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Cette nouvelle exposition, qui se veut permanente, fait suite à celle toujours à voir jusqu'au 22 septembre qui conte l'Entre-deux-guerres, plus précisément la fin de la Première Guerre et la décennie qui la suivit.Cette nouvelle présentation est d'une ampleur plus grande encore, qui raconte la seconde catastrophe du 20e siècle, laquelle exigera la vie d'entre 50 et 80 millions de personnes : cinq fois plus de victimes que le premier conflit mondial...En introduction, quatre objets pour symboliser la période : un bras articulé d'un blessé de 14-18, des boules de Noël à la gloire du parti nazi et sur lesquelles figure le visage d'Hitler !, la machine du code Enigma, et l'autel portatif colporté par le père Boone, aumônier des engagés belges dans la RAF.L'expo, riche de plus de 2.000 objets, uniformes, armes, affiches, photos, vidéos, démarre sur les conséquences de la guerre et l'émergence, éphémère parfois, de nouveaux pays comme les trois États baltes, très vite repris par l'ours soviétique, ou de la Finlande aidée dans sa survie face aux soviets par les corps francs... allemands. Toujours accompagné d'une explication limpide, étayée et précise, souvent chronologique, Guerre, occupation, libération évoque le putsch de la Brasserie de Munich en 1923 qui voit Hitler échouer dans sa prise de pouvoir, aidé en cela par Ludendorff, le général en chef des Armées allemandes défait et inventeur du " coup de poignard dans le dos ", pour se dédouaner lui-même et faire de même avec ses troupes.Si l'armée allemande n'est plus que soi-disant défensive, l'occupation de la Ruhr, notamment par les Belges et les Français, donne lieu à des frustrations et même des attentats, des faits que l'on oublie souvent. Versailles a rendu l'Allemagne exsangue (les billets montrés ne valent plus rien) oscillant entre extrêmes - communistes et droite nationaliste -, les fameux corps francs assassinant Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht.Le traité a créé artificiellement de nouveaux états, notamment la Tchécoslovaquie où les minorités hongroise, allemande ou ruthène sont méprisées voire le royaume de Serbie, future Yougoslavie, qui met sous la coupe serbe la Croatie, le Monténégro ou la Slovénie. L'Ukraine existe, elle, quelques mois avant d'être partagée entre Union soviétique et Pologne.La grande dépression de 1931 voit en Belgique également les extrêmes émergers, tandis que Staline, Hitler et Mussolini prennent peu à peu les rênes du pouvoir. Le fasciste le fera dès le début des années 20, soutenu par les propriétaires terriens et les industriels. Des maîtres de forges qui ne sont pas pour rien dans la montée du nazisme au sein de la République de Weimar : si les Soviétiques choisissent l'isolement, l'Allemagne repart à la reconquête de ses régions perdues, avec l'aval silencieux des autres puissances, tandis que l'Italie rêve de colonies, d'ancienne gloire romaine (l'Éthiopie, la Libye sont placées sous son étendard).Vers 1936, la Belgique est sous tension : intérieure avec la montée de Rex côté francophone, du VNV côté flamand ; extérieure avec une Allemagne de plus en plus menaçante (la ligne de forts autour de Liège est renforcée, Eben-Emael construit dès 23). En 1938 déjà, la mobilisation est déclarée.Jamais avare de révélations, l'expo explique que, le 10 janvier 1940, dans un avion allemand qui effectue un atterrissage forcé sur le territoire national, on découvre les plans d'invasion... de la Belgique !Prodigue en reconstitutions, de la mobilisation ou de l'exode, l'exposition propose également des bornes vidéos qui voient des témoins raconter notamment l'arrivée en planeurs de soldats allemands par-delà le canal Albert. Ironie de... l'Histoire, cet engin sera utilisé par les alliés lors du débarquement de Normandie. Sont évoquées également les exactions allemandes lors de la campagne de Belgique, notamment l'assassinat des 86 habitants de la petite commune de Vinkt, accusés d'avoir tiré sur des soldats allemands. Autre rappel utile, le rôle prépondérant des radars dans la bataille d'Angleterre, au départ disproportionnée en termes d'appareils engagés.Même la Suisse n'est pas oubliée dans le panorama : neutre certes, mais qui maintient des contacts diplomatiques avec l'Allemagne, tout en tolérant des résistants sur son territoire. Est rappelée également l'action des 15 .000 soldats congolais et des 10. 