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Actuellement le Groupe Jolimont n'est pas touché par la forte augmentation des prix du gaz et de l'énergie. "Je suis d'un naturel prudent et j'avais négocié un taux fixe jusqu'au 31 décembre 2023, au plus bas des prix durant la crise sanitaire. Nous avons fixé les prix avec les équipes de production et de gestion des coûts" se réjouit Bruno Lefebure, directeur financier, des opérations et du patrimoine du groupe hospitalier privé. Et de souligner qu'il est plus difficile pour un hôpital que pour un particulier de prendre des mesures pour réduire sa consommation de gaz et d'électricité. "Le Groupe Jolimont c'est 144.000 m2 et 45.000 mégawatts", résume Bruno Lefebure. "Cela représente une consommation moyenne de 315 kilowatts par m2 par an. Sur une échelle PEB, nous nous situerions en D. Ce n'est pas terrible. Le problème c'est que même si nous parvenions à transformer nos bâtiments en immeubles passifs, nous obtiendrions seulement le score C parce que l'énergie est surtout utilisée pour faire fonctionner nos équipements médicaux, pas pour chauffer les locaux. Rappelons que dans un hôpital, on ne peut pas couper la lumière la nuit, éteindre les machines... Tout fonctionne 24H sur 24, sept jours sur sept et 365 jours par an."Le directeur financier estime qu'une erreur du secteur hospitalier a été de miser énormément sur la cogénération, en décidant de transformer le gaz en électricité grâce à des turbines. "En hiver c'est pratique, mais en été, il faut utiliser l'électricité produite pour refroidir le bâtiment dans lequel la température est trop élevée", commente l'ancien directeur financier du Groupe Chirec qui précise que des solutions alternatives existent. "Lors de la construction du site Delta, il a été prévu d'exploiter de la géothermie, d'utiliser des matériaux blancs comme revêtement pour réfléchir la lumière..."Bruno Lefebure est certain qu'à l'avenir la consommation électrique des hôpitaux va encore augmenter. "Il va falloir, par exemple, prévoir des bornes de recharge pour les travailleurs et les visiteurs qui viennent à l'hôpital en voiture électrique. Même en isolant mieux les hôpitaux, ils ne vont atteindre le zéro énergie."Quid des panneaux photovoltaïques? Le directeur financier a calculé qu'il faudrait installer 180 panneaux solaires sur 720 villas quatre façades, soit 129.600 panneaux, pour produire l'électricité dont le Groupe hospitalier Jolimont a besoin chaque année. "Ces chiffres montrent la complexité du shift d'une énergie classique a une énergie verte. Il faut équiper les hôpitaux de panneaux solaires, de panneaux thermiques, d'installations de géothermie, mais vu l'ampleur de la consommation il faut plutôt prévoir des éoliennes. Les solutions ne viendront pas que des hôpitaux mais aussi des fournisseurs d'énergie qui pourront exploiter le fait que nos institutions consomment de l'électricité également durant la nuit. Les hôpitaux peuvent réduire leur consommation d'énergie classique durant la journée grâce aux énergies solaire et éolienne."D'un point de financier, cet expert du secteur rappelle que les hôpitaux ne déterminent pas leurs revenus puisque les honoraires des médecins sont fixés dans le cadre de l'accord-médico-mut et que le taux de croissance du budget de la santé (2,5%) est déterminé par le gouvernement. "Or, nous devons faire face à une inflation qui tourne autour de 10%. Le Budget des moyens financiers est indexé, ce qui couvre, avec retard, l'indexation du personnel à charge du BMF. Le problème se situe au niveau des honoraires médicaux, qui ont été indexés en janvier 2022 de 0,73% et, depuis juin, à 2%. Or, pour le personnel qui est à charge des honoraires médicaux, l'indexation est de 10%. Où les hôpitaux vont-ils trouver l'argent pour payer ce différentiel? Les hôpitaux en bonne santé peuvent utiliser leurs réserves, ceux qui étaient juste à l'équilibre doivent emprunter de l'argent, les autres vont droit dans le mur... On peut aussi réduire les coûts, mais le personnel soignant vient d'être mis sous pression durant deux ans, nous n'allons pas l'obliger à travailler plus pour augmenter notre productivité." Bruno Lefebure a estimé que l'impact de l'indexation des salaires, en raison de l'inflation, devrait coûter au Groupe Jolimont quatre millions d'euros pour 2022 et quatre millions en 2023. "L'État va devoir aider les hôpitaux à supporter la hausse du prix de l'énergie et l'augmentation des salaires. Il faut réinjecter un milliard d'euros dans le secteur hospitalier, au risque de connaître des faillites et de voir les "bons" élèves de l'étude Maha (un rapport annuel de Belfius qui évalue la santé financière des hôpitaux, NDLR) se retrouver dans le groupe des hôpitaux qui sont juste à l'équilibre. Pour les autres, ce sera Koh-Lanta! Certains vont tomber! Il y a des vrais choix politiques à faire. Les hôpitaux ont été aidés à hauteur d'un milliard par an durant la crise sanitaire. Cela doit continuer durant cette période d'inflation et de crise énergétique."Selon les données de l'AIM les hôpitaux ont perdu 10% de leur activité (et donc la facturation correspondante) et les moyens existent donc pour aider le secteur sans devoir alourdir le budget de l'État.