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1. L'administration d'hydroxychloroquine a-t-elle un sens ? Probablement : la molécule agit à différents niveaux du cycle de reproduction du virus, notamment en modifiant le pH cellulaire, et peut-être en influençant la liaison du virus avec le récepteur de l'enzyme de conversion de l' angiotensine (ACE2). Toutefois, les essais précédents la crise du Covid-19 n'ont pas été concluants. 2. Que penser du Professeur Didier Raoult ? Il a certainement une fameuse personnalité ! Chacun reconnaîtra qu'il est un professeur reconnu, qu'il a un 'look' particulier et surtout qu'il est très convaincant quand il apparaît à l'écran.... Et qu'il souligne un peu trop le bénéfice potentiel de cette molécule. Son étude initiale qu'il prétend positive n'est en fait pas convaincante par le petit nombre de malades et l'exclusion dans le groupe traité de plusieurs malades qui tout simplement n'évoluaient pas bien... 3. Les études suivantes ? Elles ne sont pas plus concluantes, aboutissant à plusieurs éditoriaux (dont le nôtre dans le Lancet) mettant en évidence la faible éventualité d'un quelconque bénéfice. 4. Mais pourquoi pas ? Beaucoup ont argué que s'il existe une possibilité même très faible d'amélioration, pourquoi ne pas essayer un médicament qui n'est pas cher et qui a été largement utilisé dans la prévention de la malaria ? Il y a trois raisons pour cela : La première est que tout médicament a ses effets secondaires indésirables : Il existe clairement un risque d'arythmie cardiaque qui a pu entraîner des complications majeures chez certains, le risque pouvant être majoré par une atteinte myocardique d'origine virale. La deuxième est que la grande disponibilité du médicament a mené à une pénurie d'accès aux patients qui en ont vraiment besoin dans le traitement de leur affection rhumatismale. Les ventes ont explosé aux Etats-Unis après les déclarations fracassantes de Donald Trump ! La troisième et la plus importante est l'obstacle aux essais thérapeutiques dans le Covid-19,... y compris sur l'hydroxychloroquine elle-même ! 5.....et ces deux grandes études récentes ? Les résultats de deux grandes études observationnelles de près de 100.000 malades hospitalisés dans 671 hôpitaux dans le monde publiées l'une dans le New England Journal of Medicine, l'autre dans le Lancet, suggéraient non seulement un manque total de bénéfice mais aussi une possibilité d'augmentation de mortalité suite aux arythmies. Patatras ! La firme Surgisphère à la base de la collecte des données, est inconnue au bataillon, et suscite des interrogations... Cette petite firme, qui n'aurait que quelques employés parmi lesquels, dit-on, une actrice de films érotiques et un auteur de science-fiction, ne peut pas montrer la provenance des données... Les articles avaient été acceptés à la hâte, ce qui témoigne du caractère brûlant de la question. 6. A quand une étude prospective randomisée ! Bardaf, la voilà : Le 5 juin dernier, les résultats préliminaires d'une étude sérieuse -par ailleurs la plus grande étude thérapeutique dans le domaine du Covid-19 : l'étude Recovery du Royaume-Uni a pu inclure 1.542 patients randomisés pour recevoir de l'hydroxychloroquine et 3.132 pour recevoir le traitement standard. La mortalité était de 25.7% dans le premier groupe et 23.5% dans le second. Ces résultats ne sont pas encore publiés, mais sont cette fois sans conteste crédibles. 7. Peut-être dans les cas précoces ? On pourrait argumenter que l'efficacité du produit ne se retrouve plus quand la maladie est déjà installée. Que nenni ! Cette hypothèse est contredite par la négativité d'une étude prospective, randomisée publiée le 3 juin dans le New England journal of Medicine, portant sur 821 personnes ayant été exposés au virus. 8. Le plus mauvais argument ? : que la Belgique y a cru... et nous avons obtenu des bons résultats. Nous devons humblement reconnaître que nos taux de mortalité sont parmi les plus élevés du monde (Figure). Bien sûr il existe des problèmes de comptage... Mais vue de l'étranger, la Belgique reste mauvais élève.... 9. Et la suite ? D'aucuns ne seront jamais convaincus, car ils continueront à y croire envers et contre tout. Le contexte, la dose, le suivi, la prise du médicament avant ou après le repas, que sais-je encore... Nous devrons aujourd'hui accepter que même si l'hydroxychloroquine avait un bénéfice minime, celui-ci serait compensé par les risques d'atteinte cardiaque. 10. le plus gros problème ? Comme indiqué plus haut, les exigences des malades à recevoir de l'hydroxychloroquine au cas où ? ont conduit à des difficultés de l'étudier convenablement, et ont donc entretenu la saga que nous avons connue. L'administration de plasma de convalescents, d'anti-cytokines, d'anti-androgènes ou d'oestrogènes, ou même d'un anti-ulcéreux banal (la famitidine)... La liste est longue. Cette recherche doit se poursuivre... mais l'hydroxychloroquine n'est plus sur la liste.