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Cela commence à faire beaucoup. Déjà mis en doute pour son efficacité moindre par rapport à ses concurrents, puis ses retards de livraison, le vaccin de la firme anglo-suédoise doit aujourd'hui faire face à une nouvelle polémique, autour cette fois d'un lot de vaccins (ABV2856) qui provoqueraient davantage d'effets secondaires, notamment de phénomènes thromboemboliques. Il s'agit pour l'heure de doutes. La majorité des pays restreignant l'accès au vaccin recourent d'ailleurs au "principe de précaution". Mais quelle que soit l'issue du problème, ce nouveau couac autour du vaccin AstraZeneca (AZ) risque d'une part de ralentir la cadence de la vaccination au sein de l'UE, mais surtout de semer le doute dans la tête des hésitants vaccinaux. Début de semaine dernière, l'Autriche a annoncé avoir cessé d'administrer un lot de vaccins produits par AstraZeneca, après le décès d'une infirmière de 49 ans qui a succombé à de "graves troubles de la coagulation" quelques jours après l'avoir reçu. Quatre autres pays européens, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie et le Luxembourg, ont suspendu dans la foulée les vaccinations avec des doses provenant de ce lot, livré dans 17 pays et qui comprenait un million de vaccins. Mercredi dernier, une enquête préliminaire de l'Agence européenne des médicaments (EMA) a souligné qu'il n'existait aucun lien entre le vaccin AZ et le décès survenu en Autriche. "En date du 9 mars, seulement 22 cas de thromboses avaient été signalés pour plus de trois millions de personnes vaccinées dans l'espace économique européen." L'EMA en conclut que les avantages du vaccin AZ continuent de l'emporter largement sur les risques, mais examinera plus en détails tous les cas de caillots sanguins signalés ainsi que le lot spécifique de vaccins qui ont été administrés. Le lendemain, le Danemark met néanmoins sur la table "des rapports de cas graves de formation de caillots sanguins chez des personnes qui ont été vaccinées"; des faits similaires donc à ceux constatés plus tôt dans la semaine en Autriche. Le pays a donc suspendu, par précaution et jusqu'à nouvel ordre, l'utilisation du vaccin AZ. La décision du Danemark a eu un effet domino sur les gouvernements les plus prudents. C'est ainsi que les autorités sanitaires islandaises ont suspendu l'administration de doses AstraZeneca dans l'attente d'éclaircissements de la part de l'EMA. Même son de cloche en Norvège. En Italie, l'Agence nationale des médicaments a quant à elle interdit le lot du vaccin incriminé à travers le pays, par précaution. Le Piémont a été plus loin, en suspendant provisoirement l'administration du vaccin AZ, après la mort d'un enseignant vacciné. La Bulgarie, l'Irlande, la France, l'Espagne, les Pays-Bas et l'Allemagne ont pris le même chemin. Tous invoquent le principe de précaution, mais aussi l'enjeu de coordination européenne derrière la campagne de vaccination. Certains estiment également que d'autres examens sont nécessaires concernant le vaccin AZ. C'est dire si les résultats de l'enquête menée par l'EMA, qui devraient tomber aujourd'hui, sont attendus par les autorités européennes. AstraZeneca a réagi à la décision danoise dans un bref communiqué. La firme défend la sécurité de son produit. Le gouvernement britannique a également défendu le vaccin développé par le laboratoire britannique, le jugeant "sûr et efficace", et assurant qu'il resterait utilisé au Royaume-Uni. Les Britanniques sont certainement bien placés pour parler du vaccin, puisque le Royaume-Uni est le pays d'Europe le plus durement touché par la pandémie avec près de 125.000 morts, mais aussi le pays le plus avancé dans la vaccination avec plus de 22 millions de personnes ayant reçu une première dose, dont dix millions de doses AstraZeneca. "Nous commençons à voir les résultats du programme de vaccination, nous observons une (réduction) du nombre de cas, de décès et d'hospitalisations dans tout le pays", explique le gouvernement britannique. La Belgique a fait le pari de suivre le pas anglais, et d'être à la marge de ses partenaires européens. "Sur la base des données disponibles, il ressort que le vaccin AZ est un bon vaccin, sûr et efficace. Il réduit de 94% le risque d'hospitalisation des personnes atteintes d'une infection. Les avantages pour la santé publique l'emportent largement sur les inconvénients", estime la Task force vaccination qui s'appuie sur l'avis du Conseil supérieur de la santé, qui estime également qu' "une suspension même provisoire de cette vaccination ne pourrait qu'avoir des effets néfastes sur la vaccination Covid-19 en général". Effectivement, le pays peut-il se permettre de prendre une semaine de retard dans la vaccination à l'aube d'une troisième vague? En attendant, la population belge, elle, se retrouve quelque part otage de cette décision. Car la confiance des autorités en l'AstraZeneca n'est pas forcément partagée par la population. Le report de la vaccination est une possibilité, mais ce n'est évidemment pas ce que désirent les autorités. "Si des personnes ne veulent pas se faire vacciner, ils peuvent annuler leur rendez-vous en attendant les résultats de l'enquête de l'EMA ou l'arrivée d'un nouveau vaccin. Mais lorsque l'on regarde les effets de la vaccination notamment en MR-MRS, la balance bénéfices/risques est clairement positive", rapporte Inge Neve, responsable du Service de l'inspection de l'hygiène de la Commission communautaire commune (Cocom). De plus, si une personne refuse un rendez-vous, il y a de fortes chances qu'elle ne retrouve pas une place dans un centre de vaccination rapidement. Attendre est donc risqué. À Bruxelles, les personnes âgées semblent faire confiance aux autorités. "42 personnes ont annulé leur rendez-vous vendredi dernier. Ce n'est pas beaucoup plus que d'habitude. Il y a par contre eu davantage de 'no show' que les jours précédents. Mais pour l'instant, la situation est bonne."