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La grippe saisonnière est toujours difficile à prévoir, mais cette année, cela reviendra carrément à lire les lignes de la main. L'hiver passé, aucune épidémie de grippe n'a frappé l'hémisphère nord. Cet été (ou hiver pour l'hémisphère sud), l'Australie n'a pas connu de poussée non plus. En 2021, le pays n'a ainsi déploré aucune mort due à la grippe, alors que le taux de mortalité liée à cette maladie oscillait entre 100 et 1.000 d'autres années. Les experts en concluent, avec la prudence scientifique qui s'impose, que cet état de fait est probablement imputable aux mesures de distanciation prises contre le coronavirus. L'inquiétude règne quant à l'hiver prochain, car notre système immunitaire n'a pas été stimulé depuis longtemps par le virus influenza, même si l'on pense que l'immunité contre la grippe perdure plus qu'une seule saison, comme l'écrit l'épidémiologiste Mary Krauland (université de Pittsburg) sur le site MedPage Today(1). De plus, la circulation limitée du virus au cours de l'hiver passé n'a pas laissé suffisamment de latitude au virus pour qu'il mute. En l'absence de dérive antigénique importante, on peut espérer que tant l'immunité naturelle que le vaccin se montreront efficaces. La levée seulement progressive des mesures de protection contre le Covid-19 et la persistance d'une prudence individuelle donneront peut-être du fil à retordre à la grippe, qui aura besoin de plusieurs années pour revenir à son niveau d'avant la pandémie. Néanmoins, restons attentifs aux conséquences de la circulation chez les hôtes non humains, chez qui de nouvelles souches peuvent naître de la recombinaison. En bref, résume l'épidémiologiste John Paget (Nederlands Instituut voor Onderzoek van de Gezondheidszorg) dans une interview donnée à Nature (2) : " celui qui prétend savoir, ne sait en fait rien." Dans le climat d'incertitude qui règne, mieux vaut donc nous préparer au pire. L'hiver s'accompagne en effet d'une pléthore de maladies qui mettent les soins de santé sous pression. Au cours des derniers mois, le Covid-19 a concentré à lui seul toute l'attention. Cette menace va potentiellement disparaître progressivement, mais personne ne peut exclure qu'elle ne réapparaisse à un certain moment, sous la forme d'un nouveau variant très contagieux. D'autant plus que le taux de vaccination reste insuffisant dans certaines parties du monde. Les autorités belges ont d'ores et déjà pris des mesures afin de stimuler au maximum la vaccination contre la grippe. Pour la saison 2021-2022, pas moins de 3,78 millions de doses seront disponibles, à savoir 25% de plus que l'année passée. Grâce à cela, aucun phasage dans la distribution des vaccins ne sera nécessaire(3). En Belgique, il existe trois vaccins tétravalents, qui contiennent des antigènes contre les deux souches les plus courantes du virus influenza (une souche de H1N1, une souche de H3N2) et deux souches d'influenza B. Tout comme l'année passée, les pharmaciens peuvent aussi prescrire le vaccin, de manière à ce que le patient ne doive pas passer par le généraliste. Par contre son administration relève toujours exclusivement de la compétence de ce dernier. Cette automne, la vaccination de groupe sera marquée par la décision des autorités d'administrer une troisième dose de vaccin contre le coronavirus aux personnes à l'immunité affaiblie et à celles de plus de 65 ans. Rien ne s'oppose à l'administration des deux vaccins le même jour (contre la grippe et contre le Covid-19), pour autant que l'on n'utilise pas le même bras pour les deux. Dans son avis du 7 octobre, le Conseil supérieur de la Santé mentionne que le potentiel immunogène et la sécurité du vaccin ne s'en verront pas diminués(4). Cet avis repose sur les résultats de l'étude ComFluCov, née d'une collaboration entre les université de Bristol et d'Oxford.