Une fois de plus, le Musée de la Photographie de Charleroi présente un quadriptyque d'expos temporaires aussi diverses qu'intéressantes.
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Le grand atelier de Witkin D'un père juif et d'une mère profondément catholique, Joel-Peter Witkin est marqué par la religion, présente dans ses sujets "martyrisés" et ses crucifixions. Son art érotique et provocateur évoque un Félicien Rops photographe ; d'ailleurs, ses mises en scène trahissent une nostalgie du 19e dans ses choix du noir et blanc, ses cadrages et ses tirages très "belle époque". Et en effet, sa provocation parait datée... Cent photographies sont montrées ici, pour autant de scènes grand-guignol pour rester dans la fin des années 1800, jouant du morbide, du mélange des genres et des sexes, assorties d'un humour macabre et de références à l'histoire de l'art: de Chirico aux natures mortes renaissantes (avec membres humains) en passant par les collages surréalistes, les odalisques à la Vélasquez et jusqu'à ses Ménines, Goya, voire un radeau de la méduse version George Bush. C'est que ce photographe atypique, à qui il faut entre six mois et un an pour réaliser une scène (à concevoir certainement, mais à imaginer on en doute, tant il verse dans la facilité), se veut avant tout plasticien: mais ses versions transsexuelles de la Vénus de Botticelli, des trois Grâces ou sa mythologie féminine facilement dévoyée, car à pénis (signe d'un manque de couilles? ), si elles évoquent Rops par le style et Andres Serrano par les sujets blasphématoires, oublient de faire apparaître un élément essentiel dans ses installations chocs, chics et tocs dont l'accumulation lasse: l'émotion. Autre référence à George Bush si l'on veut, le reportage effectué sous contrôle de mai 2014 à janvier 2015 par la photographe et avocate Debi Cornwall sur la base et dans la prison de Guantanamo, lieu de détention de terroristes présumés (sans avocats, chefs d'accusation ni procès). Ce qui n'est jamais dit dans les médias, c'est que cette base se situe à Cuba - en cas d'attaque ou de réplique terroristes, les dégâts collatéraux seraient pour les Cubains -, base louée dans la foulée de la guerre hispano-américaine en 1903 pour un siècle... Sauf que comme les Américains, l'une des parties, n'a pas dénoncé le contrat, ils restent. Fidel Castro a toujours refusé d'encaisser les 4.000 dollars (oui, oui) de location envoyés par l'administration américaine chaque année pour cette "occupation". Surveillée dans chacun de ces mouvements, ne pouvant filmer les soldats de face, la photographe est tout de même parvenue à tirer un portrait édifiant de l'endroit où les objets et les lieux "exécutent" les faits et gestes d'humains absents: de manière frontale, l'artiste expose une "chaise de nourrissage" à côté d'un clown Macdonald. Une pataugeoire où trône une énorme tortue en plastique flanque une aire de délaissement grillagée pour détenu qui ressemble à une fourrière, non loin d'un matelas sur lequel repose un tapis de prière devant lequel une flèche indique la direction de La Mecque. Plus sidérant encore, face aux flots bleus, trois militaires rasés, de dos bien sûr, s'offrent une pose cigarette tandis qu'un autre se repose sur un des transats: cela rappelle, bien sûr dans une moindre mesure, les aires de loisirs et les habitations des SS à côté des camps d'extermination. Guantanamo possède même son petit magasin, où l'on peut acheter t-shirts, peluches et même une statue d'un Fidel dodelinant de la tête. 780 détenus sont passés par Guantanamo depuis 2002 (vite envolées les promesses de fermeture d'Obama), deux ont été déclarés coupables, quarante y sont toujours détenus, 25 y sont emprisonnés indéfiniment sans chef d'accusation ni procès. Les libérés sont déportés dans les pays qui veulent bien les accueillir: l'auteure de ce Welcome to Camp America en a photographié quelques-uns de par le monde... toujours de dos: Mourad, Algérien français, est rentré en France ; un ancien détenu ouzbek se retrouve en Irlande ; un Australien d'origine égyptienne est de retour au pays du Nil. Les pays démocratiques ont raison de se montrer impitoyables avec les terroristes, surtout de manière impitoyablement... démocratique. Une révélation au révélateur: sur base de petits voyages en Belgique ou ailleurs, Peter Waterschoot ; dont c'est la première exposition, décrit une présence absente, une nostalgie mélancolique, une solitude magnifiée et nocturne à la Spilliaert voire à la Edward Hopper (un lampadaire oublié et irisé dans la nuit. Dans un style à la Dirk Braeckman sur plaque de dibond poudrées aux teintes nuancées, ses photographies ressemblent en effet à des peintures de Monet notamment, d'un luminisme sidéré à la Michael Borremans: d'une simplicité lumineuse, bien plus touchante et originale que l'oeuvre de Witkin. Dans un musée de la photographie situé à Charleroi, le travail du Gantois évoque aussi celui d'un pionnier carolo: un Léonard Misonne qui, au 19e siècle, aurait connu la couleur. Dans la galerie du Soir, le Luxembourgeois Bruno Oliveira, aux racines portugaises, propose avec Back to Neverland des portraits de "millennials", créant un pays imaginaire qui s'ouvre à la notion d'exil, de communautés et de voyages. Le tout sous la forme de poster de chambre d'ados, en bon Peter Pan.