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Aussi légendaire et mythique que l'histoire musicale qu'il évoque, le Deep Blues de Robert Palmer, qui n'est pas le chanteur anglais trop tôt disparu bien qu'il soit également précocement décédé en 1997, publié en anglais 15 ans plus tôt, est la bible (le blues évoque souvent Dieu et le Diable auquel Robert Johnson aurait vendu son âme ) quant à l'histoire de cette musique née aux abords et sur les champs (donc les chants) de coton du "Sud profond". Enfin traduit - et de quelle manière! - l'ouvrage, richement illustré de photos rares d'époque, court des années 20 et la naissance du Delta Blues aux années 80, est assorti d'une discographie fertile. L'ethnomusicologue que devint Palmer montre comment cette musique prend sa source dans les rythmes bien avant celles du Mississippi, qu'il s'agissait exclusivement d'une musique de Noirs ("nigger" à l'époque) méprisée des rednecks américains, mais également d'une grande partie de la communauté noire elle-même qui n'avait que mépris pour ces musiciens troubadours, vagabonds, et à leurs yeux désoeuvrés. Pas une photo de musicien blanc dans cette oeuvre définitive et bicolore qui bien sûr évoque Robert Johnson, Muddy Waters, Willie Dixon (pillé par Led Zeppelin), Buddy Guy, John Lee Hooker ou Howlin' Wolf, mais rend également justice à des bluesmen moins connus comme Otish Rush, Son Seals, Robert Nighthawk, Skip James ou Robert Lockwood. Comme le fleuve qui l'a vu naître, le Blues est un fleuve qui finit par s'ouvrir en delta, donnant notamment naissance au Chicago Blues, suite de l'émigration de nombreux Noirs du Sud pauvre vers un Nord opulent, promesse de vie moins miséreuse, et finira par engendrer le rock, inventé par Ike Turner, mais popularisé par un Blanc, Elvis Presley, un gars de Memphis, toujours dans le Delta...