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oeuvre la plus traduite dans le monde après la Bible (il vient d'être traduit en rapanui, langue de l'île de Pâques), Le Petit Prince de Saint-Exupéry est le sujet d'une grande exposition (une autre se déroule jusque fin juin au Musée des Arts Décoratifs de Paris) imaginée par la société Tempora en collaboration avec la fondation Antoine de Saint-Exupéry. D'abord présentée l'an dernier en France à Lyon, ville de naissance de l'écrivain pilote, l'expo atterrit à Bruxelles, ville d'élection de la société conceptrice. Elle prend place à Bruxelles-Expo dans le palais 2 du Heysel, et, de par son titre Le Petit Prince parmi les hommes, évoque également la vie de " Saint-Ex " dont le destin se confond avec celui de son petit personnage. Car si la première partie donne à voir des sculptures, créées par l'artiste Arnaud Nazare-Aga sur base des dessins de l'écrivain pour son ouvrage - elles sont très ressemblantes -, la deuxième partie, sans conteste la plus instructive, se consacre à la vie de l'aviateur relatée au travers de photos, films, objets personnels, affiches, voire moteur d'avion, selon un procédé qui fait la marque de fabrique de Tempora. Un audioguide original propose un récit qui l'est tout autant, raconté par la voix de la mère d'Antoine à qui ce dernier envoya quantité de lettres: jusqu'à sa mort, il fut sans doute le Petit Prince de sa maman. Une mère à qui il échappe dès douze ans pour s'en aller faire son baptême de l'air... nous sommes en 1912, et l'aviation restera une fois pour toutes la grande affaire d'Antoine tout comme l'écriture. Joseph Kessel disait de lui qu'il était " pleinement écrivain, pleinement pilote ". Cette partie chronologique introduite par une ligne du temps, balisée des livres publiés comme Terre des hommes, Vol de nuit ou Pilote de guerre, évoque notamment les débuts de Saint Ex aux côtés d'un pilote autrement chevronné comme Mermoz dans l'aéropostale: des films et témoignages montrent déjà l'humanisme et l'ouverture dont fait preuve le jeune homme qui, lors de ses séjours et escales en Afrique du Nord, apprend l'arabe: un film le montre débarquant à Cap Juby. On découvre une lettre à sa soeur Gabrielle dans laquelle il explique avoir dans le désert apprivoisé un... fennec, qu'il dessine dans au milieu de sa missive. Plus intéressant que la vue de ses lunettes de soleil, dans un extrait radio, il avoue qu'un commissaire de bord dit de lui qu'il était tête en l'air (pas que la tête d'ailleurs), avant de raconter son crash dans le désert libyen, à bord de l'un de ses trois Caudrons goéland (il se blessera également dans un accident au Guatemala). Saint-Exupéry s'intéresse également au cinéma, contribue au scénario de l'adaptation de son roman Courrier Sud et participe à la réalisation d'une bluette aérienne qu'il a écrite intitulée Anne- Marie, également dans les années 30. Mais cet homme toujours parti et pour qui pourtant la famille est essentielle tout comme sa femme Consuelo, Costaricienne rencontrée en Amérique du Sud, fut aussi journaliste-correspondant qui visita, sans la critiquer, l'URSS en 35, couvrit la guerre d'Espagne côté républicain, en dénonça cette fois l'horreur des combats dans les deux camps, écrivant que l' " on fusille plus qu'on ne combat ". Au début de la guerre il se distingue, malgré son âge, par son courage, ce qui lui vaut la croix de guerre, et se réfugie aux États-Unis, à New York, où il tente de convaincre les Américains d'entrer en guerre, sans pour autant prendre parti pour de Gaulle ou Pétain ; après la conquête de l'Afrique du Nord par les alliés, il reprend du service, et son avion disparaît en partant de Corse le 31 juillet 44. En 1998, on retrouvera sa gourmette, exposée à côté d'un train d'atterrissage de son avion, exhumé deux ans plus tard toujours au large de Marseille, et de son dernier carnet de vol. Son corps ne sera jamais retrouvé... tout comme le narrateur du Petit Prince ne retrouve pas celui du petit garçon au matin. La troisième partie de l'exposition est un vidéo-mapping en relief impressionnant qui fusionne le personnage du Petit Prince avec son auteur, accompagné du commentaire imaginaire de la mère de ce dernier: tous deux aiment la solitude, Antoine décrivant l'humanité des villes comme une termitière ; si le Petit Prince cultive une rose, Saint-Exupéry chérit celle des sables ; et si le garçon rêve des étoiles peut-être Antoine en volant a-t-il voulu s'en approcher... " Je suis d'un pays, celui de mon enfance " écrivait-il. Raison sans doute pour l'exposition, qui parvient à donner chair à la vie d'un écrivain et à son oeuvre majeure, de se clore sur des ateliers destinés plutôt à un public jeune et scolaire, développant des thèmes comme l'amitié, l'universalité, la spiritualité.... celle d'un guerrier sans haine qui avouait avoir " la religion du sauvetage ", auteur qui prit de la hauteur en survolant... la terre des hommes.