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Michel Lamotte, kinésithérapeute au Centre de réadaptation physique pluridisciplinaire à l'hôpital Erasme à Bruxelles met en garde, dans son exposé sur la prise en charge kinésithé-rapeutique de l'insuffisance cardiaque le 12 septembre dernier1 : " Les objectifs de la réadaptation ont évolué, aujourd'hui, on vise à améliorer la performance du patient et à l'éduquer à l'effort parce que beaucoup s'arrêtent dès qu'ils sont un peu essoufflés ou transpirent. Il faut donc leur apprendre que c'est normal et les rassurer. ", En réadaptation, les patients sont fortement limités sur le plan physique et ils présentent beaucoup de facteurs de risques. Leur VO2 max s'élève à 8-16 ml/min/kg pour les femmes et 8-20 pour les hommes, soit dix fois moins qu'un sportif ou quatre fois moins qu'un sédentaire.Après un événement cardiaque, 20% des patients font de la réadaptation en Europe, et 0 à 50% en Belgique. " Or, c'est bien remboursé par les mutuelles. Une séance de réadaptation pluridisciplinaire coûte 1,5euros au patient BIM (Vipo) et 3,5euros à l'assuré ordinaire. Ce n'est donc pas ça le problème ", observe-t-il. " Bizarrement, on aide surtout ceux qui en ont le moins besoin : on a plus d'hommes que de femmes, plus de jeunes, plus de patients avec une fraction d'éjection (FEVG) plutôt plus élevée (ceux qui ont une FEVG fort basse ne viennent pas or c'est ceux que l'on aiderait le plus...)... "Il y a donc des freins (prix, éloignement, heures d'ouverture...) qui, souvent, ne sont pas objectifs et qui, eux aussi, nécessitent une éducation. " Quand on veut proposer de l'exercice à nos patients, il faut les convaincre et donner des informations claires. Ensuite, poursuit le kiné, il faut un cardiologue convaincu et qui passe dans le Centre de réadaptation au moins 15 minutes par semaine. Les anciens patients sont aussi de bons vecteurs pour motiver les nouveaux... Enfin, nous mélangeons toutes les personnes, quelle que soit leur pathologie. "Une fois la machine remise en route encore faut-il poursuivre l'effort... " Nombreux sont ceux qui vont arrêter après leur réadaptation. C'est à nous de les lancer mais pas de les tenir au long cours. Après avoir fait six mois d'entraînement, le score de qualité de vie est meilleur dix ans plus tard, sans doute parce qu'ils ont changé certaines choses dans leur vie de tous les jours... "Avant de programmer l'entraînement, il convient d'évaluer le patient par une épreuve d'effort qui permet de déterminer la capacité physique, les contre-indications (qui sont très rares), les facteurs pronostiques, et la limitation cardiopulmonaire et périphérique." Notre Graal, ce que l'on doit améliorer chez le patient, c'est sa VO2 max parce que c'est un facteur prédictif de la survie", ajoute Michel Lamotte. "La FEVG n'est pas un facteur pronostique fantastique. Selon la classification de Weber, pour une VO2 max >20 (ml/min/kg), il a une probabilité d'être encore en vie de 9/10 à 4 ans ; si elle est <10, il n'y a plus personne à 4 ans. Si le patient améliore sa VO2 max de 1ml, il réduit sa mortalité de 10% ! Sinon c'est un très mauvais pronostic. "Aujourd'hui, on sait que la réadaptation ne doit pas seulement faire bouger mais qu'elle doit aussi faire progresser. Pour atteindre cet objectif, deux éléments sont importants : le volume d'entraînement et son intensité. " Concernant le volume, on sait que bouger un peu est mieux que rien et, si on fait un peu plus, c'est encore mieux. Une étude de suivi (12 ans) de patients coronariens a montré que la survie de ceux qui marchaient entre 1,5 et 3km/jour était nettement améliorée par rapport à ceux qui parcouraient seulement 1,5 km. "La deuxième notion essentielle c'est l'intensité des exercices. " C'est une notion neuve depuis une dizaine d'années : vous pouvez faire autant d'activité modérée que vous voulez (100 minutes/jour), vous n'aurez jamais les mêmes bénéfices que si vous faites une activité plus intense, même beaucoup moins longtemps ! " Souligne-t-il.Quand les gens ne progressent pas, c'est souvent parce qu'ils sont sous-entraînés, de façon pas assez intensive (par rapport aux capacités et habitudes individuelles). " Sur beaucoup de témoins biologiques, on s'est rendu compte que les efforts à plus haute intensité étaient plutôt plus profitables. Avant, on disait que dans l'hypertension, il ne fallait pas d'efforts trop intensifs, ce n'est pas vrai, ni pour le diabète ou ni pour le cholestérol. "Qu'est-ce qu'une réadaptation optimale ? " Elle doit combiner de l'entraînement dynamique et du renforcement musculaire ", insiste-t-il. " Notamment chez les insuffisants cardiaques où il y a vraiment un problème de muscles. Or, on ne fait pas du muscle sur un vélo, ni en marchant, ni en piscine : seul le renforcement musculaire permet d'augmenter le muscle dont le patient a besoin pour se lever ou monter les escaliers. "Aujourd'hui, les recommandations préconisent donc une réadaptation la plus précoce possible, plus intense, et avec du renforcement musculaire. " Il y a 30 ans, on disait que le repos était le traitement de l'insuffisance cardiaque ! Depuis dix ans les choses ont changé : si on ne propose pas de faire du reconditionnement physique à ces patients, c'est une erreur médicale ! ", conclut Michel Lamotte.