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L'obligation dans laquelle se trouvent les États d'enrayer la pandémie du Sars-Cov-2 a replacé la pratique de la vaccination à la une des différents médias, et ce à l'échelle planétaire. Certes, les vaccins modernes, en particulier ceux à ARN(2), sont par leur perfection technique bien éloignés des désensibilisations antiques (mithridatisation), des premiers succès contre la variole (dus au médecin écossais Jenner) ou des réussites thérapeutiques de Louis Pasteur (lequel vaccine contre le choléra des poules et la rage). Ils n'en mobilisent pas moins les mêmes notions fondamentales, tels que la mémoire et la spécificité notamment. Le traité commence par rappeler la distinction entre l'immunité innée et l'immunité adaptative. L'immunité innée est constituée par les mécanismes de défense généraux et aspécifiques contre les quatre catégories de germes pathogènes connus (les virus, les bactéries, les champignons et les parasites). Elle est constituée par les barrières anatomiques et chimiques ainsi que par des cellules issues de la lignée myéloide, telles que notamment le progéniteur myéloide commun, les macrophages, les granulocytes, etc. L'immunité adaptative est liée aux lymphocytes, une classe particulière de leucocytes, dont il existe deux types: les B et les T. Chacune de ces classes contient par ailleurs plusieurs sous-types aux propriétés spécifiques. Les lymphocytes réagissent, selon des mécanismes très complexes, à toute irruption d'un antigène, quel qu'il soit, dans l'organisme. Ce second type d'immunité intègre les deux concepts fondamentaux que sont la mémoire (pages 12, 446 et 473-484) et la spécificité (page 752). Sur le plan cellulaire, l'immunité adaptative intègre la théorie clonale de Burnet (Prix Nobel de 1960), approfondie par Tonegawa (Prix Nobel en 1987), qui découvre le mécanisme génétique de la démultiplication des sites de reconnaissance des épitopes à partir d'un nombre réduit de gènes. Cette nouvelle édition du traité d' Immunobiologie de Janeway est, comme les précédentes, divisée en cinq parties et 16 chapitres. La première partie est une introduction générale à l'immunobiologie dont elle expose les notions fondamentales. La deuxième partie aborde l'un des aspects les plus fascinants de l'immunité, à savoir la capacité des organismes biologiques à discriminer entre le Soi et le Non-Soi(3). Cette propriété renvoie à une énigmatique correspondance entre le code génétique et le monde extérieur qui s'est constituée durant le temps de l'évolution. C'est également dans cette partie qu'est exposée la fonction du complexe majeur d'histocompatibilité ou CMH (pages 231-250), qui exprime les molécules du self, sans lesquelles les lymphocytes T sont inefficaces (c'est le phénomène de restriction, pages 140 et 237). Chaque lymphocyte, qu'il soit B ou T, exprime un récepteur unique sur lequel vient se fixer l'antigène correspondant, présenté par les cellules du système lymphoïde. Cette fixation de l'épitope à son récepteur induit une série de transformations grâce à des signaux intracellulaires qui orientent in fine la machinerie cellulaire vers la synthèse de diverses protéines. Ainsi armés, les lymphocytes deviennent effectifs. La description de cette maturation lymphocytaire fait l'objet de la troisième partie. Dans la quatrième partie, les auteurs exposent les différentes modalités ainsi que les mécanismes moléculaires impliqués dans la réponse immunitaire adaptative. La dernière partie présente les différents dysfonctionnements du système immunitaire (les échecs des mécanismes de défense, l'allergie et les maladies allergiques, l'auto-immunité). On notera également l'exposé des principes fondamentaux de l'immunothérapie des cancers qui a désormais pris sa place dans l'arsenal thérapeutique oncologique (pages 716-729). Enfin, la boîte à outils permet au lecteur de s'introduire dans les principales techniques utilisées en immunobiologie (pages 759-815). L'immunobiologie est la discipline centrée sur la distinction entre le Soi moléculaire, propre à chaque organisme singulier dans une espèce, et le non-Soi, c'est-à-dire tout ce qui est extérieur à tel vivant individuel. La notion de soi renoue avec la tradition spéculative qui s'est nouée en Occident depuis "Platon-Aristote" autour du concept d'individu. Le self est ainsi un des lieux privilégiés pour problématiser un des concepts fondamentaux de la tradition métaphysique occidentale. On peut distinguer deux facettes à la notion de Self. La première est quantitative. Elle consiste en l'intégrale des déterminants propres à un individu déterminé au sein de son espèce. Les systèmes les plus exemplatifs sont les différents systèmes de compatibilité des érythrocytes (ABO, Rhésus, Kell, etc.), le système majeur d'histocompatibilité (HLA) et les systèmes mineurs d'histocompatibilité. Ils n'épuisent cependant pas l'intégrale des déterminants individuels. D'une manière générale, cette variabilité est majorée par l'existence des gènes sous une forme multi-allélique. Cette dimension quantitative est accessible à la raison scientifique faite d'expérimentations à travers des modèles in vitro et d'observations. La seconde facette est qualitative. Le Self est toujours celui d'un organisme, défini comme une unité de structures et de fonctions. Or, cette unité est de soi inaccessible à la rationalité biologique. Elle peut être postulée, elle est non expérimentable au sens scientifique du terme. La raison scientifique est ainsi bornée par des impasses d'ordre métaphysique. Inversement, la rationalité métaphysique, qui porte sur les concepts fondamentaux en lesquels l'être se décline, échoue à penser le réel concret, de par sa nature même. C'est son aporie irréductible. Il revient à une philosophie moderne de la nature à médiatiser cette double aporie, celle de la raison scientifique et celle de la raison métaphysique, la congruence de ces deux raisons étant une découverte de la raison pure à travers l'analyse de certains concepts fondamentaux. La dernière édition du traité d' Immunobiologie de Janeway fait le point sur les connaissances actuelles en immunobiologie, cette discipline qui étudie les mécanismes par lesquels un organisme biologique reconnaît et détruit les agents pathogènes à travers un jeu d'interactions extrêmement complexe. En effet, l'immunologie est " l'étude de la défense de l'organisme contre les infections." (page 1), ou, sur un plan biologique plus fondamental, elle explore l'énigmatique capacité à discriminer entre le "self" et le "non-self". Richement illustré, pourvu de figures synthétisant les passages complexes et de résumés, ce livre s'adresse aux médecins et étudiants en sciences de la vie désireux d'approfondir leurs connaissances en immunobiologie. Un index des chercheurs et un glossaire complètent utilement l'ouvrage. Signalons enfin l'accès à la version numérique de l'ouvrage grâce à un code individuel.