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L'hépatite A est devenue extrêmement rare dans nos contrées sous l'effet notamment d'une amélioration de l'hygiène, sans compter que nombre de voyageurs en partance pour des zones endémiques pensent aujourd'hui à se faire vacciner. " Autrefois, l'hépatite A constituait parfois dans notre hôpital une indication à une greffe de foie urgente chez les personnes d'un certain âge", se souvient le Pr Nevens. " Des parents ou grands-parents qui n'étaient jamais entrés en contact avec le virus dans leur jeunesse l'attrapaient parfois de leurs enfants ou petits-enfants, eux-mêmes infectés à la crèche. Comme on sait, l'hépatite A passe le plus souvent inaperçue chez les petits... mais un sujet âgé qui ne possède aucune immunité contre le virus peut en être gravement malade." Lorsqu'on a commencé à vacciner systématiquement les enfants contre l'hépatite B, en 1999, les autorités belges espéraient un recul spectaculaire du nombre de cas. " Et de fait, la vaccination contre l'hépatite B semble couronnée de succès", souligne Frederik Nevens. " À l'UZ Leuven, nous avons récemment étudié la prévalence des anticorps chez les sujets candidats à une greffe (du coeur, du poumon, du foie ou du rein) et nous avons observé que le nombre de patients porteurs d'anticorps avait significativement augmenté en comparaison avec ce que l'on constatait il y a 20 ou 30 ans. Ceci n'est pas sans importance, car les patients transplantés sont exposés à diverses interventions et produits sanguins et il est donc hautement souhaitable qu'ils soient protégés contre l'hépatite B (1). L'évolution positive que nous avons observée dans notre étude, nous la devons à la vaccination systématique." " Entre-temps, notre société a toutefois évolué dans le sens d'une plus grande multiculturalité, avec notamment l'arrivée de migrants en provenance de régions où l'hépatite B est encore endémique. De ce fait, nous n'observons pas de réel recul dans la population globale (2,3) et l'hépatite B reste un problème courant dans nos consultations d'hépatologie, en particulier chez les personnes originaires d'Asie et d'Afrique." " Heureusement, il existe aujourd'hui pour le traitement de l'hépatite B chronique active des médicaments efficaces tels que l'entécavir ou le ténofovir. Tant que le patient continue à les prendre, l'atteinte hépatique ne progresse plus... grâce à quoi nous n'avons pratiquement plus besoin, en Belgique, d'avoir recours à la transplantation dans le cadre de cette infection." Conformément aux critères de remboursement belges, le traitement peut être interrompu lorsque des anticorps contre l'AgHBe ou l'AgHBs (suivant la sérologie de départ) apparaissent dans le sang, ce qui n'est généralement le cas qu'après des années et chez un nombre limité de patients. L'arrêt de la prise après obtention d'anticorps HBe débouchera toutefois sur une rechute chez 50% des patients concernés. C'est pour cette raison que les firmes pharmaceutiques continuent leur quête de médicaments pouvant guérir l'infection, par analogie avec ce qui a déjà pu être réalisé pour l'hépatite C. La pandémie du coronavirus a toutefois ralenti le processus de développement, nombre d'entreprises ayant temporairement concentré l'essentiel de leurs efforts sur la mise au point d'un vaccin contre le Sars-CoV-2. En attendant, les patients atteints d'une hépatite B en sont donc réduits à continuer à prendre des traitements au long cours. Heureusement, ces produits sont sûrs et provoquent peu d'effets secondaires, sans compter que les personnes infectées par le virus n'ont pas toutes besoin d'être traitées. " Un grand nombre de patients infectés par l'hépatite B à un moment ou l'autre de leur vie développeront un statut de porteur, ce qui signifie qu'ils sont contagieux sans être eux-mêmes malades", ajoute le Pr Nevens. " On peut se demander si le fait d'être porteur du virus est néfaste pour le foie... mais d'après une étude que nous avons réalisée sur une période de près de 20 ans, la réponse est clairement non: dans cette population, pratiquement aucun patient n'a connu d'évolution vers une cirrhose ou un carcinome hépatocellulaire (4). Les porteurs sains n'ont donc pas besoin d'un traitement antiviral." Le pathogène responsable de l'hépatite C n'a été découvert qu'à la fin des années 1980, bien après les virus des hépatites A et B... et entre-temps, nous disposons pour son traitement d'antiviraux à action directe pangénotypiques. Une avancée révolutionnaire, souligne l'hépatologue: " Ces deux dernières années, tous les patients que j'ai traités pour une hépatite C ont pu être guéris par un traitement qui est non seulement relativement bref (huit à douze semaines), mais qui peut en outre être pris par voie orale et ne provoque pratiquement pas d'effets secondaires." " L'Organisation mondiale de la Santé vise l'éradication complète de l'hépatite C. Il n'existe pas de vaccin contre la maladie et il n'y en aura vraisemblablement jamais, tant le traitement curatif est simple, sûr et efficace. Les derniers foyers se retrouvent principalement dans les prisons et sont liés à la consommation de drogues intraveineuses. Les mesures pour éradiquer la maladie devraient donc se concentrer sur les usagers de drogues - un public souvent difficile à toucher, en dépit du fait que les autorités mettent les médicaments à disposition presque gratuitement. Néanmoins, la courte durée du traitement est un atout qui devrait permettre de faire disparaître l'hépatite C même dans ces milieux(5,6)." L'hépatite E est une de ces maladies qu'on ne rencontrait autrefois guère que dans les manuels de médecine. Des épidémies survenaient de temps à autre dans des pays comme l'Inde ou le Pakistan à la suite d'une inondation et il arrivait exceptionnellement qu'un bourlingueur de retour de là-bas la ramène dans ses bagages. Entre-temps, la situation a bien changé. " Environ 20% des patients dépistés chez nous en vue d'une éventuelle greffe de foie semblent posséder des anticorps contre le virus de l'hépatite E", précise le Pr Nevens . "La contamination intervient par voie féco-orale, et les porcs et sangliers y jouent un rôle majeur." Le tableau clinique est comparable à celui de l'hépatite A. L'hépatite E guérit généralement d'elle-même chez les sujets en bonne santé, mais peut se chroniciser - et déboucher, au final, sur une cirrhose - chez ceux qui reçoivent un traitement immunosuppresseur à la suite d'une greffe d'organes. Elle peut également provoquer des troubles neurologiques tels qu'un syndrome de Guillain-Barré. C'est la raison pour laquelle on parle d'un syndrome hépato-rénal. " Une étude récente menée en collaboration avec Sciensano dans plusieurs hôpitaux a confirmé la montée en force de l'hépatite E aiguë", confirme Frederik Nevens. " Aujourd'hui, quand je vois passer un patient relativement jeune qui souffre de jaunisse, c'est le premier diagnostic que je vais envisager - en particulier si la personne passe beaucoup de temps dans la nature et mange peut-être des fruits sauvages susceptibles d'avoir été contaminés par des sangliers." L'hépatite D ou delta, enfin, est une infection rare qui ne se rencontre pour ainsi dire que chez les sujets qui souffrent déjà d'une hépatite B. On l'observe surtout chez des patients originaires de l'ancien bloc de l'Est, d'Albanie et de certaines régions de Turquie. À défaut de traitement curatif, il existe - comme pour l'hépatite B - un médicament qui permet de garder l'infection sous contrôle. Il est possible qu'il soit prochainement enregistré dans notre pays.