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Sur quelle base le KCE constat-il cette inégalité de traitement médical entre patients classiques et patients psychiatriques en hôpital? Le KCE a mené une étude qualitative menée auprès de patients et d'équipes soignantes de soins psychiatriques résidentiels. Si la littérature internationale fournit beaucoup de données, il n'existe rien de comparable en Belgique, regrette le KCE. Quelle est l'origine de cette différence de traitement? Tant les patients que les professionnels des soins psychiatriques "ressentent des préjugés de la part des autres soignants, qu'ils attribuent à un sentiment de malaise à l'égard des soins psychiatriques en général, et à un manque de connaissances et de confiance en eux". Les soignants psychiatriques reconnaissent volontiers l'insuffisance de leurs compétences en matière de soins "somatiques" (= "non-psychiatriques"). Il ressort de l'enquête qualitative que "de nombreux hôpitaux psychiatriques font appel à des médecins généralistes pour s'occuper de la santé somatique de leurs patients, mais le financement actuel de cette fonction est insuffisant". Le personnel infirmier est également en nombre insuffisant pour pouvoir gérer les soins somatiques des patients psychiatriques. De quoi les patients psychiatriques souffrent-ils le plus? Les maladies cardiovasculaires et apparentées sont les plus fréquentes: un patient sur trois présente de l'hypertension, d'obésité ou de syndrome métabolique (combinaison d'hypercholestérolémie, d'hypertension artérielle, de surpoids, en particulier au niveau de l'abdomen, et d'hyperglycémie), trois facteurs de risque cardiovasculaires majeurs. Le diabète se développe chez un patient psychiatrique sur dix en moyenne. Ces risques plus élevés que dans la population générale "résultent de la combinaison du manque d'activité physique, d'une alimentation déséquilibrée, du tabagisme et des effets secondaires des médicaments psychiatriques, connus pour entraîner une prise de poids et du diabète". D'autres maladies physiques fréquentes chez les patients psychiatriques sont l'épilepsie, les atteintes hépatiques, la bronchite chronique et l'asthme. Quelle est la conséquence quantifiable de cette différence de traitement envers les patients psychiatriques? Leur espérance de vie est nettement réduite - de 13 à 30 ans - par rapport à la population générale. Quelles sont les recommandations du KCE pour remédier à cette situation? En voici quelques-unes qui surnagent: - La dichotomie entre soins psychiatriques et somatiques "est une conception ancienne qui doit être abandonnée".- Il faut "adapter au contexte belge" les guidelines internationaux relatifs à la prise en charge en milieu hospitalier de la santé somatique des personnes atteintes de maladie mentale. Ce guideline belge "devra prévoir les interventions à réaliser lors d'une visite médicale à l'admission et pour le suivi des effets secondaires des médicaments prescrits pendant toute la durée de l'hospitalisation". Il faut prévoir des activités visant à réduire les facteurs de risque de maladies somatiques, "notamment un suivi diététique pour tout patient prenant des médicaments psychiatriques ainsi qu'un programme de désaccoutumance tabagique". Il faut envisager des consultations sur la santé sexuelle (MST et contraception), les vaccinations pertinentes, ou le dépistage des cancers du côlon, du sein et du col de l'utérus, etc. -Prévoir, pour chaque institution psychiatrique "au moins un médecin généraliste au sein de l'équipe psychiatrique pour fournir des soins somatiques aux patients". Dans les hôpitaux généraux, ce rôle pourrait être tenu par un interniste, ou une fonction de 'liaison somatique' pourrait être créée (en miroir à la fonction existante de liaison psychiatrique) voire un infirmier coordinateur. - Ouvrir, pour chaque patient, un dossier médical "somatique" (informatisé) intégré au dossier psychiatrique. Lors de toute hospitalisation, ce "DMSI" "permet d'identifier et de contacter le médecin traitant du patient pour un partage des données médicales".- Organiser "systématiquement une consultation de préparation à la sortie et communiquer un rapport de sortie et un plan de suivi ultérieur aux prestataires extérieurs de première ligne". Ce rapport de sortie doit également récapituler "l'ensemble des évaluations (psychiatriques et somatiques) effectuées au cours du séjour du patient". - Proposer une offre de formations continues en soins somatiques à tous les médecins, infirmiers, éducateurs et autre personnel soignant travaillant en psychiatrie et les encourager à y participer. - Réviser la collecte de données du résumé psychiatrique minimum (RPM) "de manière à les rendre plus exploitables et utilisables pour l'élaboration d'indicateurs de recherche". - Le financement des hôpitaux psychiatriques devrait "faire l'objet d'un examen particulier dans le cadre de la réforme en cours du financement des hôpitaux".