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Le journal du Médecin: L'accès aux soins est-il suffisant en Belgique? Dr Jean-Luc Belche: Cela dépend. Accès à quel type de soins? Concernant les soins de base, je pense qu'il y a des possibilités d'accès facilitées, grâce à la couverture universelle et aux mutuelles notamment. Après, il faut reconnaître que pour les gens qui ne peuvent bénéficier de cette couverture et qui dépendent de l'aide médicale urgente, il y a des obstacles administratifs. En découlent des patients qui baissent les bras. Même si notre système est accessible, il reste donc des patients pour qui les dépenses en soins de santé sont importantes, ce qui justifie des reports de soins. Est-ce que la précarité des patients s'accroît? Oui, d'autant plus ces derniers temps avec la crise énergétique et la guerre en Ukraine. L'endettement des patients augmente, ce qui les oblige à moins bien manger, à moins se chauffer, avec un impact évident sur la santé. Est-ce que les médecins sont suffisamment sensibilisés? Je n'ai pas d'éléments tangibles sur lesquels me baser. Mais a priori, faiblement. Par exemple, nous sommes peu formés et nous avons peu connaissance des impacts financiers de nos actions. L'élément coût pour les patients est un élément important, même s'il n'impacte pas tout le monde de la même manière. Indépendamment de l'impact financier des soins de santé, il faut également s'intéresser au contexte socio-économique du patient. Par exemple, le facteur transport est banalisé, pourtant, c'est un élément important. Est-ce que le patient sait venir en consultation? Peut-il facilement payer une prise de sang? Ce sont des questions importantes auxquelles il faut être sensibilisé, d'autant plus en Wallonie, une des régions les plus pauvres d'Europe. Prendre en charge un patient précaire demande plus de temps. Effectivement, c'est démontré dans la littérature. La précarité a un impact sur la santé du patient évident, qui "vieillit" plus vite. Les maladies chroniques et les multimorbidités apparaissent 10-15 ans plus vite. Le même delta existe concernant la mortalité. On a donc souvent beaucoup de maladies à traiter avec moins de moyens d'actions. Il y a, en outre, souvent des problèmes de littératie en santé. Quelles solutions suggérez-vous pour mieux soigner les patients en situation de pauvreté? Il faut faire de la prévention. Il faut donner des moyens à la population de vivre mieux afin qu'elle tombe moins malade. Il convient également d'avoir une attention dans toutes les politiques de santé pour ne pas défavoriser les plus précarisés et éviter une politique des soins inversés où ceux qui en ont le plus besoin sont ceux qui en ont le moins l'accès. On ferait des économies en réfléchissant à des politiques d'accès aux soins et de prévention plus incisives et concentrées sur les patients qui consultent le plus et qui occasionnent plus de dépenses de soins. Ce sont bientôt les Assises de la première ligne en Wallonie, est-ce qu'il y a une attention particulière à avoir dans ce domaine? C'est indispensable car la Wallonie n'est pas riche. Et il y a moyen de faire beaucoup mieux que ce qu'on fait actuellement avec des moyens réduits. Le Portugal, par exemple, a un système de soins avec un accès beaucoup plus équitable, avec des dépenses par habitant plus faibles que chez nous et des résultats probants.