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Installé devant la mer, la vraie et celle de l'inconscient de ses patients, Simon Lhumain est bien décidé a quitté enfin pour quelque temps les rivages de l'analyse des autres pour se consacrer à la sienne. Pas une thérapie en soi et en lui, plutôt un laisser-aller, un laisser porter par le courant de son propre inconscient et faire revenir peu à peu à la surface de sa pensée le traumatisme adolescent d'une trahison, d'une déception amoureuse et d'une disparition. Départ pour une île nippone, pour un retour à la vie d'avant la langue, puisque Simon ne comprend ni ne parle japonais ; il se mire dans la contemplation de la vie de ses hôtes, un vieux couple irradiant de sérénité, amoureux et aimant, vie dédiée à la poterie pour Daisuke et la recherche textiles précieux pour Akiko: deux pratiques tactiles, organiques, où la recherche d'épure fusionne avec la quête de la beauté dépouillée. Jeanne Benameur signe un roman d'une écriture élaguée, limpide, loin de l'emphase parfois bourdonnante de son livre précédent, dans un style qui évoque la simplicité délicate d'Aki Shimazaki, auteur japonaise écrivant en français. La quête de Simon (que l'on imagine avoir les traits du psy de la série En thérapie) s'ébroue de la complexité des jugements pour mettre enfin corps et esprit en accord: un récit qui rappelle l'évidence de Smoke, le film de Wayne Wang. Et si le psychanalyste veut voir "la vie plus inventive que les romans", la démiurge qui l'imagine est parvenue dans son propos et son écriture à transposer aux mots l'art textile du mingei tout en secouant Lhumain... en chacun de nous.