Au coeur de la Bohême, à l'ouest de la République tchèque, cette région de châteaux ancestraux accueille une tradition architecturale et médicale, le thermalisme.
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Dans un triangle magique formé par Karlovy Vary, Mariánské Lázn? et Frantiskovy Lazné, une chaîne d'anciens volcans fait jaillir quantité de sources thermales réputées pour leurs bienfaits, autrefois appréciées par les anciennes têtes couronnées d'Europe et autres célébrités. Ils venaient prendre les eaux dans ce qui s'appelait encore Karlsbad, Marienbad et Franzenbad, dans ce qui était toujours l'Empire austro-hongrois et la région des Sudètes. Parmi les trois, la plus célèbre est sans aucun doute la seconde, héroïne d'un film de la nouvelle vague, "L'année dernière à Marienbad", signé Alain Resnais. Marienbad est surtout une ville de 13.000 habitants, créée de toutes pièces au début du 19e siècle suite à la découverte de ses eaux miraculeuses par le Dr Joseph Nehr. La ville, à 600 m d'altitude, profite d'un climat subalpin, reconnu comme l'un des plus purs au monde, nous dit la médecin-chef, la Dre Markéta Hovorkova. Mais cette petite ville nichée dans une vallée et entourée de vastes forêts - surtout de pins, un reliquat de l'époque communiste qui n'a pas détruit ce joyau bourgeois (la preuve, Gagarine y est notamment venu en cure) -, qui a retrouvé sa splendeur avec la chute du Mur et l'indépendance de la Tchéquie, est surtout connue pour ses sources: on en compte 40 dans la ville et ses hôtels, et 60 de plus dans les environs (lire encadré).La chaîne hôtelière Ensana a regroupé quatre hôtels d'époque, quatre et cinq étoiles, modernisés tout en conservant leur charme suranné. Chacun propose sa gamme de soins et des thermes, à chaque bout de ce "domaine" deux piscines, le tout relié par un couloir intérieur long d'un kilomètre. La ville, classée au même titre que les deux autres, fait partie d'un cercle restreint de villes d'eaux de prestige, comme Spa, Vichy ou Baden-Baden. Elles sont désormais classées au patrimoine mondial de l'Unesco. Parmi les visiteurs célèbres, outre les empereurs de la Maison des Habsbourg qui "jouaient à domicile", citons Édouard VII, Goethe, de Coubertin, Mark Twain, Edison, Chopin ou Kafka. Plantée d'arbres remarquables et baignant dans une sérénité également ressourçante, cette ville aux allures de pièce montée se révèle un bienfait pour le coeur. Située à une demi-heure de Mariánské Lázn?, Karlovy Vary, l'ancienne Karlsbad, doit son nom au plus célèbre roi de Tchéquie Charles IV de Bohême, lequel fonda cette ville thermale située dans la vallée encaissée de la rivière Templa. À la différence de Marienbad, ses sources sont d'eau chaude (elle émerge à 73°). La ville est balisée par 12 sources, de température (trois d'eau froide, 81 en tout dans et autour de la ville) et d'usage différents, situé tout le long de la rivière, des bâtiments néoclassiques et Art nouveau qui la balisent, des hôtels somptueux notamment le Pupp hôtel, le plus prestigieux, et de colonnades, des promenades néoclassiques préservées au nombre de cinq. Exception faite de l'une d'entre elles, laquelle abrite le geyser qui voit l'eau volcanique sortir (à 12 mètres de haut) au coeur de cette ville de 50.000 habitants. Le brutalisme communiste est passé par là, griffant la ville à un autre endroit en aval de cette cité par ailleurs d'un néoclassicisme également homogène, au travers de l'hôtel thermal dans un style est-allemand ou "ceausescusien" imposant. En amont de la vieille ville, les bains impériaux de 1895 viennent d'être entièrement restaurés: le gymnase aux allures de salle de bal décorée de peintures monumentales abritait à l'époque les machines d'exercices imaginées par le médecin suédois Gustav Zander, l'un des fondateurs de la "mécanothérapie". Un tableau reprend les visiteurs célèbres venus prendre les eaux dans cette ville, la plus ancienne et la plus grande des trois cités thermales de Bohême: Karl Marx - un présage... -, Richard Wagner, Brahms, Gogol, Schiller, l'Empereur Guillaume ou Bismarck. Les eaux ont des vertus curatives reconnues, comme l'explique Angela Frankova, médecin responsable de l'hôtel Impérial, imposant paquebot art nouveau datant de 1912, qui domine la vieille ville. La praticienne précise que dans les thermes de Karlovy Vary sont traitées les maladies de l'appareil digestif, les troubles du métabolisme, les problèmes locomoteurs, tout cela conjugué à une prise d'eau régulière. Chaque hôtel possède son propre centre de soins, dans une ville plus vivante et touristique que Mariánské Lázn?. Si la relaxation de l'esprit fait partie de la cure, les amateurs de shopping et d'activités (un festival de cinéma réputé s'y tient depuis 1966) choisiront Karlovy Vary, ceux qui cherchent la tranquilité Mariánské Lázn?. Une complémentarité teintée de rivalité, dont la petite Frantiskovy Lazné, la cadette des trois cités thermales de la région n'a... cure. Outre les multiples balades que l'on peut faire autour de Mariánské Lázn? (son plus haut sommet - vite atteint - culmine à 900 mètres) et ses forêts, la réserve naturelle de Kladská offre un panorama différent. Sise sur un plateau autour d'un lac miroir, ses forêts de pins se mirent dans l'onde cernant la lande, on peut y fendre les flots ou emprunter le chemin de planches qui encercle l'étendue d'eau. À Kynzvart, on trouve la résidence d'été du chancelier Metternich, dans la famille depuis 1623. Originaire de la vallée du Rhin, le chancelier de l'empereur austro-hongrois vainqueur de Napoléon et du Congrès de Vienne a passé une grande partie de sa vie dans ce château de plaisance, un grand manoir de style classique. Décoré notamment des cadeaux diplomatiques (meubles Empire, sarcophages égyptiens,...) reçus par le chancelier au cours de sa longue carrière, on peut y voir la salle de dîner dressée de façon à rappeler la visite de l'empereur Ferdinand Ier d'Autriche en 1835, et une bibliothèque riche de 25.000 titres précieux. À 30 minutes de Mariánské Lázn?, le ravissant village de Be?ov nad Teplou, dominé par son château médiéval et renaissance à la fois, posé sur son éperon rocheux, qui surplombe le village aux maisons colorées comme en Alsace - certaines à colombages, d'ailleurs. Le château abrite le reliquaire de saint Maur, dont l'histoire rocambolesque est contée. Il appartenait à l'abbaye de Florennes et fut racheté en 1838 par le duc Alfred de Beaufort-Spontin, dont la famille, originaire de Namur, avait acheté le château de Be?ov en 1813. La châsse de style mosan sertie de pierreries fut disputée au royaume de Bohême, partie alors de l'Autriche-Hongrie, par la Belgique. La dispute réglée à l'entame du siècle dernier voit ensuite la nouvelle Tchécoslovaquie sudète envahie par les nazis en 1938. Le châtelain camoufle la châsse sous le plancher de la chapelle, se voit expulser au sortir de la guerre étant lui-même de souche sudète donc allemand. Les communistes la découvrent à nouveau plus de 40 ans plus tard. Le propriétaire Beaufort-Spontin ne récupère pas son bien, qui devient l'un des trésors nationaux de Tchéquie, comme l'explique une exposition très didactique, dans une muséographie contemporaine superbe. Comme quoi, le recel peut aussi être démocratique...