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L'inflation est temporaire, affirmait-on en été sur un ton apaisant. Dès l'automne pourtant, le camp des sceptiques l'avait emporté: non, elle va s'amplifier et durer quelque temps. De fait: la hausse des prix de détail a finalement atteint 5% en 2021 dans la zone euro, le chiffre le plus élevé en 25 ans. Aux États-Unis, les 7% relevés en décembre signifient que l'inflation est au plus haut depuis... 1982. Voilà qui n'a rien d'anodin! Comment l'investisseur peut-il se protéger de cette inflation? Approche élémentaire: en se détournant plus que jamais du carnet de dépôt et des obligations, pour investir en actions et en immobilier. Ce dernier, dont le rendement est un attrait aussi important que la plus-value attendue à long terme, souffrirait d'une forte hausse des taux d'intérêt, c'est vrai. Par contre, il protège plutôt de l'inflation puisque les loyers sont largement indexés. Il en va de même de la Bourse, du moins tant que l'inflation ne dérape pas: chiffres d'affaires et bénéfices des entreprises seront, eux aussi, plus ou moins indexés sur l'inflation. À condition toutefois que les entreprises aient la capacité d'augmenter leurs prix, face aux consommateurs comme aux enseignes de distribution. C'est le pricing power, une expression fort utilisée ces derniers mois. S'il n'y a apparemment pas de problème pour des marques iconiques comme Apple ou Coca-Cola, on comprend que tous ne peuvent pas en dire autant. Les gestionnaires de fonds sont donc très attentifs à cette question. Une inflation plus élevée entraîne presque automatiquement une hausse des taux d'intérêt. Il est dès lors évident que la situation actuelle, caractérisée par des taux anormalement bas, surtout en Europe, ne pourra pas durer éternellement... À Francfort, siège de la BCE, il n'est pas question jusqu'ici de répondre à cette inflation par une hausse des taux d'intérêt. En tout cas pas avant un certain temps. Il n'en va pas de même à Washington, siège de la Federal Reserve, la banque centrale américaine, où un tel mouvement était clairement envisagé dès l'automne. Coup de tonnerre le 5 janvier, quand la Fed publie le compte-rendu de sa réunion de la mi-décembre. Il apparaît en effet que la première hausse pourrait se produire dès le mois de mars, beaucoup plus tôt que prévu. Est-ce grave? Des taux d'intérêt plus élevés rendent automatiquement moins attrayants les placements existants, y compris les actions. Mais toutes ne sont pas logées à la même enseigne: à New York, c'est l'indice Nasdaq des valeurs technologiques qui recula le plus suite à cette publication: -3%. N'est-ce pas étrange, alors qu'il s'agit de valeurs de croissance, dont le dividende est faible et que l'on n'achète donc pas pour leur rendement? L'explication est ailleurs et un investisseur ne peut l'ignorer. Une action de croissance est achetée pour son (supposé) brillant avenir: la valeur qu'on lui attribue est beaucoup plus celle du futur que celle d'aujourd'hui. Contrairement à des valeurs de rendement comme les immobilières. Autrement dit, on paie aujourd'hui surtout pour les bénéfices et dividendes de demain et après-demain. Ce faisant, on se prive de ce que cet argent pourrait rapporter entre-temps. Si les taux montent, la privation augmente... à moins de payer un peu moins pour l'action. Une hausse des taux d'intérêt pénalise donc beaucoup les valeurs de croissance. Autre vérité que l'investisseur ne peut ignorer: il est des tendances de long terme, ou supposées telles, qui ne se vérifient pas du tout à court terme. Ainsi les énergies renouvelables sont-elles dans l'air du temps, tandis que les énergies fossiles sont devenues pestiférées. Un investisseur averti se doit donc de se débarrasser des secondes au profit des premières, n'est-ce pas? Sauf que cette stratégie n'a absolument pas fonctionné en 2021, bien au contraire! Deux exemples emblématiques dans chaque camp. Considéré comme le numéro un mondial des énergies renouvelables, l'espagnol Gamesa a vu son action chuter de 46% l'an dernier, un véritable krach! Leader mondial de la fabrication d'éoliennes, le danois Vestas a fait à peine moins mal: -40%. Grâce aux performances moins médiocres d'autres acteurs du secteur, l'indice MSCI Global Alternative Energy limite la casse à -17,4% en 2021. Pas brillant quand même, surtout quand les Bourses gagnent globalement 22,3%. À l'inverse, soutenues par la flambée des prix de l'énergie, les valeurs pétrolières ont fait des étincelles: +25% en un an pour TotalEnergies et +50% pour ExxonMobil! Cette dernière est très en lien avec l'ensemble du secteur, puisque l'indice MSCI World Energy a gagné 41,8% l'an dernier (après une chute de 30% en 2020, convient-il de préciser). Fameux pied de nez à cette chère Greta... Consolation: autant certains avertissaient au début 2021 d'une possible bulle sur les valeurs vertes, dont l'indice avait plus que doublé en 2020, autant des voix s'élèvent aujourd'hui pour conseiller de profiter de cette rechute pour verdir son portefeuille. Revenons aux prévisions et conseils concernant 2022. "Le variant Omicron devrait ralentir la croissance économique mondiale au cours du premier trimestre, sans pour autant la faire dérailler", analyse Guy Wagner, directeur de Banque de Luxembourg Investments. Un avis plus ou moins partagé par les économistes, aussi vrai que ce nouveau virus n'était pas vraiment attendu et donc absent des scénarios. La Bourse se montre toutefois beaucoup plus positive à son égard. Déjà en décembre dernier et plus encore durant les premiers jours de cette année. Ce variant Omicron est même devenu la "bonne nouvelle" de ce début 2022. Il est très contagieux, c'est clair, mais il est visiblement moins dangereux que les précédents, ce qui est un soulagement. Les investisseurs en ont en tout cas acquis la certitude, ce qui a engendré quelques belles hausses sur les marchés. De manière globale mais plus significativement pour les valeurs liées au tourisme: la compagnie aérienne allemande Lufthansa a gagné près de 16% en trois jours, tandis que la compagnie à bas coûts Wizz Air bondissait de plus de 12% en une journée. Le groupe hôtelier Accor avait rebondi plus tôt, après sa lourde chute du mois de novembre, gagnant 19% durant la seconde quinzaine de décembre. Même scénario pour le croisiériste Carnival, numéro un mondial, avec un bond de près de 24%. N'est-ce pas excessif, ou simplement prématuré? Les avis sont partagés... Ils ne le sont par contre gère sur un autre point, plus global: l'année 2022 sera à nouveau marquée du sceau "Tina". Faut-il rappeler que cet acronyme (de There Is No Alternative) désigne les actions comme seul investissement intéressant, par opposition en tout cas aux obligations et produits assimilés? Les cours ont bien progressé l'an dernier, c'est vrai, mais les actions ne sont globalement pas plus chères pour autant, parce que les bénéfices ont grimpé davantage encore. Et leur hausse se poursuivra cette année, estiment tous les analystes.