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Que le patient souffre de la forme centrale ou obstructive, les problèmes qui l'incitent à consulter seront largement les mêmes: une fatigue voire une somnolence en journée et, parfois, des épisodes d'apnée constatés par le ou la partenaire. Les mécanismes d'apparition et traitements sont toutefois complètement différents. L'apnée centrale du sommeil découle d'un dérèglement de la boucle de rétrocontrôle respiratoire. " La description de cette boucle commence au niveau des chémorécepteurs de l'oxygène et du CO2 dans le sang", commence le Pr Johan Verbraecken (pneumologue et coordinateur médical de la clinique du sommeil de l'UZA). " Les premiers se situent au niveau du corpuscule carotidien (récepteurs périphériques), les seconds dans la moelle allongée du cerveau. Lorsque les taux menacent d'augmenter, cette information est communiquée au centre de la respiration, qui va à son tour envoyer un signal aux muscles respiratoires pour activer la respiration. L'apnée centrale du sommeil est généralement due à une suractivité des chémorécepteurs qui débouche sur une stimulation excessive de la respiration, de telle sorte que le patient expire de trop grandes quantités de CO2. Lorsque le taux de CO2 tombe en-deçà d'un certain seuil, la respiration s'interrompt, provoquant une apnée ; ce n'est que lorsque le taux de CO2 s'est suffisamment rétabli sous l'effet de cette pause qu'un nouveau signal est envoyé et que la respiration reprend. On parle alors d'apnée centrale du sommeil idiopathique." Plus rarement, il arrive aussi qu'une apnée centrale du sommeil soit due au contraire à une sensibilité réduite des chémorécepteurs. Celle-ci peut être une conséquence d'une diminution chronique du taux d'oxygène et d'une augmentation chronique du taux de CO2 dans le sang, ce qui peut se produire p.ex. chez les patients dont la respiration est peu efficace en raison d'une maladie musculaire ou chez les personnes qui souffrent d'une maladie pulmonaire chronique comme la BPCO. L'apnée centrale du sommeil peut également être déclenchée par une congestion pulmonaire chez les patients qui souffrent d'insuffisance cardiaque. " Face à un patient victime d'apnées du sommeil sans insuffisance cardiaque établie, nous réaliserons donc toujours une échocardiographie pour rechercher le cas échéant une légère dysfonction diastolique du muscle cardiaque", précise le Pr Verbraecken . "Le mécanisme repose ici sur une légère congestion du tissu pulmonaire qui provoque une hyperventilation. Là encore, le signal de la respiration est suspendu parce que le patient expire une quantité excessive de CO2." Une autre cause possible d'apnée centrale du sommeil est le syndrome d'Arnold-Chiari, une malformation congénitale caractérisée par le fait que les amygdales cérébelleuses s'engagent dans le trou occipital et exercent une pression sur la moelle allongée où se trouve le centre de la respiration. L'apnée centrale du sommeil peut être distinguée de la forme obstructive sur la base de la poly(somno)graphie. L'examen permet en effet d'enregistrer non seulement le débit respiratoire, mais aussi - à l'aide de bandes élastiques - les mouvements des muscles respiratoires au niveau de la cage thoracique. En cas d'apnée obstructive, on assiste à l'arrêt du débit respiratoire mais pas des mouvements musculaires, qui se poursuivent suivant un schéma paradoxal (à contretemps). En cas d'apnée centrale, ce sont à la fois le débit respiratoire et les mouvements des muscles qui s'interrompent. Certains patients présentent une forme mixte, qui sera qualifiée en fonction du type d'apnée qui domine le tableau. Le traitement du surpoids reste également important en cas d'apnée centrale du sommeil, car il facilitera de toute façon la respiration (augmentation de la réserve d'O2). Le traitement par acétazolamide est par contre spécifique à la prise en charge de la forme centrale. Cette molécule agit sur la régulation de la respiration, principalement au travers d'un effet inhibiteur sur les récepteurs périphériques de la boucle de rétroaction, et est efficace dans environ 50% des cas. Parmi ses effets secondaires, on peut citer des paresthésies intermittentes, une néphrocalcinose et une atteinte du goût. Les patients qui souffrent d'une forme centrale d'apnée du sommeil seront parfois soumis à un traitement par pression positive continue (PPC ou CPAP) ; dans ce cas de figure, le mécanisme d'action repose sur l'obtention d'une légère hypoventilation pour accroître le taux de CO2 sanguin et empêcher la suspension du réflexe respiratoire. Dans cette indication, le taux de succès de cette approche s'élève à 50%. Si la CPAP ne livre pas le résultat souhaité, on passera à un traitement BiPAP, dont le taux de succès est légèrement plus élevé. Si cela ne suffit toujours pas, reste une troisième technique, celle de la ventilation auto-asservie (VAA). Cette technique fait appel à un petit compresseur, comme la comme la CPAP, la différence étant que l'appareil évalue la respiration du patient et s'adapte en continu aux besoins du moment en s'appuyant sur un algorithme. Cette technique est couverte par la convention CPAP et ne bénéficie donc pas d'un remboursement distinct ; Johan Verbraecken précise néanmoins que tous les centres ne la proposent pas, parce que son coût n'est pas intégralement couvert par le prix de la journée prévu dans la convention. Par souci de sécurité, la VAA n'est en outre pas utilisée chez les patients avec une FEVG ? 45. Chez eux, l'administration d'oxygène pendant la nuit peut offrir une piste de solution. Celle-ci représente un coût d'environ 180 euros par trimestre pour le concentrateur d'oxygène, qui n'est pas remboursé. Le concentrateur fait aussi un peu plus de bruit que le compresseur, mais ce problème peut être résolu en utilisant un tube plus long et en installant l'appareil dans le couloir. Le cas échéant, il est également important d'optimiser le traitement médicamenteux d'une éventuelle insuffisance cardiaque, et en particulier le traitement par bêtabloquants. Éviter une éventuelle surcharge permettra en effet de prévenir une congestion pulmonaire. La rétention hydrique débouche aussi sur une congestion de la gorge (principalement en position couchée), de telle sorte qu'une composante obstructive vient s'ajouter à la composante centrale de l'apnée du sommeil. " Nous savons par ailleurs que le port de bas de contention abaisse le risque d'apnées, parce qu'il favorise la circulation des fluides et leur élimination par les reins", commente le Pr Verbraecken. " C'est aussi en partie ce qui explique l'importance de l'activité physique chez les patients qui souffrent d'apnées, puisqu'un mode de vie sédentaire peut provoquer un oedème des membres inférieurs." Une autre technique très récente dans le traitement de l'apnée centrale du sommeil est la stimulation électrique du diaphragme à l'aide d'un pacemaker externe pour stimuler la respiration. Elle n'est pas encore disponible sur le marché, mais les résultats obtenus dans le cadre des études sont encourageants.