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Une enquête menée auprès de tous les membres de la FAGC entre mai et septembre 2022 a servi de point de départ à la discussion. Cette étude, qui a récolté 40% de répondants parmi les 410 médecins du cercle, compte une participation massive de jeunes médecins. "Le but était d'objectiver les perspectives d'avenir sociodémographiques de la médecine générale à Charleroi dans le contexte d'une évolution du contingent qui ne fait que diminuer. Et de là, élaborer des pistes de solutions pour maintenir une qualité de soins optimale et la continuité des soins", explique le Dr Jean-Stéphan Rochet. À Charleroi, 32% des généralistes travaillent encore en solo, 23% travaillent en groupes monodisciplinaires et 43,3% travaillent en associations pluridisciplinaires. La FAGC ne représente pas que la ville de Charleroi, mais aussi les communes limitrophes. On retrouve donc, dans les pratiques, 43% d'urbain, 40% de semi-urbain et 17% de rural. 70% des médecins travaillent à l'acte, contre 30% au forfait. La FAGC a également réfléchi à plus long terme et constate que le contingent est bien en diminution. D'ici cinq ans, 56% des répondants travailleront encore en activité complète. Un chiffre qui tombe à 34% d'ici dix ans. Dans dix ans, il y aura 30% de répondants pensionnés, contre 11% dans cinq ans. La plupart des médecins, que ce soit dans cinq ou dix ans, annoncent qu'ils vont réduire leur activité. "Si l'on se projette dans dix ans, il faut renouveler 152 médecins sur 410 médecins. Cela veut dire 258 médecins encore en activité, dont 51% qui annoncent travailler en activité réduite", constate le Dr Rochet. "Les médecins aspirent à lever le pied. Il faut donc non seulement renouveler le nombre de médecins, mais aussi changer notre manière de pratiquer."Enfin, dernier point, et non des moindres, soulevé par l'enquête: 70% des médecins se disent à saturation et devoir limiter le nombre de patients. Cette limitation est indépendante de l'âge du médecin. Sur base de ces résultats, la FAGC a organisé quatre ateliers de réflexion, sur la mutation démographique, la collaboration, la garde et les fonctions du généraliste de demain. Il apparaît d'abord qu'il faut travailler sur la communication entre les médecins. "Diverses générations sont amenées à collaborer, parfois avec des attentes différentes. Il est donc important de dialoguer entre nous. Nous sommes à un changement de paradigme, notamment au niveau de l'équilibre vie privée/vie professionnelle. Un changement qui ne se fait pas au détriment de l'engagement professionnel", rassure Jean-Stéphan Rochet. "Il faut également songer à l'avenir, et donner des perspectives aux jeunes généralistes qui ne resteront sans doute pas toute leur carrière au même endroit. La pratique change également avec la patientèle qui a évolué. On se dirige davantage, aujourd'hui, vers des consultations aiguës chez un généraliste et des consultations chroniques chez son généraliste. En conclusion, la question du sens du travail se pose davantage."Autre problématique soulevée: la continuité des soins. "Beaucoup de médecins sont à saturation", rappelle le généraliste carolorégien. "Cela crée des tensions, un sentiment de culpabilité. Cette limite de patientèle est un stress pour tout le monde, et impacte notamment l'équilibre avec la vie privée."Assurer la continuité des soins passe également par la garde. Une garde qu'il faut dynamiser. "La garde constitue peut-être un appel d'air pour les patients qui sont soit sans généraliste, soit qui n'ont pas pu obtenir une réponse dans la journée. Se pose également la question des délais de réponse." Le Dr Patrick Jadoulle, président de la FAGC et du service de garde, d'ajouter: "La garde allait de soi il y a 30 ou 40 ans. Aujourd'hui,c'est un repoussoir pour les jeunes générations. Il faut qu'elle soit moins lourde à gérer. Il faut que le tri 1733 soit mis en place également à Charleroi, ce qui n'est pas le cas actuellement, car Charleroi a une population trop importante. Au-delà, il faut un système de régulation central tant pour la garde que les urgences. Il faut réfléchir à une manière cohérente et globale de réguler des demandes de soins non programmés."Pour renouveler le contingent de médecins généralistes, il faut enfin, pour la FAGC, diverses aides à l'installation. "Il faut mettre des locaux à disposition des jeunes médecins. Il faut les inclure dans les discussions interdisciplinaires et prendre en considération les attentes de chaque génération. Le parrainage, la qualité des lieux de stage méritent également une réflexion. Il faut un suivi pour les maîtres de stage. Il faut avoir un système de garde attractif. Il faut, au niveau de l'université, expliquer les enjeux de la médecine générale, le contexte. Il faut promouvoir la médecine générale dans les zones en pénurie", avance, pêle-mêle, Jean-Stéphan Rochet aux élus locaux présents dans la salle. Patrick Jadoulle en remet une couche: "Charleroi n'est pas un endroit très attractif pour les gens qui ne connaissent pas la ville. Par contre, pour les gens qui y ont vécu, oui. Il faut donc soutenir les rhétoriciens de Charleroi qui souhaitent entamer des études de médecine. Et si l'on veut qu'il y ait des généralistes à Charleroi, il faut qu'ils aient envie d'y travailler, mais aussi d'y vivre. Il faut donc redynamiser la ville. Beaucoup de choses peuvent être faites. Il faut réinventer Impulseo également, réfléchir d'une autre manière l'aide à l'installation.""Il est absolument nécessaire de rééquilibrer les forces vives entre médecine générale et médecine spécialisée. Il y a beaucoup trop de médecins spécialistes et pas assez de généralistes dans notre pays. Il y a beaucoup de moyens financiers qui vont à la médecine spécialisée et trop peu en médecine de première ligne. Il faut donc former plus de médecins généralistes", conclut le président de la FAGC.