000 porteurs, seuls combattants officiels d'une Belgique libre, et qui furent présents sur divers théâtres de combats du Continent africain.Outre la mise en scène d'équipements, médailles, ou maquettes, le propos de l'expo se mondialise donc avec l'évocation de l'attaque de Pearl Harbor, provoquée par l'embargo pétrolier imposé par les Américains au Japon. Autre territoire neutre embrigadé dans la guerre, l'Islande qui sert de base arrière puis de tête de pont aux Britanniques d'abord, aux armées US ensuite.Également stratégique dans son rendu, l'exposition du musée de l'armée pointe les deux erreurs majeures d'Hitler (parmi d'autres moins définitives) : celle d'avoir attaquer l'Union soviétique après l'échec de la conquête de la Grande-Bretagne, et de s'être allié à Mussolini dont il va devoir s'attacher à effacer les échecs (en Grèce, ou en Égypte notamment) avant de battre en retraite après El Alamein en 1942.Reconstituée, la salle des machines d'un U-Boot (comme la tourelle d'une forteresse volante) pointe l'importance au début de la guerre de cette arme pour les Allemands ; qui iront jusqu'à menacer la Côte Est américaine, ou à couler un navire de guerre britannique dans son port d'attache écossais.L'exposition relate également les erreurs commises par les Alliés (le débarquement de Dieppe en 1942 qui coûta la vie à 1200 soldats) autant que celles de jugement d'Hitler qui perdra l'immense bataille de chars de Koursk (6.000 chars engagés ! ), l'aide américaine aux Soviétiques notamment en terme d'avions, puisque les Russes avaient perdu 4.000 appareils au début de l'opération Barbarossa lancée par le Führer. Elle évoque évidemment le débarquement, en insistant sur le fait que les Allemands, trompés par une opération leurre lancée par Patton dans le Pas-de-Calais quelques mois plutôt,crurent longtemps que l'opération Overlord en était une autre.Les années 44-45 ont droit à un étage à elle toute seule : y sont illustrées les attitudes de la population belge, flamande ou francophone, de gauche ou de droite, avant et durant les hostilités vis-à-vis des Allemands. Et bien sûr, celle de nos compatriotes envers les Juifs : car si 30.000 d'entre eux furent sauvés, un nombre égal disparu dans les camps, en grande partie des réfugiés venus d'Allemagne où la politique des nazis fut jusqu'en 41 de s'en débarrasser d'abord, en les faisant quitter le territoire (la moitié avait quitté l'Allemagne en 38), avant de passer à la liquidation notamment dans les camps de concentration. Dachau en est par exemple, créé dès 1933 comme camp de redressement pour opposants allemands ou déviants homosexuels. Le gaz zyklon b fut d'abord utilisé sur les handicapés, durant l'opération T4 avant de servir à assassiner Juifs et Tziganes. Les objets les plus sidérants de l'exposition sont sans doute les fameux manteaux noirs des SS présentés dans cette partie, les plus émouvants, les pauvres gobelets et écuelles des victimes juives de Buchenwald.Cette immense expo qui tenait de la gageure réalisée par le Musée de l'armée et qui s'apparente à une déambulation dans un livre d'histoire tragique en pop-up de la première moitié du 20e siècle, donne à réfléchir quant aux thèmes actuels des extrêmes, des déplacements de population de l'engrenage en divers points du globe. Elle évoque bien évidemment, d'un point de vue national, la libération de la Belgique, de Bruxelles (le 4 septembre, bien que les troupes britanniques et la brigade Piron pénètrent déjà dans la capitale le 3 dans la soirée), et le coup d'arrêt sanglant que fut la Bataille des Ardennes, rappelle également l'expansion et les exactions japonaises, et se terminent sur les explosions atomiques d'Hiroshima et Nagasaki.Et toujours dans un souci de véracité qui l'honore, précise que ce ne sont pas ces deux attaques nucléaires sur des populations civiles qui firent plier définitivement les Japonais, mais l'avancée russe au nord de l'Archipel qui, un mois après la double déflagration, virent les dirigeants nippons préférer se rendre aux Américains.