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L'ouvrage du Dr Segers étant conçu par ordre chronologique, on passera rapidement sur Mozart, à la santé ô combien fragile et qui mourut vraisemblablement d'une infection aiguë, sans doute aggravée par les suites tardives de la maladie de Henoch-Schönlein ainsi que des saignées qui accélérèrent une insuffisance rénale à l'issue fatale de même que sur Händel, paralysé du bras gauche en raison d'une hernie discale cervicale, pour se concentrer sur la célèbre surdité de Ludwig Van Beethoven. Le compositeur classique le plus populaire d'entre tous auprès du grand public souffrit, en réalité, assez précocement du pire mal qui soit pour un compositeur. Mais il entendait bien entendu les sons intérieurement ce qui lui permit de poursuivre sa quête de chef-d'oeuvres. Le Dr Jean-Marie Stegers pose la question: sa surdité était-elle d'origine auto-immunitaire? "Il est probable qu'elle était surtout de nature neurosensorielle avec atrophie secondaire des nerfs auditifs. L'hypothèse d'une otospongiose, caractérisée par une fixation de l'étrier dans la fenêtre ovale est très plausible mais n'a jamais été prouvée." Quant à l'hypothèse de la maladie de Paget, elle n'est plus pertinente aujourd'hui, pas davantage que le diagnostic de neuro-syphilis ou d'une sarcoïdose ou encore d'une intoxication saturnine. Ce dont on est sûr en tout cas c'est que "Ludwig van" n'entendit jamais sa 9e Symphonie. Si l'on en croit Jean-Marie Segers, la plupart des compositeurs connus, du 18e siècle au 20e siècle, furent affectés d'une maladie grave qu'on dirait aujourd'hui chronique. Mais ils furent, en cela, bien de leur temps car la médecine était à l'époque balbutiante. Celles qui reviennent souvent? La tuberculose et la syphilis. "Nicolò Paganini fut le premier musicien célèbre touché par la syphilis, trois ans avant Schubert et douze ans avant Schumann." Il l'attrape en 1819 dans les quartiers chauds de Naples. En plus de cette maladie honteuse et de la tuberculose, l'auteur des 24 Caprices pour violon solo "présentait également des rectorragies et un rétrécissement urétral". Franz Schubert, lui, ne mourut pas de la syphilis, contaminé par une domestique un peu frivole porteuse du tréponème mâle avec qui il eut des rapports charnels, mais bien de la fièvre typhoïde. Alors que Felix Mendelssohn Bartholdy mourut d'AVC, son contemporain Frédéric Chopin reste tout de même une énigme médicale. Il souffrait depuis son enfance de problèmes respiratoires et ses quintes de toux restent légendaires. "Mais la question de savoir si Chopin est finalement décédé d'une tuberculose pulmonaire reste controversée." Souffrait-il également de BPCO avec bronchectasies et emphysème pulmonaire? En tout cas, le diagnostic de la mucoviscidose est très improbable car à l'époque d'avant les antibiotiques, les patients muco ne dépassaient pas l'âge de dix ans, explique le Dr Segers. Intéressant: le coeur de Chopin ayant été conservé jusqu'aujourd'hui, des spécialistes l'ont examiné. Ils ont publié leurs conclusions en 2018 dans The American Journal of Medicine. L'auteur d'une multitude de mazurkas, polonaises et valses serait mort, selon les chercheurs, d'une péricardite, complication rarissime de la tuberculose. Avec Robert Schumann, qui qualifiait Chopin de "Prince", on est davantage dans le registre de la maladie mentale avec un diagnostic de trouble bipolaire et de démence. Cependant, sa folie de la persécution, ses hallucinations auditives, ses crises de larmes et ses paroles incohérentes ont pu tardivement être attribuées au troisième stade de la syphilis, une fois de plus. Leur ami commun, Franz Liszt, en revanche, ne souffrit "que" de fièvres. Inexplicables à l'époque, on les relie aujourd'hui à une prostatite devenue chronique pour laquelle le virtuose hongrois recevait déjà à l'époque un traitement homéopathique. Peut-être ses accès de fièvre expliquent qu'il ait pu être si prolifique avec un nombre incroyable de morceaux pour piano de tout genre et d'innombrables transcriptions dont les Neuf symphonies de Beethoven réduites pour piano solo (l'intégralité de son oeuvre pour piano enregistrée par le pianiste britannique Leslie Howard s'étale sur pas moins de 99 CD! ). Il faut savoir que Franz Liszt c'est l'équivalent de Madonna pour l'époque: des concerts de trois heures dans toute l'Europe... Jean-Marie Segers clôture le 19e siècle avec Bedrich Smetana (totalement sourd et syphilitique qui s'ignorait), Georges Bizet (rhumateux et angineux), Modest Moussorgski (alcoolique profond), Edvard Grieg (insuffisant respiratoire) et Piotr Ilitsch Tchaïkovski dont l'homosexualité conduisit à une dépression chronique mais qui fut finalement terrassé par le choléra. Jean-Marie Segers épingle, pour terminer, quelques compositeurs maladifs qui composèrent leurs oeuvres majeures au 21e siècle: Claude Debussy atteint d'un cancer du rectum et qui souffrit longtemps de douleurs intestinales atroces. Serge Rachmaninov, sujet à de longues dépressions nerveuses, la plus longue d'une durée de quatre ans dont seul le psycho-thérapeute français Nicolas Dahl put le délivrer grâce à l'hypnose. En remerciement, Rachmaninov lui dédicacera son fameux concerto pour piano et orchestre numéro 2. Enfin, tout comme Beethoven dut "jongler" avec sa surdité, Maurice Ravel, le célèbre compositeur du Boléro, fut condamné à la quasi inactivité pendant les quatre dernières années de sa vie (1933-1937). La raison: "Une forme complexe d'aphasie, de type Wernicke ainsi qu'une apraxie et une agraphie progressive." Diantre! Heureusement qu'il put terminer son Concerto pour la Main gauche!