...

Alors qu'un cube sans âme (oeuvre de Roger Bastin) a remplacé le château des Warocqué au milieu de l'écrin de verdure que constitue l'ancien site du pavillon de chasse royal voulu à l'époque par Marie de Hongrie, l'architecte Luc Schuiten, frère de François, imagine un 22e siècle organique, en matériaux naturels ouvert et floral sur les mêmes lieux du musée. Sa vision optimiste et écologique de notre avenir se révèle une sorte d'Art nouveau (si chère à son frère François) futuriste et en matière recyclable, recherchant la symbiose avec la nature. Dernier chapitre d'une exposition qui se veut une sorte de Back to the Future, sans voiture mais pas sans véhicule, qui transporte le visiteur au coeur des visions positives ou négatives que l'homme, disons depuis la Renaissance a imaginé des temps à venir (la Renaissance clamant la fin de Dieu, donc de l'immortalité, la conception du futur qui remplace celle de l'au-delà commence à s'imposer). L'idée de temps balise d'ailleurs l'expo notamment dans le premier chapitre Tempo fugus : un Mickey à tête de mort de Nicolas Rubinstein, sorte de memento mori contemporain, trône dans un cabinet de curiosités, aux côtés du Livre des secrets d'une guérisseuse du 17e siècle du nom de Louise Bourgeois, que son homonyme artiste a voulu republier deux siècles plus tard. En face, les oeuvres de Katia Bourdarel évoquent Peau d'âne et le château de Cendrillon chaque fois dans des versions rabougries et de perte d'illusions. Alternant blancheur pour la vision positive et noirceur pour celle plus crépusculaire au cours des huit chapitres, le sombre " prédire l'avenir " donne à voir notamment l'oeuvre de HG Wells, La guerre des mondes, soutenue par une vision audio de sa transposition par Orson Wells cette fois, ceci non loin de l'incunable de Nostradamus, des illustrations du Autour de la Lune de Jules Verne, ou celle d''un aéro-paquebot à la fin du 19e par Albert Robida. Voyage dans l'espace et le temps permet de découvrir des plasticiens formidables, héritiers de l'auteur de Vingt mille lieues sont les mers : c'est le cas de Fabien Chalon, ingénieur industriel dont la machine à billes et écran, merveille de mécanique intitulée La vieille fusée, possède le charme poétique du vaisseau de Robur le Conquérant de Verne qu'elle évoque. Et que dire alors de Panamarenko et de son Paradox, sorte d'engin volant maladroit, mais plein d'espérance et d'illusion poétique. Plus loin, notre autre compatriote Stéphane Halleux imagine un Batman des années trente les ailes repliées. Albert Robida encore s'érige dans ses dessins en prédécesseur de Schuiten, lequel se déploie à ses côtés, et avoue d'ailleurs, dans la série Revoir Paris, l'influence déterminante de ce prédécesseur sur son dessin. Le voyage dans le temps est aussi un voyage dans la tête, comme le montre Didier Graffet et son vaisseau La dynamo rouge, symbole d'un communiste russe SF triomphant et donc uchronique (plus loin il s'inspire du Nautilus pour une oeuvre plus aquatique). Découverte filmique cette fois avec Karel Zeman, réalisateur tchèque qui réalise notamment avec Les aventures fantastiques en 58, une vision respectueuse et splendide de l'oeuvre de Verne. Une merveille de poésie. La section Utopie et dystopie mêle vision sombre et plus lumineuse : à l' Utopia de Thomas More (1516) répond notamment une version plus contrastée et en trois dimensions de l'artiste Fred Biesmans, qui a imaginé pour l'exposition une civilisation avancée, basée sur les vestiges de la nôtre, présentés sous forme des maquettes : création d'un univers nouveau au départ d'un monde connu. Une uchronie plastique, un roman de science-fiction en trois dimensions. Une section de Bye Bye Future ! évoque les robots, notamment ceux construits à partir de matériaux de récupération, notamment de Go Jeunejean et Stéphane Halleux, introduits par un ouvrage de Romain Rolland et illustré par Frans Masereel, intitulé La révolte des machines. Vestiges du temps présent s'ouvre sur les oeuvres sardoniques de Stephen Kaltenbach lequel présente des obus portant l'inscription Open, before, during ou after ww III. Toujours aussi drôle, Wim Delvoye joue de la collision temporelle en transposant des captures d'écran du jeu vidéo Counter strike sur des bas-reliefs en marbre. James Huston imagine une sorte de steampunk : une construction hybride et bordélique, genre tour de Babel contemporaine qui rappelle le château ambulant de Myazaki. La disparition de l'écrit et du livre constitue le septième chapitre et est principalement illustré par le Fahrenheit 451 de Ray Bradbury et, entre autres, des extraits du film éponyme de François Truffaut. Enfin, le noir effondrement baigne la plupart du temps dans un humour qui ne l'est pas moins : Thomas Zurstrassen illustre la mise en bière de la religion par twitter, Fayçal Baghriche fait tourner folle une mappemonde sur son socle, Pierre et Gilles photographient un Goldorak au milieu des détritus. Enfin, Thomas Zurstrassen encore, dans la ligne de François Curlet et Fred Biesmans qui sculptent une Kim pie aux allures de champignon atomique, imagine un Dum Hunt qui évoque le jeu vidéo Duck Hunt des années 80 : il permet de tirer sur un Trump voltigeant que le chasseur Kim Jong Un vient ensuite récupérer. À l'image de cette exposition qui mélange bédés, vidéos, oeuvres contemporaines, trésors archéologiques ou livresques ( La chronique de Nuremberg de 1492 enluminée), Bye bye Future ! se veut transversale et parvient à rendre fluide un espace muséal temporaire du musée de Mariemont pourtant peu évident à exploiter. Une performance qu'il faut espérer voir rééditer... à l'avenir !