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Ne le dites pas trop fort en Italie, mais Alfa est à l'origine... française, née en 1910 des vestiges de la succursale italienne de la marque française Darracq. Alfa est bien entendu la première lettre de l'alphabet romain, mais aussi un acronyme qui renvoie à la région de Lombardie, où l'usine a posé ses bagages. La deuxième partie du nom fait référence à Nicola Romeo, cet industriel italien à qui l'armée commanda en son temps la conception de moteurs d'avions et de matériel ferroviaire. À l'issue de le Première Guerre mondiale, notre homme se dédie à la production de véhicules exclusifs de sport. L'impressionnante série de victoires de la raceteam d'Alfa font grandir la légende, avec derrière le volant, le jeune pilote automobile... Enzo Ferrari, encore inconnu à l'époque. Le crash boursier de 29 plonge Alfa Romeo dans une incommensurable mouise financière. En 1933, la marque est reprise par le holding public IRA. La deuxième Guerre Mondiale finit de noyer dans l'oeuf le retour d'Alfa Romeo. L'année 1950 constitue un moment-clé de l'histoire de la marque. La direction délaisse la compétition pour se recentrer sur la production en série de berlines et de coupés sportifs et bon marché. La même année, l'Alfa 1900 fait ses joyeuses entrées, rejointe en 1954 par la Giulietta. Nous voici en 1960. Alfa lance une nouvelle usine à Arese, en vue de la production de la nouvelle Giulia. D'autres véhicules verront le jour : l'Alfa Romeo Spider, la 33 Stradale, la Montreal, l'Alfasud, l'Alfa 6 et l'Alfa 75. À partir des années 80, le moteur Alfa connaît à nouveau des ratés. Les nouveaux modèles se font attendre ou n'aboutissent pas. La gouvernement réagit et met la marque en vente. Ford se montre intéressée mais se heurte à un refus de l'influente famille Agnelli, propriétaire de Fiat. La reprise par Fiat en 1986 sauve la fameuse marque de la faillite, mais pas plus. Plus grave encore, Fiat utilise la renommée d'Alfa pour redorer son propre blason. Les nouveaux modèles sont alors équipés de pièces Fiat et doivent passer à une propulsion avant, perdant par là-même une grande partie de leur cachet et de leur sportivité. L'espoir renaît quelque peu en 1997, quand l'Alfa 156 est élue " Voiture de l'Année ", mais l'enthousiasme est de courte durée. En 2004, la famille Agnelli demande à Sergio Marchionne, banquier canadien d'origine italienne, de faire le ménage. Ce dernier ferme une série d'usines, coupe dans le budget dédié au développement de nouveaux modèles et de technologies innovantes. Cette stratégie se retourne contre le groupe automobile italien, qui fusionne en 2009 avec l'Américain Chrysler. En l'absence de nouveaux modèles, FCA (Fiat Chrysler Automobiles) ne peut surfer sur le boom du SUV et rate aussi le train de l'électrique. Des ratages qui touchent tout particulièrement Alfa. Pour survivre, FCA cherchait depuis quelques temps un partenaire, qu'elle a finalement trouvé avec le Groupe PSA. En 2021, FCA et PSA uniront ainsi leur forces. Le nouveau boss de Stellantis ne sera autre que Carlos Tavares, qui a su revitaliser en quelques années le groupe automobile français en grande déroute financière et, soit dit en passant, a sauvé Opel de la noyade. L'intéressé se voit attribuer la périlleuse mission de fusionner les cultures entrepreneuriales de deux mondes totalement différents, et d'amener tout le monde à regarder dans la même direction. Cela suppose que toutes les marques concernées sacrifient une partie de leur personnalité. Une telle fusion n'a de chance de réussir qu'avec de solides synergies, permettant de comprimer spectaculairement les coûts. Concrètement, cela implique que toutes les marques utiliseront au maximum les mêmes technologies, les mêmes plateformes et pièces. PSA a une longueur d'avance sur FCA en terme de technologie, ce qui poussera Alfa à repenser ses modèles et à perdre encore un peu plus son unicité toute italienne. Cela sonne-t-il définitivement le glas d'Alfa ? On sait Tavares fana de voiture. L'homme grimpe aussi régulièrement à bord de voitures de course. Au sein de Stellantis, aucune autre marque ne possède un passé aussi glorieux qu'Alfa Romeo. Avec la Stelvio et la Giulia Quadrifoglio, Alfa a en outre prouvé qu'elle était toujours capable de construire des voitures fantastiques, qui ne doivent rien aux modèles équivalents des marques premium allemandes ou anglaises. Une Alfa n'atteint certes pas la perfection d'une Audi, d'une BMW, d'une Mercedes ou d'une Porsche. Elle ne dispose pas des systèmes dernier cri d'infodivertissement, ni du meilleur cuir. Mais le vrai féru d'Alfa n'en a cure. Pour lui, c'est l'émotion qui prime sur la raison. Ajoutons qu'il faut avoir un jour conduit une Alfa pour savoir ce que le plaisir de conduire signifie réellement ! Cela suffira-t-il à Tavares pour rétablir la gloire d'antan d'Alfa Romeo ? Pour l'instant, l'intéressé ne nous laisse pas voir son jeu. Quel poids auront le passé glorieux et les modèles iconiques d'Alfa Romeo aux moments d'établir la ligne de conduite de Stellantis ? Nous croisons les doigts pour qu'il prenne les bonnes décisions. Forza Alfa !