groupe de Vangelis avec Demis Roussos, et surtout l'album 666, concept album qui prenait pour thème l'Apocalypse : un disque tout à fait étrange. Désormais, j'aime être surpris musicalement ; et, à mon avis, le groupe avait du prendre pas mal d'acide en faisant cette plaque. (il rit) Y aurait-il un soupçon de Philip Glass, Moby ou Hot Chip dans ce que vous faites ? Les Hot Chip sont des amis : il y a des influences mutuelles. Au niveau du son et du versant dance, nous nous ressemblons. Moby ? Pas tellement. Par contre, Philip Glass et Steve Reich certainement. La musique classique, pour l'avoir étudiée, ne m'inspire pas autant qu'elle le devrait ; par contre, la musique minimaliste et répétitive me parle. En dance, la répétition est une donnée séduisante : plonger les gens dans une transe, et puis briser cet effet... Votre voix me rappelle d'ailleurs Wim Mertens. Vous connaissez ? Bien sûr. Cela m'a pris du temps avant d'oser chanter : au début, j'étais terrifié par l'idée même ! D'ailleurs, le premier album que j'ai publié était complètement instrumental. Le suivant comportait un peu de chant, mais je ne chantais pas sur scène. Ce fut un processus graduel. On dit souvent que les mathématiciens sont meilleurs jeunes ? C'est vrai. En est-il de même des musiciens ? Évidemment ! Jetez un oeil sur la discographie de n'importe quel artiste ou groupe que vous appréciez, vous pouvez sans doute vous débarrasser de la deuxième partie. Tous les meilleurs albums sont dans la première ! Beaucoup d'entre eux sont liés à un moment, et quand celui s'achève.... Leur temps est passé. Conscient de cela, je combats à mon niveau cette idée, raison pour laquelle il me faut de plus en plus de temps afin de concrétiser un nouveau disque. Même si je sais que cette évolution est inévitable et que je n'y échapperai pas...