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Est-ce la tournée minérale du mois de février qui a inspiré les initiateurs de cette nouveauté? En tout cas, l'idée est de frapper les esprits durant quatre semaines en proposant une aide directe, sans rendez-vous, dans les officines, pour ceux qui envisagent de cesser de consommer de la nicotine en fumant du tabac. Pendant tout le mois de mai, les pharmaciens francophones proposeront aux fumeurs d'évaluer leur dépendance à la nicotine via le test de Fagerström. Rempli en quelques minutes, ce questionnaire, un outil largement validé par la recherche scientifique, ouvre la discussion sur les habitudes prises et, éventuellement, sur une cessation tabagique accompagnée par un(e) pharmacien(ne). Il comprend des questions simples comme: Après combien de temps lors du réveil fumez-vous votre première cigarette, fumez-vous davantage le matin que le soir ou malade, immobilisé au lit, fumez-vous quand même?. "Les dépendances psychologique, comportementale et physique au tabac ne sont pas négligeables... et arrêter de fumer sans soutien n'est pas aisé. En tant que professionnels de la santé accessibles et de confiance, les pharmaciens ont un rôle à jouer, tant pour motiver leurs patients à arrêter de fumer que dans l'accompagnement de ce sevrage. Plusieurs études scientifiques ont d'ailleurs montré qu'une intervention d'un professionnel de la santé, même brève, pouvait faciliter la cessation tabagique", explique Nicolas Echement, porte-parole de l'opération initiée par l'AUP (Association des Unions de Pharmaciens), qui regroupe les différentes unions professionnelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles. "Après avoir mis en lumière la place qu'occupe le tabac dans la vie de son (sa) patient(e), le (la) pharmacien(ne) sera à même de lui proposer l'aide et les substituts adaptés à ses besoins, tout en veillant à leur bon usage. Avec, en prime, un soutien moral! Car si la crise sanitaire est pour beaucoup l'occasion (d'essayer) d'arrêter de fumer, elle est aussi pour d'autres un tremplin vers le tabagisme."L'initiative est sympathique - mais pas nécessairement dénuée d'intérêt financier pour le pharmacien, puisqu'il commercialise substituts nicotiniques et médicaments spécifiques -, mais a-t-il des chances de faire reculer le "socle de béton" des fumeurs qui ne peuvent ou ne veulent pas arrêter une assuétude? Rappelons que le tabac est la seule denrée qui tue la moitié de ses consommateurs réguliers... et qu'en Belgique, 40 personnes meurent chaque jour des suites du tabagisme. "Parler du tabac quand on voit par exemple un patient BPCO chercher ses médicaments tout en ayant une odeur de tabac sur les vêtements, c'est toujours une bonne idée", jauge le Dr Véronique Godding, consultante en tabacologie aux cliniques universitaires de Mont-Godinne (UCLouvain ). "Toute intervention est susceptible d'apporter de l'aide à l'objectif de la cessation, mais l'efficacité relative dépendra beaucoup de la qualité de la formation reçue par les pharmaciens, s'ils ont pu recevoir cette formation pendant les heures de travail ou seulement à la maison via des tutos. Dans d'autres pays où de telles expériences ont été menées, la littérature scientifique nous apprend que l'intervention du pharmacien est efficace pour faire baisser le tabagisme, et qu'elle dépend de la formation reçue." La disponibilité des officines, le nombre de contacts/années (cinq millions de Belges se rendent à la pharmacie au moins une fois par an) mais surtout le fait qu'en Belgique, les substituts nicotiniques ne sont délivrés qu'en officine, font du pharmacien un acteur-clé. Sont disponibles patches, comprimés à sucer, gommes, comprimés sublinguaux, spray buccal. Ou leur combinaison, par exemple des patches comme traitement standard plus des gommes en cas de " besoin urgent ". Mais il est important d'utiliser ces produits correctement et à la bonne dose et le pharmacien est un des spécialistes qui peuvent aider le patient à déterminer la quantité précise dont il a besoin et de fournir toutes les explications nécessaires sur le bon usage de ces produits. "On considère que si le patient peut combiner l'usage des substituts ou d'un médicament spécifique prescrit par son médecin avec de l'aide cognitivo-comportementale, un fumeur sur trois sera abstinent après une année complète, qui est l'objectif reconnu comme valable pour affirmer être arrivé à une vraie cessation tabagique", explique le Dr Véronique Godding. "Il y a évidemment des patients fumeurs qui peuvent être confrontés à un arrêt plus difficile. Ainsi, quelqu'un qui fume depuis 40 ans plus de 35 cigarettes par jour éprouvera bien davantage de difficultés qu'un jeune de 25 ans qui limite sa consommation à dix cigarettes par jour. Il faut également être attentif aux co-dépendances comme l'alcool, les benzodiazépines, le cannabis ou les opiacés. Certains patients diminuent la cigarette mais augmentent leur consommation d'autres produits qui les 'soulagent'. Il peut y avoir un phénomène de vases communicants. Cela demande donc une vigilance du professionnel de santé qui aide le fumeur. Il faut que les pharmaciens puissent référer le patient au médecin traitant ou au tabacologue si nécessaire".Les fumeurs devraient-ils s'armer de patience? On lit parfois qu'il faut jusqu'à huit tentatives d'arrêt en moyenne pour parvenir à un véritable arrêt. "En réalité, c'est très variable. Retenez que toute tentative d'arrêt rapproche de l'abstinence tabagique.""Il sera très intéressant d'évaluer cette expérience de promotion du sevrage tabagique par le pharmacien d'officine après le mois de mai afin d'en préciser l'efficacité", souligne Véronique Godding.