Les fonds estampillés ESG (environnement, social, gouvernance) sont de plus en plus nombreux et, surtout, de plus en plus divers. D'autant que si c'est presque exclusivement le cachet écologique qui a longtemps retenu l'attention, le volet social prend aujourd'hui de l'importance.
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Une première évolution s'était déjà faite jour: au lieu de ne retenir que les entreprises ne polluant guère, a fortiori celles produisant de l'énergie verte, un nombre croissant de gestionnaires d'actifs ont mis l'accent (aussi) sur les entreprises réalisant de gros efforts pour polluer moins, ou encore pour recycler. Les premiers fonds arborant l'étiquette verte plaçaient sur le podium des entreprises comme le géant danois Vestas, numéro un mondial de la fabrication d'éoliennes. Aujourd'hui, certains n'hésitent pas à placer en portefeuille des groupes pétroliers investissant massivement dans les énergies renouvelables. On notera au passage que cette ouverture d'esprit fut "récompensée": l'action Vestas avait été un placement mirobolant en 2020, avec un triplement du cours, mais désastreux ensuite, puisque l'action a perdu quelque 60% depuis son sommet de début 2021. À l'inverse, l'action Total Énergies est restée dans le vert cette année, alors que les bourses sont teintées de rouge vif. ... que d'homme. L'adage est bien connu, qui remonte au XVIe siècle. Il va de soi qu'homme doit, aujourd'hui en tout cas, être compris comme être humain et non comme mâle dominant... C'est cet adage que la maison Lazard mit en exergue en présentant, à fin septembre, son fonds Human Capital Expertise en Belgique. Une preuve supplémentaire que le qualificatif "vert" longtemps accolé aux fonds ESG ne convient plus à nombre d'entre eux. Le fonds s'articule clairement autour du S de l'anagramme ESG. Les entreprises sont sélectionnées sur la base de cinq critères: ? les heures de formation du personnel ; ? la part des femmes dans les fonctions dirigeantes ; ? la diversité du personnel ; ? la politique sociale à l'égard des employés ; ? la (faible) rotation du personnel ; Deux entreprises illustrent l'approche: Accenture dans le sens positif et FedEx dans le sens négatif. Groupe de conseil présent un peu partout dans le monde, Accenture compte 50% de femmes dans l'équipe de direction... dont la PDG. La rotation du personnel est de 12% par an. Elle monte à 65% chez FedEx, le géant du courrier express, où les femmes ne sont que 18% au niveau de la direction. La politique sociale d'Accenture est également un important point positif, alors qu'elle est clairement un point faible chez FedEx. Ces deux cas sont exemplaires et peut-être un peu caricaturaux, jugeront certains: il est beaucoup plus facile pour le groupe de conseil, au personnel qualifié et bien payé, d'être orienté social. Les scores respectifs de 8 et 2,5 sur 10 en matière de capital humain sont donc en partie "compréhensibles". Le volet social n'empêche pas le volet environnemental, témoigne pour sa part le fonds Global Climate and Social Impact lancé fin 2021 par le gestionnaire Nordea AM. Ce groupe scandinave a fait une belle percée dans nos contrées avec le fonds Nordea 1 Global Climate and Environment, aujourd'hui fermé aux nouvelles souscriptions. Il a donc remis le couvert en lançant ce nouveau fonds qui reprend pour un peu plus de 60% du portefeuille le thème du précédent, complété par des entreprises très différentes, axées sur la santé et surtout l'inclusion. "Nous allons par exemple investir dans des sociétés proposant des services télécoms en Afrique ou de l'éducation en ligne, des activités qui permettent de réduire l'exclusion de certaines populations défavorisées", expliquait en juin dernier la gestionnaire Ranya Vasileva au magazine Trends. Ceci ne saute toutefois pas aux yeux quand on se penche sur les principales valeurs du portefeuille. Les deux premiers postes sont Republic Services et Waste Management, respectivement numéros deux et un du recyclage des déchets aux États-Unis. La santé y est présente au travers de Danaher, qui suit des services aux collectivités et précèdent des entreprises technologiques, ainsi qu'une banque indonésienne et un assureur de Hong Kong. Nordea proposait déjà un fonds spécifiquement social: le Global Social Empowerment, qui dispose du label belge Towards Sustainability. On s'en voudrait de ne pas revenir sur la grande famille des fonds "verts", pour souligner l'éventail des thèmes actuellement proposé. Certains fonds sont ainsi axés sur l'eau, à l'instar de l'important BNP Paribas Aqua. Son portefeuille est constitué d'entreprises traitant les eaux polluées, permettant de l'économiser, d'effectuer des mesures de pureté, etc. En tout cas pour une partie de leur activité, parfois réduite. Il faut en effet comprendre que ces fonds visent surtout des groupes importants, dont il est facile d'acheter et de revendre des actions. Les entreprises plus spécifiques et de moindre taille ne peuvent pas peser trop lourd dans le portefeuille. Le premier poste est ici le géant français Veolia Environnement, dont la gestion de l'eau représente environ 38% du chiffre d'affaires. Y figurent aussi le suisse Georg Fisher, dont certains produits atténuent les pertes d'eau, ainsi que la société américaine IDEX, qui possède un département axé sur les fluides: compresseurs, pompes, injecteurs... Voilà qui donne une idée de ce qu'il faut entendre par un fonds axé sur l'eau. Parmi les autres, on relève l'Eco Fund Water de KBC, lancé en 2000 déjà! Autre thème: l'économie circulaire, autrement dit le recyclage, qui permet d'économiser environ un cinquième de l'énergie nécessaire lors de la fabrication. C'est le credo du fonds M&G Climate Solutions, lancé voici un an et demi. Son principal investissement, revendu après une belle hausse, était l'américain Ball, principal fabricant mondial de cannettes en aluminium. Celles-ci sont recyclées à 69% à l'échelle mondiale, contre un peu moins de 50% pour les bouteilles en verre et en plastique. Autre poste important: le groupe logistique australien Brambles, qui gère et recycle quelque 300 millions de palettes et de caisses. Plus spécifique: l'américain Darling Ingredients, numéro un mondial du recyclage des produits de viande et des huiles de cuisson. Il en fait des aliments pour animaux, du carburant et même... des produits pour l'industrie pharmaceutique. L'Eco Fund Impact Investing proposé par KBC témoigne d'une autre approche: avoir un impact positif sur la société. On y trouve aujourd'hui des valeurs assez classiques comme le danois Novo Nordisk, le géant des traitements contre le diabète, ainsi que plusieurs autres actions pharmaceutiques. Plus surprenant: le groupe américain LKQ, fournisseur de pièces automobiles. Dans l'air du temps: le néerlandais Alfen, spécialiste des bornes de recharge pour véhicules électriques. Deux sociétés très spécifiques figuraient naguère dans le top 10: la britannique Civitas Social Housing, axée sur le logement social, et l'américaine Bright Horizons, un géant de... la garde d'enfants. De belles illustrations de la notion d'impact!