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À l'incitation de sa femme, Hans Kluge a regardé "The Apprentice", un film sur la jeunesse de Donald Trump. "Mon épouse étant une intellectuelle russe d'un naturel critique, j'ai été stupéfait qu'elle m'emmène le voir." Elle m'a répondu: "Tu dois savoir d'où il vient et son mode de pensée pour pouvoir anticiper." L'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis peut avoir un énorme impact sur le fonctionnement de l'Organisation mondiale de la santé. "Il a des idées particulières sur le multilatéralisme et les Nations unies en particulier, mais aussi au sujet des programmes de prévention du VIH, des droits sexuels et reproductifs ainsi que de la protection de groupes fragiles comme les LGBTQI+."En 2020, Trump, toujours président des États-Unis, avait voulu quitter l'OMS. "Cela aurait d'énormes conséquences sur les programmes précités mais aussi sur le financement de l'OMS. L'Amérique est le principal donateur de notre organisation, avec 947 millions de dollars, soit 15% du financement total." Pourtant, Hans Kluge ne se fait pas trop de soucis. "L'Office régional de l'OMS a travaillé de manière proactive. Nous avons un plan B. Le covid-19 m'a appris que chaque crise s'accompagne de grandes opportunités. Je suis d'un naturel optimiste. Je tiens ce trait de ma mère, Lina De Keukelaere, qui était infirmière. En tant que directeur régional de l'OMS pour l'Europe, une région qui compte 53 États membres et qui subit deux guerres, j'ai appris qu'il faut essayer de pénétrer le cerveau de ceux qui ont des idées radicales."Durant l'année écoulée, la guerre à Gaza a été l'événement le plus impressionnant pour Hans Kluge. Il est horrifié "par les témoignages des enfants et des femmes de Gaza, qui subissent cette terrible violence comme par ceux des jeunes mères israéliennes qui ont été abusées sexuellement par le Hamas le 7 octobre 2023, sous les yeux de leurs enfants, obligés d'assister à cette boucherie satanique". "Cela ne souffre aucun doute: ce qui se passe actuellement à Gaza est totalement inacceptable. 70% des personnes tuées sont des femmes et des enfants. Il est crucial que l'OMS et les médecins ne choisissent pas de camp, si ce n'est celui du patient, du malheureux, de l'abandonné, de celui qui n'a pas de voix. Jusqu'à présent, je suis le seul représentant senior des Nations unies à s'être rendu en Israël depuis le 7 octobre 2023 et à avoir atteint la frontière de Gaza. J'y ai parlé à des victimes, à des prestataires de soins des hôpitaux locaux - le Hamas a également torturé et tué des médecins et des sages-femmes- et des proches des otages. Cela me donne un levier pour évacuer un maximum d'enfants de Gaza."Hans Kluge éprouve de la reconnaissance à l'égard de Frank Vandenbroucke (Vooruit), le ministre fédéral des Affaires sociales et de la Santé publique, et de Dirk Ramaekers (SPF Santé publique), qui se sont immédiatement déclarés prêts à accueillir des enfants atteints de cancer et d'autres maladies graves, évacués de Gaza. "Je suis fier de mon pays natal. Je travaille comme un fou, avec mon collègue responsable de l'est de la Méditerranée, pour évacuer le plus grand nombre possible de femmes et d'enfants de Gaza. Je suis choqué que seuls huit pays de l'UE se soient joints à nos efforts. La Bible et le Coran sont unanimes: "sauver un enfant, c'est sauver l'humanité.""La situation des otages me tient aussi à coeur. Imaginez qu'une de mes fantastiques filles soit enlevée par d'horribles preneurs d'otages. Ma vie s'arrêterait. J'ai donc mis en place un programme de soutien aux familles, en collaboration avec la femme du président israélien Herzog. Il y a également un programme destiné aux 'first responders' qui ont été les premiers à arriver auprès des victimes du 7 octobre et ont eu l'horrible tâche de les identifier.""Je suis soumis à des pressions terribles pour choisir mon camp, y compris dans la guerre entre l'Ukraine et la Russie. Mais je ne cède pas, car la médecine est mon premier métier, c'est une profession à vie. Mon poste de directeur régional passe après. C'est la première fois qu'un directeur régional de l'OMS est élu à l'unanimité par les États membres. Ils apprécient la neutralité."Au niveau des soins de santé et de la médecine, Hans Kluge se réjouit que la santé mentale sorte peu à peu de l'oubli. "Selon notre dernière 'Health Behaviour in School-aged Children international survey', menée dans 44 pays, 28% des filles et 14% des garçons âgés de 15 ans affirment se sentir souvent ou constamment seuls. Les confinements du covid ont certainement aggravé la situation mais nous étudions également l'impact du temps consacré aux écrans et aux réseaux sociaux sur le bien-être mental des jeunes."La santé mentale dans les zones de guerre jouit d'une attention particulière. "Nous collaborons étroitement avec la première dame d'Ukraine, Olena Zelenska, et nous avons déjà entraîné plus de 100.000 prestataires de soins en 'mental health events mangement'. Selon Olena Zelanska, 'tout le monde doit être psychologue.' Mais nous avons, nous aussi, du pain sur la planche, par exemple pour résorber les longues listes d'attente."