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Le livre de Vincent Liévin, ancien collaborateur du journal Médecin, retrace au travers d'une série de témoins l'histoire de cette crise depuis les premières manifestations de la pandémie jusqu'à la fin juin. On retrouve dans Les héros du coronavirus(1) des personnalités qui sont devenues au fil des semaines des acteurs incontournables de l'actualité : Emmanuel André, Philippe Devos, Eric Delabrousse, Anthony Fauci, Marius Gilbert, Didier Raoult, Marc Van Ranst, Marc Wathelet... D'autres, sont des inconnus (ambulanciers, infirmiers, pompiers, directrices de MRS...) qui, dans l'ombre, ont travaillé pour protéger et sauver des vies. La lecture des différents portraits fait resurgir les questionnements, les manquements, les erreurs mais aussi les victoires, petites ou grandes, les gestes de solidarité, les décisions heureuses, les trésors d'inventivité et les actions de solidarité. En s'appuyant sur de nombreux articles de presse belges et étrangers, Vincent Liévin salue l'extraordinaire implication de nombreux professionnels. " Cette crise révèle que ces femmes et ces hommes ont tenu bon face au virus alors que depuis des années on s'attache à détricoter patiemment, petit bout par petit bout, les services hospitaliers en France comme en Belgique ", souligne Vincent Liévin. Dans l'ouvrage, les critiques contre les autorités belges et étrangères ne manquent pas. Et de rappeler, par exemple, le commentaire cinglant de Thomas Orban (président du Collège de médecine générale) interviewé par le jdM demandant la démission immédiate de Maggie De Block : " dehors ! ". Au Royaume-Uni, le Dr Abdul Mabud Chowdhury, a été un des premiers à essayer d'empêcher le désastre. Cet urologue, né au Bangladesh, a écrit le 18 mars une tribune dans The London Economic pour convaincre Boris Johnson de prendre les bonnes décisions. " Cher et respectable Premier ministre, veuillez assurer de toute urgence un équipement de protection individuelle (EPI) pour chaque travailleur du NHS au Royaume-Uni. N'oubliez pas que nous sommes médecins, infirmiers, agents de santé en contact direct avec les patients, mais que nous sommes également des êtres humains qui avons le droit comme les autres de vivre dans un monde sans maladie avec notre famille et nos enfants. Les gens nous apprécient et nous saluent pour notre travail gratifiant, mais nous devons nous protéger et protéger nos familles (...) de cette catastrophe mondiale en utilisant des EPI et des remèdes appropriés. (...) Sinon à l'avenir, nos enfants perdront tout intérêt à fréquenter une école de médecine. Nous devrions également obtenir des installations de premier ordre pour les tests de coronavirus afin d'aider nos patients à prévenir la propagation de la maladie. " L'urologue, comme d'autres milliers de médecins britanniques signataires de plusieurs pétitions, n'aura pas été entendu par Boris Johnson. Malheureusement, le Dr Abdul Mabud Chowdhury s'éteint le 9 avril après avoir passé quinze jours aux soins intensifs. La mort de ce " héros décédé au service de la collectivité " a secoué l'opinion publique outre-Manche. L'auteur consacre un chapitre aux lanceurs d'alerte qui ont choisi de parler, parfois au péril de leur vie. Ainsi la première lanceuse d'alerte de la crise, le Dr Ai Fen, en poste à l'hôpital central de Wuhan, a été rappelée à l'ordre par les autorités chinoises et sommée de se taire. Son confrère, l'ophtalmologue Li Wenliang, va également tirer la sonnette d'alarme en publiant plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux. Il meurt quelques semaines plus tard après avoir attrapé le virus. " Sa mort servira d'électrochoc, jusqu'à secouer, bien trop tardivement, le pouvoir central chinois. "Aux Etats-Unis, le Dr Bright, qui a eu le tort d'émettre des réserves sur les traitements à base de chloroquine et d'hydroxychloroquine, a été mis à la porte. L'ancien directeur de l'Autorité de la recherche et du développement avancés dans le domaine biomédical (Brada) dénonce une véritable omerta orchestrée par les responsables du ministre de la Santé et des services sociaux des Etats-Unis. Dès janvier 2020, il réclamait aux autorités des masques FFP2, des respirateurs, des seringues, des financements et du personnel. En vain. Dans cet ouvrage, l'auteur rend aussi discrètement hommage à sa mère, pharmacienne d'officine à Couvin. " A plus de soixante-cinq ans, mère de trois enfants et grand-mère de sept petits-enfants, Bernadette Ureel fait partie des personnes à risque, mais elle n'entend pas se cloîtrer chez elle pour autant. " Avec ses collègues et son mari, dentiste à la retraite, ils se sont mobilisés durant des semaines pour préparer du gel hydroalcoolique, répondre patiemment aux craintes de la population et fournir des masques. " Les pharmaciens ont réellement été oubliés par les responsables politiques, tout comme les médecins et les infirmières. Ils ne savent même pas qu'on existe ", regrette la pharmacienne. On ne peut que conseiller à ces dirigeants amnésiques de lire Les héros du coronavirus pour leur rappeler, entre autres au moment de la confection du futur budget des soins de santé (lire en couverture) lorsqu'il faudra faire des choix, l'engagement sans faille de ces professionnels de terrain.