...

La donation des biens immobiliers est plus lourdement taxée que la donation des biens mobiliers (actions, cash, etc.). En effet, la transmission de ces premiers biens à vos enfants est soumise à des droits d'enregistrement qui sont liquidés au taux des droits de succession, alors que la donation de biens mobiliers échappe à toute taxation, à moins que les parties ne veuillent échapper à la règle des trois ans.Cette règle prévoit que la donation d'un bien de moins de trois ans avant le décès du donateur oblige l'héritier à intégrer cette donation dans la déclaration de succession du défunt et de soumettre sa valeur aux droits ordinaires prévus par le Code des droits de succession. Le paiement anticipé d'un droit réduit via l'enregistrement de la donation permet d'échapper à cette règle, même si elle est enregistrée quelques heures seulement avant le décès du donateur.En revanche, cette règle n'est pas applicable aux donations immobilières qui doivent nécessairement être constatées par un acte notarié. La donation d'un bâtiment de moins de trois ans avant le décès du donateur, obligera donc son héritier à intégrer cette donation dans la déclaration de succession et de payer éventuellement des droits complémentaires.Les droits de succession sont taxés différemment dans les trois régions et selon le lien de parenté entre les parties, afin de ne pas surcharger ces lignes, nous n'en reproduisons que les taux en ligne directe. Notez également que les possibilités d'abattements et les règles spécifiques sont nombreuses et en tout état de cause, que le tarif de la donation d'un bien meuble qui est soumis à l'enregistrement est nettement moins élevé que celui appliqué à la donation de biens immeubles (voir ci-dessous).Cette disparité dans les taux pousse certains à apporter leurs biens immobiliers de les acquérir directement à une société immobilière. Cette solution a pour effet de changer radicalement la structure de leur patrimoine puisque les biens leur appartenant deviennent la propriété d'une société dont ils possèdent les parts.L'apport ou l'achat d'immeubles à une société patrimoniale pose de nombreuses questions fiscales, mais nous nous attarderons uniquement sur l'aspect de la transmission de cette structure à la génération suivante.En effet un récent arrêt de la Cour d'appel de Gand du 17 décembre 2019 tranche la question de savoir si un couple qui apporte des immeubles à une société et réalise ensuite une donation à ses enfants trois jours avant le décès du mari ne constitue pas un abus fiscal.Les différents codes fiscaux autorisent l'administration fiscale à sanctionner les comportements qui respectent la loi, mais en trahissent l'esprit, ce que les praticiens appellent " l'abus fiscal ". Dans cette affaire, l'administration fiscale a considéré que l'apport d'immeubles dans une société suivie de la donation constituait une unité d'intention visant à échapper au taux progressif par tranche fixé par le Code flamand.Étonnamment, la Cour s'est rangée à l'avis de l'administration fiscale et a considéré que la rupture de la progressivité des droits constitue bien un abus fiscal, le contribuable n'étant sauvé que par les motifs subjectifs qui ont conduit le couple à réaliser cet apport en société. En effet, pour que la disposition antiabus soit écartée, il faut pouvoir démontrer que l'opération répond à d'autres motifs que des préoccupations purement fiscales.La Cour s'appuie sur plusieurs motifs plaidés par les contribuables. La constitution d'une société répondit selon eux à une volonté de conserver l'ensemble du patrimoine au sein de la famille. Il importe de préciser à ce sujet que le couple avait inscrit une clause de fidéi-commis de residuo à charge de la fille gratifiée, c'est-à-dire que la fille devait léguer les parts de la société (ou ce qu'il en reste) à sa propre fille à son décès.Les parents avaient également scindé leur patrimoine entre, d'une part, les immeubles professionnels dont ils étaient propriétaires et qu'ils avaient apportés à la société et, d'autre part, les biens privés dont ils étaient propriétaires, mais qui n'avaient pas étés apportés et représentaient une valeur importante (une habitation propre, une ferme et un château).La Cour relève que l'apport en société répond à des motifs non-fiscaux tels que la limitation de la responsabilité qu'offre la personnalité juridique de la société et la possibilité pour la société de déduire les frais de rénovation et d'investissement réalisés sur les immeubles apportés, ce que ne peut pas faire un contribuable qui détient des immeubles à titre privé.La Cour souligne également que les immeubles étaient toujours la propriété de la société dont la fille était titulaire de l'ensemble des parts lors de l'audience de plaidoirie et que par conséquent, l'opération reposait sur des motifs non-fiscaux et constituait donc une opération parfaitement valable échappant à la disposition anti-abus.Cet arrêt nous apprend que l'administration considère que l'apport de biens immobiliers à une société suivi immédiatement d'une donation est un abus fiscal et que la jurisprudence tend à lui donner raison. Même si nous estimons qu'une telle position est contestable, il convient de relever que la quasi-totalité de ces opérations répondent à des motifs non-fiscaux de structuration du patrimoine, de maintien de celui-ci dans le giron familial ou encore de motifs économiques puisque les sociétés peuvent déduire les investissements qu'elles réalisent contrairement aux particuliers qui relèvent d'un régime de taxation forfaitaire.Nous pensons donc pouvoir affirmer sans hésitation que ce type de construction juridique doit encore pouvoir trouver une place de choix auprès de celles et ceux qui souhaitent restructurer leur patrimoine en vue de le donner à leurs enfants.